Mauriac
Certains titres du journal Le Monde m'intriguent. Un jour, c'est « fanfaronnades » à propos d'un livre très sérieux de moi ; un autre jour, c'est « torpeur » au sujet d'un essai magnifiquement réveillé par mes deux camarades Haenel et Meyronnis206. Mais cette fois, en gros caractères, je lis : « Mauriac, homosexuel torturé ». Sous-titre :« Une vie que l'on croyait édifiante ». Tout à fait entre nous, cette formule me paraît très exagérée, et même peu convaincante. En réalité, la splendide névrose créatrice de Mauriac ne pouvait que le tenir à l'écart de la sexualité qui le dégoûtait profondément. C'est grâce à ce dégoût qu'il est un bien meilleur romancier que Gide, et que les plus réussis de ses romans dévoilent l'obscurantisme des bourgeois et des mères de famille de province. Sans Le Nœud de vipères ou Génitrix, nous ne saurions pas grand-chose de cet enfer. Mais c'est sans doute ici le Mauriac catholique et politique ultralucide qui est visé par ce titre racoleur, le Mauriac décapant et très gai, pas du tout torturé, avec qui dîner, autrefois, était une fête. J'ai vu Mauriac dans son agonie : sa foi religieuse était profonde, il était d'une grande sérénité. Ici, un peu de Baudelaire en hommage à Mauriac : « Ce monde a acquis une épaisseur de vulgarité qui donne au mépris de l'homme spirituel la violence d'une passion. Mais il est des carapaces heureuses que le poison lui-même n'entamerait pas. »
29/03/2009