Fumée

On ne dit pas assez de bien de Roselyne Bachelot. Ses tailleurs roses, son enveloppement chaleureux, sa voix onctueuse, tout, chez elle, m'a convaincu que j'avais tort de fumer dans les cafés et les restaurants en mettant en danger la vie de mes concitoyens. Certes, on me répétait sans arrêt que fumer tue, que les tarés de la cigarette meurent prématurément, que l'abstention dans ce domaine favorise les chances de grossesse et diminue les troubles de l'érection, mais ces slogans restaient pour moi lettre morte. Avec Bachelot, j'ai compris, j'ai craqué, j'ai pleuré, j'ai cru. Ma conversion est profonde, je suis désormais un bienfaiteur de l'humanité, ma conscience morale, jusque-là fâcheusement endormie, augmente chaque jour. Je suis en pleine rédemption intérieure, je sauve à tour de bras des myocardes, des poumons, des spermatozoïdes, des embryons, je purifie l'atmosphère, je me sens plus humain, plus collectif, plus fraternel. Admirable Roselyne ! Étoile du gouvernement ! Les ministres rament, s'épient, se contredisent, ont peur d'être remaniés, mais elle, qui oserait la contester ? Elle a réussi une révolution de velours : pas de cris, pas de protestations, la foi, l'acceptation, la résignation, la soumission immédiate. Santé, sécurité, salubrité : la ronde et rose Bachelot mérite la meilleure note de la Sarkom. Tony Blair, toujours british, a trouvé les mots qu'il faut pour saluer le règne sarkozyste : « Vous avez la chance d'avoir un président très énergétique. » Ici, une petite pause merveilleusement calculée, et puis « dans tous les domaines ». Un président énergétique dans tous les domaines ? Voilà une allusion charmante aux succès amoureux de notre monarque, pas de tabac, pas d'alcool, jogging et action directe. En tout cas, même si je continue à fumer à l'air libre ou chez moi (jamais les cigarettes n'ont été meilleures), je suis fier et heureux de ne plus empoisonner que moi-même. Je le mérite, j'expie mes péchés.

27/01/2008