Génétique
Le mauvais rêve du mois dernier continue. Après mon interrogatoire éprouvant au ministère de l'Identité nationale, me voici maintenant convoqué au ministère du Contrôle génétique. Le nouveau président de la République française, Nicolas Sarkozy, vient de l'inaugurer, et ça va chauffer. On se souvient de son entretien, dans un très curieux support branché, Philosophie Magazine, avec le plus célèbre philosophe d'aujourd'hui Michel Onfray, lequel, partisan de José Bové puis d'Olivier Besancenot, était quand même allé, place Beauvau, offrir au futur président des livres de Michel Foucault, Nietzsche, Freud et Proudhon. Sarkozy les a lus, bien sûr, de même que tous les livres d'Onfray et, depuis, comme on sait, ils sont partis en vacances ensemble. Les voilà de retour, joyeux, très bronzés, finalement complices dans l'art de vivre au sommet, au soleil.
Avant ma comparution, qui s'avère difficile, je parcours les déclarations du nouveau Président, à la veille des élections, dans Libération. Les propos ont fière allure : « Je suis né hétérosexuel. Je ne me suis jamais posé la question du choix de ma sexualité. C'est pour cela que la position de l'Église consistant à dire que l'homosexualité est un péché est choquante. On ne choisit pas son identité. » J'en conclus que non seulement on naît hétérosexuel ou homosexuel, mais qu'il en va de même pour les pédophiles, les suicidaires, les autistes, les délinquants repérables dès l'âge de trois ans, et enfin les migraineux auxquels le Président dit appartenir, de même que sa mère et ses fils. Je suis inquiet, car je sais qu'Onfray, chargé de rédiger des notes de service, m'a plusieurs fois dénoncé comme catholique, c'est-à-dire partisan du péché. Je m'interroge : suis-je né hétérosexuel ? Sans doute, mais de quel type ? Autrement dit : le Président va-t-il me reconnaître comme un des siens, alors qu'Onfray insiste lourdement sur mes vices ? Mon attirance politique instinctive pour Ségolène Royal ne pèse-t-elle pas très lourd dans mon dossier ? La première réaction de Ségo m'a fait frémir : elle a dit que, sur ce sujet, elle laissait la science trancher. Mais, dans mon cas, si particulier, la science redouble mes craintes. Mes livres, passés au scanner rapide, peuvent me valoir une condamnation expédiée. Hétérosexuel, peut-être, mais pas dans la norme. Ah, l'heureux temps d'autrefois, où le président Mitterrand, me prenant à part dans un clin d'œil, me disait qu'il était en train de lire Casanova : « Bienvenue au club », lui ai-je soufflé, à l'époque. Une terreur me saisit : dois-je avouer désormais que j'ai été, enfant, coupable de pédophilie sur moi-même ? Faut-il que j'en sois honteux ? Les temps sont durs, et je tremble un peu de me retrouver devant le Président et son philosophe, car je n'ai pas oublié, avant l'élection, la chevauchée, en Camargue, du premier sur son cheval blanc.
29/04/2007