Poubellication
Le mot « poubellication » a été inventé par Lacan qui pensait que seule la transmission orale avait un sens véritable, et que les livres ni faits ni à faire couraient les rues en empêchant les plus pensés d'être lus. Pour moi, écrire est une joie, publier me fatigue, mais on a, de temps en temps, l'occasion de rire. Je lis ainsi, dans L'Express, magazine qui, je ne sais pourquoi, me poursuit d'une animosité tenace, un article d'une pigiste sur mon dernier roman Les Voyageurs du Temps. Sa conclusion est la suivante : « L'élixir du Révérend Père Sollers n'a rien de corrosif. » Je suis obligé de me demander si cette charmante pigiste sait ce qu'est un élixir, et si elle a déjà fait l'expérience, dans sa vie amoureuse, de ce genre de philtre magique. Mais là où je m'inquiète, c'est de la voir imaginer un élixir « corrosif ». Un tord-boyaux alors ? Je dois l'avouer : j'écris au margaux, pas au picrate.
Un reproche lancinant m'est fait : je n'écrirais pas de « vrais romans ». Le vrai roman, pour la critique littéraire française, est visiblement un livre qu'on doit lire comme on voit un film, le modèle étant anglo-saxon une fois pour toutes. D'ailleurs, dès que la critique chronique un « vrai roman », il s'agit, en réalité, de raconter un film (c'est-à-dire, le plus souvent, un roman familial). Hors du roman psychologique à embarras sexuel ou parental, pas de salut. Or rien n'est plus romanesque, aujourd'hui, que de se poser la question de la vraie lecture, puisqu'on peut en constater partout la consternante dévastation. Le roman vrai, c'est l'existence plus ou moins intensément poétique et par conséquent très interdite, c'est tout.
25/01/2009