Diderot
Diderot est, avec Voltaire, l'un des meilleurs joueurs de l'équipe de France, et on aurait avantage à les réintégrer d'urgence dans le grand match symbolique en cours. Voici donc votre deuxième livre pour l'été : Diderot, Lettres à Sophie Volland220. Écoutez ça, nous sommes à Paris le 11 mai 1759, l'homme de l'Encyclopédie (vingt ans de travail) raconte une de ses soirées à son amoureuse : « Nous nous entretînmes d'arts, de poésie, de philosophie et d'amour ; de la grandeur et de la vanité de nos entreprises ; du sentiment ou du ver de l'immortalité ; des hommes, des dieux et des rois ; de l'espace et du temps ; de la mort et de la vie. C'était un concert… »
Merveilleux Diderot, qui donnait rendez-vous à sa Sophie dans les jardins du Palais-Royal, sur « le banc d'Argenson ». Un jour, il écrit dans le noir : « Je continue à vous parler, sans savoir si je forme des caractères. Partout où il n'y aura rien, lisez que je vous aime. » Une autre fois : « Je sens à chaque instant qu'il me manque quelque chose, et quand j'appuie là-dessus, je trouve que c'est vous. » Et encore : « On me trouve sérieux, fatigué, rêveur, inattentif, distrait, pas un être qui m'arrête, jamais un mot qui m'intéresse. C'est une indifférence, un dédain qui n'excepte rien. Cependant on a des prétentions ici comme ailleurs, et je m'aperçois que je laisse partout une offense secrète. »
On ne sait rien de Louise-Henriette Volland, dite Sophie (1716-1784), sauf qu'elle est restée célibataire. Rien, aucun document, aucune lettre, excepté son testament autographe léguant à sa mort, à Diderot, « sept petits volumes des Essais de Montaigne, reliés en maroquin rouge, plus une bague que j'appelle mapauline. » Comme quoi la vraie philosophie est amour.
27/06/2010