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De temporum fine comœdia

Et le Verbe, s’étant fait Réalité par la Vertu de la voix juste, j’arrive en Épervier et je sors en Phénix.

Toute-Puissance de l’Adepte

Les Mouches en avaient des cloques interbranes…

Le delta s’était fissuré et l’œil du dieu fou scrutait maintenant l’avancée du Chaos… Les harpies de Nodens et les atropos d’Akérontia gobaient des milliers d’âmes, mais les Araignées avaient ouvert toutes les cages et des essaims vrombissants se déversaient en rafales par les anfractuosités des universicules dilacérés. Les armées des Seigneurs les plus sanguinaires se déversaient à travers la Porte du bout du Monde. Un pont quantique criblé de trous de ver s’était effondré et les Araignées sautaient à la corde dans les dimensions enchevêtrées… Dragon crachait ses flammes sur des hordes de morts-vivants qui massacraient tout sur leur passage, mais la guerre définitive était lancée et il se dit que seul un miracle pourrait maintenant les sauver…

 

cabochon

 

Les danseurs bondissaient entre les étoiles et scrutaient les fosses temporelles de leurs lunettes tachyoniques. Le delta était dans la mélasse, ce qui ne les chagrinerait point s’il n’était pas également une serrure structurelle, une charnière chronophage, un maelström de compossibles qui pouvaient un jour ancien provoquer un vibre-temps incontrôlable. L’œil noir de la bête s’était inscrit dans leurs vieilles lunettes en cuivre aux verres poussiéreux comme un signe annonciateur de tempêtes. Ils étaient presque résolus à se calfeutrer dans un cul-de-temps pour attendre que l’orage passe, lorsqu’ils virent une lueur étincelante recouvrir le passé témoin d’un éclairage doré et souverain. Les Anciens Dieux étaient sortis de leur retraite et faisaient le ménage. Alice avait raison. Un homme, un seul, valait mieux que toutes les armées du monde.

Il suffisait simplement de trouver le bon.

 

cabochon

 

Les Anciens Dieux étaient repartis comme ils étaient venus, dans un éclair de lumière. Et personne n’avait rien vu.

Ils avaient nettoyé le delta par un mystérieux processus de photocatalyse. Plus aucune trace de combat, plus aucun cadavre. Tout ce qui s’apparentait au Chaos avait été désintégré, la maison au bord du monde récupérée dans un repli du temps, avec sa porte à fleur de vide qui ne donnait que sur le bleu cobalt de l’océan. Le ciel soigneusement recousu.

La Bête était vaincue. Neutralisée pour quelques millions d’années encore.

Et les Anciens Dieux étaient partis en laissant un cadeau.

 

cabochon

 

Il tendait les bras devant lui, comme pour effectuer un ultime plongeon. Recouvert d’une croûte grise, mélange de cendres carbonisées et de pierres volcaniques. Il ressemblait à un de ces moulages en plâtre des victimes de l’éruption du Vésuve.

Heimdal l’observa un moment, ne sachant trop quoi faire, puis il le positionna, allongé sur le dos, et tapota la croûte grise d’une de ses griffes. Il sentit quelque chose bouger à l’intérieur de la chrysalide de pierre. Il tapota un peu plus fort. La croûte était plus fragile qu’en apparence. Elle commença à se craqueler. Il donna une série de petits coups rapides sur toute la longueur et elle se pulvérisa.

Jack ramena les bras le long du corps. Il était si blanc et si frais qu’il paraissait refait à neuf. Il ouvrit les yeux. Observa Heimdal un bon moment puis dit :

« Bonjour. Qui êtes-vous ? »

Le Phénix venait de renaître de ses cendres.