Monet, Manet, Picasso
Qu'est-ce qui rapproche le merveilleux Claude Monet d'un artiste contemporain grotesque comme Murakami envahissant le château de Versailles ? Le directeur de Versailles vous l'expliquera. On n'a pas osé lui demander le montant exact de la transaction ayant conduit à donner un tel éclairage mondial de publicité à un entrepreneur japonais de dessins animés. Personne, dans un premier temps, ne voulait de Monet et personne ne voulait non plus de Manet, qui sera célébré en avril au musée d'Orsay. Mieux : la foule se rassemblait pour rire de L'Olympia ou du Déjeuner sur l'herbe. Il fallait monter la garde devant les tableaux pour les protéger. À la fin de sa vie très brève (il est mort à cinquante et un ans), le splendide Manet disait : « Les attaques dont j'ai été l'objet ont brisé en moi le ressort de la vie. On ne sait pas ce que c'est que d'être constamment injurié. Cela vous écœure et vous anéantit. »
J'ouvre la radio, et j'entends Michel Houellebecq réitérer ses étranges attaques contre Picasso : « Picasso, c'est juste un très mauvais peintre, un des plus mauvais de sa génération, il est très inférieur à Kandinsky, très inférieur à presque tous, Klee, Mondrian ; presque tout le monde est supérieur à Picasso, même Dalí. Non, c'est vraiment pas bon, ça, c'est clair que c'est pas bon. Ce que pense Philippe Sollers est intéressant, ç'aurait été aussi intéressant une polémique avec Muray, que j'ai eue d'ailleurs brièvement quand on se voyait, j'ai toujours dit que Picasso, ça n'allait pas. Y a pas de lumière, sa manière de voir le monde est stupide, il prend un des mouvements les plus stupides déjà, le cubisme, il est le pire des cubistes. […] Il est mauvais. »
Bien entendu, l'obsession du charmant Houellebecq contre Picasso n'a rien à voir avec la peinture. Les réactionnaires puritains de tout poil ont toujours eu des problèmes avec l'incroyable liberté sexuelle de l'auteur des Demoiselles d'Avignon. Notre romancier réaliste social, futur prix Goncourt, ne fait là que relayer une longue série d'invectives, dont les plus spectaculaires ont eu lieu à la fin de la vie de Picasso, lorsque le public anglo-saxon, épouvanté, a eu connaissance des éclatantes « Étreintes » du Minotaure. Un critique d'art anglais, officiellement homosexuel, écrivait alors : « Ces tableaux sont des gribouillages incohérents exécutés par un vieillard frénétique dans l'antichambre de la mort. » Passons.
26/09/2010