Ouf
L'obscénité diplomatique est lente, mais elle a du bon puisqu'elle limite les dégâts et les morts, après avoir compté et recompté ses billes. De ce point de vue, le titre qui dit tout est celui d'un journal économique : « Le cessez-le-feu au Liban calme l'or noir ». Sachez donc que « les marchés ont soufflé », que le prix du baril de pétrole a baissé, qu'on est revenu à une déraison normale. « À la fin de l'Histoire, a dit quelque part Hegel, la mort vivra une vie humaine. » C'est fait, c'est arrivé, c'est bouclé. L'embêtant, avec la fin de l'Histoire, c'est qu'elle ressemble à la mort de Dieu : ça n'en finit pas de finir, ça n'en finit pas de mourir. Le parti de Dieu est celui de la mort, il a de beaux jours devant lui, c'est de l'or noirci en série.
Là-dessus, beaucoup de discours et de bonnes paroles, mais qui ne passent plus, dirait-on, qui se répètent sans conviction, qui s'enlisent. Les acteurs manquent de style : Bush, de plus en plus bodybuildé, continue à rouler les mécaniques ; le pâle Olmert a l'air d'un expert-comptable d'un magasin beaucoup trop grand pour lui (avec, en prime, un chef d'état-major en délit d'initié, vendant toutes ses actions juste avant la crise) ; Blair, surnommé « le caniche » par les Britanniques, remue gentiment la queue ; « Condi » Rice, seul miracle, s'anime soudain et glisse une œillade d'enfer et même un bisou frôleur au pharmacien de charme Douste-Blazy, notre Latin lover. Le Premier ministre libanais essuie une larme de crocodile devant les momies de la Ligue arabe, et l'assassin rose et replet à la barbe fleurie, Nasrallah, joue la star islamo-sociale. Vous enchaînez sur les décombres et les cadavres déjà oubliés, puisqu'on va nettoyer, tamponner, reconstruire jusqu'au prochain spasme. La mort vit une vie humaine, mais il ne faut pas le dire, ça pourrait freiner les marchés. Et tant pis pour les jeunes soldats tués, courtes vies fauchées, comme d'habitude.
20/08/2006