Lisbonne et Haïti

Contre les religieux et les philosophes ayant tendance à trouver que « tout est bien », ou que « tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles », Voltaire, en 1756, écrit son grand poème Le Désastre de Lisbonne. Devant la catastrophe du tremblement de terre d'Haïti, il est saisissant de le relire aujourd'hui. Lisbonne, ville engloutie en 1755, Port-au-Prince ces temps-ci : même horreur, même souffrance. Certes, les secours et les dons affluent, mais il y a, et il y aura toujours, puisque l'ancien Dieu est devenu entièrement Société, des fonctionnaires de l'optimisme pour tourner la page et revenir vite à la Bourse. Que dit Voltaire ? Ce ne sont que « ruines affreuses, débris et lambeaux de cadavres, membres dispersés, cendres, femmes et enfants entassés l'un sur l'autre, cent mille infortunés que la terre dévore. » Dieu voit-il tout cela d'un œil indifférent ? C'est probable. Vous dites que Dieu n'existe pas ? Sans doute, mais son remplaçant numérique fonctionne à plein régime, et les banques ne se sont jamais si bien portées. Reste ce cri mémorable, qui conduira Voltaire, plus tard, à l'ironie supérieure de Candide, ce petit roman étincelant toujours actuel.

31/01/2010