Du sang dans le gaz

Anna Politkovskaïa, la journaliste russe assassinée froidement au bas de son ascenseur à Moscou, avait l'habitude de dire : « Je n'ai que ma plume et Dieu pour me protéger. » Sa plume l'a condamnée à mort, et Dieu, il en a l'habitude, s'est éclipsé au moment du meurtre. Bref, Poutine, et encore Poutine, et toujours Poutine. Il faut le ménager, celui-là, lui faire de petits reproches voilés, lui sourire, ne pas le braquer, surtout, il risquerait de nous couper le gaz. Son surnom, en économie politique, est Gazprom. Gazprom est rigide, déterminé, tenace. Comment le contenir, l'amadouer, le faire entrer dans le jeu démocratique, malgré sa sale guerre en Tchétchénie et ces liquidations brutales (dont il est personnellement innocent, bien sûr) ? Eh bien, en le décorant : Grand-Croix de la Légion d'honneur, ça lui va très bien. Un dessin de Wiaz a tout dit : on y voit Poutine en garagiste, les mains tachées de sang, devant un buste sévère de Staline. Il s'excuse, le légionnaire, devant la statue du père fondateur, en lui disant : « Je sais, je sais, je bricole. » C'est exactement ça, Poutine : un bricoleur. Brave garçon, donc.

29/10/2006