Amérique

Hillary Clinton ou Obama ? Une femme ou un Noir ? Ou encore, comme chacun le pressent, le vieux républicain en embuscade de toutes les peurs et de tous les conformismes ? Des journalistes femmes demandent au romancier américain Douglas Kennedy si Hillary a des chances en tant que femme. Il répond froidement : « J'ai des doutes quand je vois où en sont les femmes américaines. Dans ma génération post-soixante-huitarde, toutes les filles qui allaient à l'université étaient féministes. Trente ans après, 60 % de celles que je connaissais sont femmes au foyer. » Il continue en évoquant le puritanisme américain, l'histoire lamentable d'Eliot Spitzer, gouverneur démocrate de l'État de New York, qui a dû démissionner parce que le New York Times avait révélé ses relations avec une call-girl. Le même avait fait voter une loi pour que les clients des prostituées soient considérés comme coupables. Il précise : « Je pense qu'environ la moitié des femmes vont voter pour Hillary parce que c'est une femme, mais que beaucoup, au contraire, voudront défendre leur propre image de femmes au foyer, de bonnes mères. » Et puis, il y a eu l'affaire Monica Lewinsky : « Les conservatrices ont été choquées et ont assimilé le couple Clinton au péché, et quant aux féministes, elles ont trouvé qu'Hillary passait un peu facilement l'éponge. »

Je ne sais pas si Douglas Kennedy a lu mon roman, Femmes (sinon, il devrait), mais il est sûrement lucide, lorsqu'il décrit le « gouffre » qui s'est creusé entre l'opinion américaine et des types comme lui, « qui viennent de la côte Est, boivent du vin blanc, voyagent à l'étranger, ont des amis homosexuels, parlent français… autant dire des “faux Américains” ». Et de conclure : « Aujourd'hui, on a de nouveau Desperate Housewives : c'est Mme Bovary et Flaubert, cent cinquante ans après. » Éprouvant.

27/04/2008