Casino royal
Pas de doute : nous vivons désormais dans un grand film accéléré où une image chasse l'autre. À peine ai-je eu le temps de voir Obama se recueillir à Buchenwald que le crash de l'avion Rio-Paris me précipite dans une macabre pêche aux cadavres dans l'océan. J'ai juste le temps de considérer les résultats des élections européennes et la réjouissante percée de Cohn-Bendit que j'ai droit à une avalanche de nymphettes dans la vie de Berlusconi. J'assiste à un grand dîner à la Bibliothèque nationale de France en l'honneur de Guy Debord promu « trésor national », mais me voici aussitôt projeté en Iran sous des matraquages. Enfin j'arrive à Versailles dans une longue séquence de Casino royal. Ici, le triomphe de Sarkozy est total, et nous sommes déjà en 2017.
L'opposition ? Quelle opposition ? Les socialistes ? Quels socialistes ? Ah, si François Bayrou, au lieu de la laisser piétiner sur le trottoir, avait fait monter chez lui Ségolène Royal ! Elle serait aujourd'hui présidente, et lui Premier ministre. Un tout autre film, sans doute plus comique mais moins énergique. Avec Sarkozy en vibrionnant 007, au moins, on ne s'ennuie pas, et Carla Bruni, dans le casting, monte indubitablement en puissance. Elle cultive son chouchou, sa dimension culturelle augmente, il lit maintenant Houellebecq, c'est tout dire. Enfin, un morceau de roi : la nomination du charmant Frédéric Mitterrand au ministère de la Culture. Il était à la Villa Médicis, à Rome, il se retrouve à Versailles, ou plutôt (mais c'est pareil) rue de Valois. Tout le monde en reste baba. Ça, enfin, c'est une superproduction française !
Partout ailleurs le cinéma languit, Obama s'appellera bientôt « Obamarre », et nous pouvons, nous Français, malgré la crise, être légitimement fiers de nos studios rénovés, de nos acteurs et de nos actrices, de notre film ininterrompu, miracle de renaissance. J'attends avec impatience le prochain rebondissement, d'autres divines surprises. Pourquoi pas, demain, Cohn-Bendit au gouvernement ? Il tutoie le président, il est incontournable, et qui dira que Mai 68 n'a pas réussi ? Allons, encore un effort vers cette révolution souterraine.
28/06/2009