Normalitude

François Hollande était normal, soit, mais en quelques jours, avec une rapidité foudroyante, il est passé de normal à normal supérieur. Les forces de l'Esprit ont fondu sur lui comme sur un cardinal devenant pape. La République aussi a ses mystères, surtout la Troisième, qui, à travers ce faux mou, vient de se réinstaller chez elle, après bien des péripéties. Pas besoin de Quatrième, de Cinquième, voire de Sixième. La Troisième est l'état normal de l'Hexagone normal dans un monde de plus en plus anormal. Tout le monde s'est trompé : c'est un vrai dur, Hollande, il peut tenir bon sous une pluie battante, supporter sans ciller la foudre sur son avion, embrasser Angela Merkel comme la charcutière du coin, épater Obama, séduire le G8 et l'Otan, enlever sa cravate, remettre sa cravate, boutonner impeccablement son veston. La normalitude vient de loin, des heures et des heures de patience, de rages rentrées, de louvoiements, de compromis sans lâcher la corde. Jules Ferry, Jules Grévy, Marie Curie, ombres tutélaires, voyez l'ascension de ce petit homme vif, spirituel, sec sous son enveloppe trompeuse : c'est la France. Et la France enfin paritaire, avec des prénoms de femmes qui font rêver, Najat (irradiante), Marisol (prometteuse), Fleur (énigmatique), Aurélie (combattante). Le mariage gay, l'adoption d'enfants par des couples du même sexe ? Normal. Le perchoir de l'Assemblée nationale à Ségolène Royal ? Normal. La Justice incarnée par la souriante Taubira ? Normal. La sobriété, la baisse des rémunérations du Président et des ministres ? Normal. L'école placée au premier plan de la République des professeurs ? Normal, normal, normal. Ah, bien sûr, je vois des insatisfaits de toujours, ennemis de la République, qui trouvent que tout cela manque de romantisme. Mais il est important de vérifier à quel point la fonction peut créer l'organe. Qui aurait cru que la France s'appellerait un jour Hollande, un nom qui résonne comme la normalité absolue ? Dans les tempêtes qui s'annoncent, l'autorité du normal peut s'avérer décisive sur une planète folle. Comme le dit Laozi, ce Corrézien chinois méconnu : « Qui connaît la norme constante est éclairé, qui l'ignore est aveuglé. L'aveuglement attire le malheur. Connaître la norme constante, c'est tout accueillir ; qui tout accueille est universel. »

27/05/2012