Trobama

J'aime bien le réflexe de l'Amérique au bord du gouffre : le krach est énorme, il faut un messie imprévu, une espérance nouvelle, une superproduction globale, c'est donc Obama. On n'oubliera pas de sitôt cette grand-mère kényane, très allumée et pleine de joie, en train de danser dans son village à l'annonce que son petit-fils est devenu président des États-Unis. Magie noire ! Nouveau totem ! Levée du tabou ! Que Barack Obama ne soit pas l'héritier de la grande tradition noire américaine, celle issue de l'esclavage, celle qui a gémi si longtemps en accumulant tous les chefs-d'œuvre du jazz, ne doit pas nous cacher la profondeur de l'événement. Et maintenant, quoi ? Pendant des semaines, l'obamania a débordé partout, le sourire de mâchoire de Nice Brother a fait le tour de la planète, sa femme a la même dentition éclatante, ses filles sont adorables, l'Amérique est sauvée, donc le monde entier. Le trauma boursier va être surmonté, le capitalisme refondé (comme si c'était possible) et, bientôt, ce sera la désillusion, la pesanteur, l'ennui.

Trop d'Obama est en train de tuer Obama. Certes, il est beau, mince, propre, sérieux, sympathique, charismatique, pratique, diplômé, moral (il est pour la peine de mort), bon mari, bon père, mais que peut un homme confronté à une immense machine à broyer ? La loi du spectacle est de faire croire que le personnel humain compte encore pour quelque chose dans le Niagara des milliards. Nous devons le penser, l'espérer et le répéter. Barack ! Obama ! Coca ! Cola ! Évidemment, tout le monde ne peut pas, comme sœur Emmanuelle, partir vers Dieu « comme une fusée » (sic). Il reste beaucoup de sceptiques, à commencer par Strauss-Kahn, heureusement blanchi, au sein du FMI, de son aventure extraconjugale (merveilleuse expression). Il a, dit-il, « commis une erreur de jugement ». Tout acte sexuel n'en est-il pas une ? Ne me dites pas qu'Obama serait susceptible d'en commettre une semblable : Clinton a déjà donné, mais, dans son cas, c'était plutôt une erreur de tir.

30/11/2008