Encore Littell

Le fonctionnement minutieux et les ravages du nazisme sont la toile de fond du roman de Jonathan Littell179, et les historiens ont déjà beaucoup réagi, et réagiront encore, à ce sujet brûlant, en méconnaissant, pour la plupart, la force et l'invention fourmillante de la narration romanesque. Il est cependant étrange que personne ne s'attarde sur les passages explicitement sexuels, et ils sont nombreux. Pages magnifiques sur l'inceste pubertaire du narrateur avec sa sœur, précisions de plus en plus vertigineuses sur son homosexualité passive qui culmine vers la fin hallucinée du livre (branches d'arbres enfoncées dans l'anus, etc.). D'où vient ce silence ? Y aurait-il là un tabou ? Le succès du roman ne serait-il pas dû aussi à ce déploiement d'analité frénétique ? L'auteur ne paraît pas vouloir s'expliquer sur ce point, et on apprécie sa pudeur, sa prudente réserve. Il dit faire sienne cette déclaration de Margaret Atwood : « S'intéresser à un écrivain parce qu'on aime ses livres, c'est comme s'intéresser aux canards parce qu'on aime le foie gras. » Peut-être, mais si le foie gras a un goût très singulier, et peu trouvable sur le marché, on devrait admettre une demande d'information supplémentaire sur le canard producteur. Littell est un canard très spécial, et son humour maîtrisé ne fait aucun doute. Humour plus que noir, et alors ?

26/11/2006