Théophile Gautier
Théophile Gautier (1811-1872) est l'immortel jeune homme au gilet rouge qui s'est rendu célèbre, en 1830, lors de la bataille d'Hernani. Le premier romantisme français a eu un panache extraordinaire. Gautier écrit, par exemple : « Nous regardions, en ce temps-là, les critiques comme des cuistres, des monstres, des eunuques et des champignons. » Dans sa belle biographie de Gautier, qui vient de paraître226, Stéphane Guégan cite ce souvenir du révolté de l'époque, qui pourrait être signé aujourd'hui par un ancien soixante-huitard : « Cette soirée décida de notre vie ! Bien du temps s'est écoulé depuis, et notre éblouissement est toujours le même. Nous ne rabattons rien de l'enthousiasme de notre jeunesse, et toutes les fois que retentit le son magique du cor, nous dressons l'oreille comme un vieux cheval de bataille prêt à recommencer les anciens combats. »
Gautier s'est parfois trompé (il ne voit pas la Révolution de Manet, par exemple), mais son combat est très bien décrit par Guégan : « Poète, journaliste, librettiste, grand voyageur, Gautier défendit d'autant plus la pleine liberté de l'artiste et l'autonomie de l'art qu'il les savait impossibles. Sa sacralisation du créateur, étrangère à celle des prophètes du passé ou de l'avenir, est toute de provocation et de libertinage, d'adaptation stratégique et donc de détournement. Moderne et antimoderne par résistance aux effets pervers du nivellement démocratique, Gautier dressa la gratuité de l'art et l'aristocratie de l'artiste en remparts à toute forme d'utilitarisme direct, d'embrigadement idéologique et de morale. La sienne, peu corsetée, fut d'abord celle de la jeune France des années 1820, première génération à se proclamer comme telle, contre le vieillissement et le raidissement du pays légal. »
Cette « jeune France » existe-t-elle toujours sous le rouleau compresseur du conformisme ambiant ? Peut-être. En tout cas, quelqu'un a traité Gautier de « parfait magicien des lettres françaises », et ce n'est pas n'importe qui : Baudelaire, qui, à l'époque, lui dédie un livre bientôt poursuivi par la justice. Son titre ? Les Fleurs du mal.
26/06/2011