Cauchemars

Le bruit m'endort, le silence m'éveille. Les chiffres m'abrutissent, la musique me ranime. Les attentats racistes me glacent, et l'incroyable histoire du tueur fou de Toulouse me pétrifie. C'est donc passablement ralenti que je vais arriver à la fin de cette interminable campagne présidentielle. L'horreur des assassinats ciblés par l'homme au scooter a momifié le Président, qui n'est jamais aussi maître de lui que devant des cercueils. Le ministre de l'Intérieur est passé du livide au rose, et l'union nationale funèbre aura duré deux jours, avant que les passions se redéchirent de plus belle, chacun appelant au rassemblement. De toute façon, aucun événement barbare n'a jamais arrêté la publicité et les marchés financiers. Le cinglé islamiste a été bousillé après trente-deux heures de confusion, j'hésite à prendre part pour le GIGN ou le Raid, je ne sais plus très bien si Dieu est bon ou mauvais. J'observe le candidat socialiste, Sisyphe héroïque avec son rocher en caoutchouc, s'égosiller et défendre religieusement l'harmonie laïque. Sarkozy, lui aussi, crie beaucoup, à l'unisson des autres candidats au poste suprême.

La nuit, en rêve, tout se complique : je vois des drapeaux tourbillonner, des adversaires vociférer, des visages convulsés hurler, et j'ai l'impression que ma salle de bains n'est pas sûre. Marine Le Pen, haletante, a fini par obtenir ses cinq cents signatures, alors qu'elles ont été accordées sans problème au mystérieux Cheminade, qui m'intrigue de plus en plus. Pauvre Villepin ! Pauvre Lepage ! Heureux Poutou ! Radieuse Arthaud ! Mélancolique Dupont-Aignan ! Vorace Mélenchon ! Tortue Joly ! Stagnant Bayrou ! Vite, le choc final et frontal Sarkozy-Hollande ! Qui reprendra la Concorde ? Qui sauvera la Bastille ? Françaises, Français, encore un effort pour cinq ans d'efforts !

01/04/2012