« J’avais tout prévu, sauf que la France serait gouvernée par un docteur. »
La formule du père de la collaboration avec l’Allemagne est peut-être exagérée, mais la question se pose. Pétain était-il sous l’influence de son médecin Bernard Ménétrel ? Omniprésent dans la vie du maréchal Pétain, celui-ci l’accompagne dans tous ses déplacements, ils sont inséparables. L’un a vu grandir l’autre, le second a observé l’homme auquel il s’est dévoué corps et âme, d’abord héros, puis traître à la patrie. Ménétrel n’a eu de cesse de vouloir le défendre, sans retenue et sans réserve. Pour certains, les deux hommes n’ont pas été éloignés plus de quelques jours. Son Maréchal aime, quel que soit l’endroit où il se trouve, avoir des journées planifiées à la seconde. La promenade quotidienne de 12 h 30 fait partie de ses habitudes. À compter de 1940, à Vichy, sur les bords de l’Allier, et à partir du mois de septembre 1944, dans la forêt près de Sigmaringen en Allemagne. Le temps gris et pluvieux ou la rigueur de l’hiver ne l’arrêtent pas, même par –20 degrés, il marche. Sur les photos, apparaît Ménétrel suivi de quatre policiers, puis plus tard, lorsque l’heure sera à la méfiance, de SS. L’air le requinque. La balade dure une heure au pas cadencé ou pas de chasseur. Avec la marche le temps ralentit, c’est un moment propice au silence et à la réflexion, loin des tumultes de la vie quotidienne, et Pétain en a conscience. Elle lui est nécessaire, elle seule lui permet de marquer une pause. Le Maréchal a toujours un chapeau de feutre sur la tête, clair ou sombre selon les saisons. Il aime se voir en homme mûr et serein, le teint frais, se tenant droit, muni d’une canne, dont il ne se sert guère. Sur les affiches de propagande, c’est le doigt pointé sur le peuple qu’il dit : « Français, vous n’êtes ni vendus, ni trahis, ni abandonnés, venez avec moi, avec confiance. » Son calme, en toutes circonstances, force l’admiration. À ses côtés, plus corpulent mais de taille presque identique, cintré dans un costume clair ou sombre, portant un chapeau similaire, marche celui qu’on appelle « le toubib ». Un « médecin de balade », car même en bonne santé, n’a-t-on pas toujours besoin d’un tel homme à ses côtés ? Quel est celui qui maintient en forme cet octogénaire, et dont on dit qu’il gouverne ses humeurs1 ; l’allié de la sérénité du grand âge ?
Vichy, cette petite ville d’eaux, a été choisie par le gouvernement pour ses palaces. Chaque jour, des admirateurs et des curieux attendent pendant des heures derrière les grilles de l’Hôtel du Parc, où loge le Maréchal, pour entrevoir le « sauveur » de la France. Comme Pétain, son docteur soulève son chapeau et salue les passants. Il observe avec admiration son mentor, lorsque avec un grand sourire il pose sa main sur la tête des enfants. Dans une célèbre photo apparaît même, penchée sur sa canne, Sophie, la deuxième fille de son médecin. « Je peux te soulever ! », lui dit-il fièrement. Certains qualifient ce médecin de « collaborateur immédiat ». Ses détracteurs grincent des dents et y voient une ombre influente. N’est-il pas en charge de la propagande ? Lorsque l’on parle de lui, on le qualifie « d’éminence grise et d’amuseur ». Comme le médecin du général Franco, Vincente Gil, il entretient avec Pétain des liens quasi filiaux. Il le connaît depuis toujours. Il est le fils que le Maréchal n’a pas eu, et l’affection entre les deux est tangible. Jeune – il a cinquante ans de moins que le Maréchal –, intelligent, vif et joyeux, il sait se faire apprécier, se rendre indispensable en tout. Il contraint le vieil homme à une hygiène de vie drastique : lever à 7 h 30, marches, repas équilibrés et repos. Il tente de modérer son appétit, mais bien souvent le Maréchal passe outre ses recommandations et, après un repas trop copieux, sombre dans une léthargie l’invitant à la sieste. Le médecin est sa caution physique et psychique.
Le rôle de Ménétrel prête au fantasme. On lui impute à l’excès un ascendant, voire un rôle politique. On le dit le filleul du Maréchal, mais il n’en est rien ; son fils naturel, pas davantage. Enfin, Pétain serait le parrain du fils de Ménétrel ; cela est inexact. De ce docteur, on dit tout et son contraire : cagoulard, collabo-résistant, communiste, diabolique, graine de nazi, membre du service de renseignements allemand « Abwehr », conseiller politique du Maréchal, voire commanditaire de complots. Ménétrel serait à l’origine d’une tentative d’assassinat sur Pierre Laval, mais également orchestrateur de son retour au pouvoir en avril 1942. Il aurait aussi été partie prenante de l’exécution du vice-amiral Charles Platon, un proche de Pétain, et des ultras de la collaboration, en août 1944, par des francs-tireurs et maquisards. Enfin, il serait lié à René Bousquet et impliqué dans l’arrestation de Jean Moulin à Caluire. Un homme à l’entregent légendaire, organisateur de la rencontre entre François Mitterrand et le Maréchal2. Ménétrel s’invite même dans la fiction où il est tour à tour qualifié de factotum, de courtisan assermenté, de cire-pompes fidèle, d’antisémite personnel, de propagandiste fameux, seul capable de tempérer la « bonté » du Maréchal à l’égard des juifs3. On prête beaucoup à Ménétrel. S’il se tait, c’est qu’il intrigue. S’il parle, c’est qu’il manœuvre4. On considère même que Ménétrel se serait fait le complice d’un « détournement de vieillards ». Aucun autre médecin n’a exercé autant de prérogatives extérieures à ses fonctions. Est-il devenu, comme certains l’affirment, un homme qui exerce sur le Maréchal un ascendant politique ? Ou bien, malgré les apparences, son influence n’était-elle que personnelle ?
Depuis son plus jeune âge, Ménétrel a vécu dans l’ombre de Pétain. Ce dernier, qui n’a pas d’enfants et qui épouse sur le tard, en toute discrétion, une femme divorcée, Eugénie Hardon, a toujours eu pour eux et notamment pour Bernard, une tendresse particulière. Le Maréchal est un ami et patient de son père, le docteur Louis Ménétrel, qui élève son fils dans un milieu d’anciens combattants et dans le culte de la Patrie. Alors que le Maréchal apprécie le vouvoiement, Bernard jusqu’à sa majorité l’appelle par son prénom : « Philippe ». Lorsqu’il entreprend de le former, le jeune Ménétrel est à l’écoute, fasciné par l’attention que lui accorde ce héros de la Première Guerre. Son paternel est distant et impétueux ; qu’à cela ne tienne, il aura les égards du Maréchal qui sait le féliciter de ses succès et le conseiller dans sa formation. Alors qu’un temps il envisage Polytechnique, il opte pour la médecine. Sa proximité avec le Maréchal fait de lui un suspect, un imposteur. Ses ennemis mettent même en cause son internat, auquel il est reçu en 1929 à l’âge de vingt-trois ans : il ne l’aurait obtenu qu’en raison de l’intervention de Pétain.
Pétain a conscience des traits de caractère du père de Bernard et a connaissance de son éducation, aussi cherche-t-il à canaliser les répercussions sur le jeune homme. Il l’incite à l’aventure. « Ne te plains pas d’avoir quelques loisirs et mets-les à profit pour t’initier à la vie marocaine, et surtout, avant de critiquer, observe. À toutes choses, il y a des raisons et, quand on a un acte à juger, ce n’est pas toujours l’acte en lui-même qui est mauvais, mais la cause dont il est issu5 », lui dit-il le 10 juillet 1930, alors que Ménétrel effectue son service militaire au Maroc. Dès 1934, lorsque Louis Ménétrel est indisponible, Pétain consulte Bernard qui lui succède à sa mort en 1936. Il a trente ans. Le Maréchal souhaite que ce jeune médecin énergique l’accompagne dans ses déplacements. Il sera sa « canne psychologique ».
La relation de Ménétrel à son père de substitution s’intensifie encore davantage lorsque Pétain quitte son poste d’ambassadeur de France à Madrid, où le jeune médecin lui a rendu visite à quelques reprises, pour Paris. Lorsqu’il est rappelé par Paul Reynaud pour intégrer le nouveau gouvernement, Pétain choisit de s’installer au domicile de celui-ci, avenue Montaigne. Dans l’ancien cabinet médical de Louis, le jeune Bernard dort aux côtés de Pétain, et peut intervenir à toute heure. Ses journées commencent par « de l’air chaud ou un massage, souvent par les deux réunis », et il déjeune quotidiennement chez Chaulard, un restaurant situé à deux pas de l’esplanade des Invalides. « Je fais face, bien que ma situation financière soit très amoindrie du fait de mon changement de situation6 », dit Pétain. Le Maréchal préfère souvent utiliser la voiture personnelle de Ménétrel plutôt que ses véhicules de fonction.
Dès que le Maréchal s’ouvre à lui, Ménétrel note, avec admiration, le contenu de ses propos7. Les deux hommes parlent politique, Ménétrel n’y entend rien et Pétain ne s’encombre pas de son avis, mais le premier apprend. Toute sa vie il relève les propos et les événements auxquels, grâce à Pétain, il put assister. « Je hais la politique et les politiciens », lui répète le Maréchal qui lui transmet ses réticences pour cette classe, lui qui n’a de respect que pour les militaires. « J’aime passionnément la médecine – je déteste (pour ne pas dire plus) la politique et ne m’en suis jamais occupé. Je n’ai appartenu à aucun groupement politique officiel ou clandestin8 », souligne son médecin après la guerre. Lorsque Ménétrel est mobilisé comme médecin lieutenant en 1939, Pétain fait en sorte qu’il demeure à ses côtés. En 1940, Pétain est âgé de quatre-vingt-quatre ans. Il est entendu de tous qu’il lui faut un médecin et, tout naturellement, il se tourne vers son médecin personnel, le jeune Bernard. « Tu veux faire comme ton père à l’autre guerre, mais les conditions ne sont plus les mêmes. Je suis âgé, tu me connais et sais me soigner ; tu es mon seul médecin et j’ai confiance en toi. Je comprends que tu veuilles faire ton devoir. Il n’est pas difficile de faire son devoir, mais il est parfois plus difficile de discerner où est son devoir. Le tien est clair : tu dois rester près de moi, je te le demande instamment », lui dit le Maréchal. Ces mots l’interpellent et l’entourage de ce dernier lui fait comprendre que ce n’est pas une proposition, mais un ordre. Son devoir envers la France. « Dès lors, mon sort est lié à celui du Maréchal9 », souligne Ménétrel.
Il est désormais à son entière disposition, de jour comme de nuit. Entre les deux hommes, il existe une confiance réciproque. Ménétrel croit dans la capacité de Pétain à sauver la France, et ce dernier dans celle de son médecin à le maintenir en forme et à faire face à ses obligations. Philippe Pétain aurait indiqué à son praticien qu’il aurait bien passé la main, s’il avait discerné, parmi ses cadets, l’homme de la situation. Faute de l’avoir trouvé, il s’est résolu à assumer ses devoirs envers le pays, y compris en envisageant de former le prochain gouvernement10.
Lorsque le 9 juin l’exécutif doit quitter Paris pour Bordeaux dans la zone libre, Ménétrel suit et c’est chaque jour qu’il prend des leçons de politique. Lui qui, à l’instar de son père et de son maître à penser, n’avait à son égard que mépris, vit les démêlés et les manœuvres au quotidien. Il ne doute pas de Pétain, que d’autres jugent gâteux et, lorsque le 16 juin, le Maréchal est nommé président du Conseil des ministres, il a toute confiance. Le 1er juillet 1940, dans une France divisée, Pétain s’installe à Vichy, à l’Hôtel du Parc, Ménétrel l’accompagne et s’installe le jour dans l’antichambre de son bureau. La nuit, sa chambre jouxte celle du Maréchal. Les deux logent au troisième étage, chambres 124 et 125 pour Pétain et chambre 126 pour Ménétrel. De son lit, le docteur peut entendre Pétain tambouriner sur le mur mitoyen11.
Leurs repas, ils les prennent ensemble. À la table du Maréchal, il y a toujours douze convives à midi, huit le soir, cachés par un paravent dans le fond de la salle à manger de l’hôtel. Les enfants du docteur, qui vivent à quelques kilomètres de là, sont souvent présents et mettent un peu de gaieté dans cette atmosphère pesante. Pour ses prestations, le médecin perçoit des émoluments à hauteur de 4 000 à 9 000 francs, prélevés sur le budget des œuvres sociales de 1940 à 1942 puis, de cette date à juin 1944, sur celui du chef de l’État, avant de renoncer à tout traitement12.
À l’été 1940, « l’État français » remplace la « République française ». Pour Vichy, il est nécessaire de supprimer la séparation des pouvoirs et d’opérer leur concentration entre les mains de Pétain, qui obtient les pleins pouvoirs. Un ordre nouveau qui sera le socle de cet État autoritaire. Les assemblées parlementaires sont ajournées et Laval prend la vice-présidence du Conseil.
Comme annoncé dans le projet de loi constitutionnelle du 10 juillet 1940, on entreprend « une révolution nationale » censée redonner vie à la France. La devise « liberté, égalité, fraternité » est remplacée par « travail, famille, patrie » et l’on instaure un antisémitisme d’État. Le Maréchal dispose de deux cabinets : l’un militaire dirigé par le général Campet, l’autre civil dirigé par du Moulin de Labarthète, dont dépend le secrétariat particulier.
La « Cour de Vichy », ironise Charles de Gaulle, est un lieu d’intrigues constantes. Dans un article de L’Œuvre du 17 décembre 1940, on y dénonce Ménétrel parmi « ces gangsters et ces maquereaux en rupture de ban13 ». Outre Pierre Laval (vice-président du Conseil puis chef du gouvernement à compter de 1942), citons les tristement célèbres acteurs ou figures les plus emblématiques : Maxime Weygand (ministre de la Défense), Yves Bouthillier (ministre des Finances), Charles Huntziger (secrétaire d’État à la Guerre), Paul Baudouin (ministre des Affaires étrangères, ministre de l’Information) et Raphaël Alibert (garde des Sceaux), ainsi que les proches collaborateurs de Pétain : Léon Bonhomme (successeur de Ménétrel au secrétariat particulier), Émile Laure (chef d’état-major), Henri Moysset (ministre d’État), Lucien Romier (membre du Conseil national puis ministre d’État). À compter de 1944, énumérons les ultras, imposés par les Allemands : Fernand de Brinon à la tête de la commission gouvernementale, Joseph Darnand (chef de la Milice), Philippe Henriot (Milice puis secrétaire d’État à l’Information et à la Propagande) et Marcel Déat (ministre du Travail).
Cinq mois après sa nomination en qualité de chef du gouvernement de Vichy, le vendredi 13 décembre 1940, Laval est démis de ses fonctions, puis arrêté par les Groupes de protection, constitués de certains cagoulards14. Il demande à ce qu’on en informe Pétain, mais ce dernier fait semblant de dormir. Laval fulmine contre ce « fantoche », cette « baudruche ». Il est convaincu de l’implication du médecin et n’a que haine à son égard. On attribue même à Ménétrel une opération avortée : l’exécution nocturne de Laval, en rase campagne, sous prétexte d’une tentative de fuite15. En réalité, il n’est pas l’auteur de cette idée d’assassinat politique16.
C’est à Vichy que Ménétrel entreprend d’élargir son pouvoir. Il devient le filtre du Maréchal. Nul ne peut rencontrer Pétain sans son intermédiaire, et Pétain passe par son bureau pour se rendre au sien. Tous les collaborateurs du Maréchal prennent le risque de voir leur audience écourtée, si Ménétrel le souhaite. On dit également qu’il écoute aux portes et veille aux entrevues. Le Maréchal a conscience de l’indiscrétion de son protégé. « Il arrivait parfois que le Maréchal ferme sa porte pour que le docteur Ménétrel ne fût pas au courant des conversations qu’il allait avoir et des décisions qu’il allait prendre », souligne Fernand de Brinon17.
La malice de Ménétrel déconcerte l’entourage de Pétain : « Il apporte dans cette Cour souvent accablée de tristesse tout l’esprit, toute la gouaille du Quartier latin », disent certains. Ses amis excusent ses « façons un peu rudes et sans nuances diplomatiques » et lui pardonnent « ses fugues, ses inconséquences, car ils connaissaient son courage, sa loyauté et son patriotisme intransigeant18 ».
Ménétrel a des ambitions ! Dans un premier temps, il propose ses services comme secrétaire particulier. Il se charge des correspondances du chef de l’État et de ses œuvres. Il reçoit jusqu’à trois mille lettres par jour, écarte les quémandeurs et dicte les réponses19. Il y a trois catégories de courriers : de dénonciation, personnels et officiels. Ménétrel trie et ne lit au Maréchal que certains passages des lettres qu’il a sélectionnées. Il est l’œil et la plume du Maréchal. Ce même docteur se charge également de ses finances. Mais cela ne lui suffit pas. Le docteur estime avoir un rôle à jouer dans la promotion de la vigueur et de la bonté du Maréchal, lui qui y contribue par ses soins quotidiens.
C’est à cette époque que Ménétrel élargit son pouvoir. Il ne figure pas dans l’organigramme mais donne des directives officieuses de propagande, même s’il s’en défend : « Il n’est pas fait de propagande par le secrétariat et le bureau des œuvres sociales du Maréchal à Paris20. » Un an plus tard, en 1941, à la grande joie du docteur, sa fonction d’organisateur de la propagande est officialisée ; à sa direction un proche de Ménétrel, Louis Croutzet. Il a vite compris la nécessité de contrôler et de diffuser une certaine image de Pétain. Avant l’heure, il comprend les rouages du marketing publicitaire. Il sait que la distribution de portraits permet d’asseoir son rôle de « sauveur ». Pétain est coquet : qu’à cela ne tienne, Ménétrel fait réaliser des portraits sur lesquels le « patriarche » apparaît ferme et affectueux, avec vingt ans de moins. Sans oublier les enfants, qui confortent cette belle image d’Épinal. Ce qu’il faut avant tout, c’est souligner le projet de société du Maréchal : autorité, famille, patrie, religion et terre. Pétain sera un propagandiste de génie, comme son acolyte. Dans les articles de presse, il doit être nommé très précisément « Le Maréchal de France, Chef de l’État », puis « Le Maréchal21 ».
Pour récompenser les fidèles au « chef », en septembre 1940, on imagine la Francisque et l’on demande à un joaillier, dénommé Ehret, de créer pour les maréchalistes convaincus un emblème à la gloire de la France et de son chef. On souhaite une image qui symbolise l’unité française aux ordres et l’on choisit de réunir l’arme à double tranchant que portaient les Gaulois et leur chef Vercingétorix au bâton étoilé du Maréchal de France. Les premiers insignes galliques sont portés dès février 1941 et attribués à 2 800 titulaires22. Ménétrel en aurait été l’un des principaux distributeurs en l’attribuant à 277 personnes, le Maréchal, à une vingtaine23.
Le médecin se charge également des bonnes œuvres du Maréchal, notamment celles auxquelles Pétain attache beaucoup d’importance : les prisonniers de guerre. Son collaborateur Paul Racine se souvient qu’un jour, n’appréciant pas le libellé trop impersonnel d’un courrier de réponse à un prisonnier émis par le cabinet militaire, il dit à Ménétrel : « Docteur, vous savez où il peut se le mettre son projet, le chef militaire, alors que le prisonnier écrit avec confiance au Maréchal ? » « À partir d’aujourd’hui, vous me remettrez toutes correspondances relatives aux prisonniers », ordonne le docteur au cabinet concerné. Désormais aucune lettre ne doit partir sans son imprimatur24. Aucun moyen ne lui échappe : colis, paquets de cigarettes à l’effigie du Maréchal, insignes, petits objets, vignettes illustrées, découpages et puzzles25. Au service de la propagation des idées de la révolution nationale, des organismes tels l’« Amicale de France » et son pendant en zone occupée, les « Amis du Maréchal », sont créés et publient des bulletins. Les responsables de ces organisations sont tous des connaissances personnelles du docteur, dont Gabriel Jeantet et Raymond Richard.
Ménétrel fait tout pour contenter son Maréchal et lorsque ce dernier n’est pas satisfait des renseignements qu’il obtient, il s’y emploie. « Je tiens à dire à ce sujet que le Maréchal à plusieurs reprises m’a demandé de faire quelques démarches dans le but d’être renseigné, ayant la certitude qu’il n’y aurait ainsi aucun autre intermédiaire26 », souligne-t-il. Ses détracteurs lui reprochent d’avoir institué une « police du Maréchal ».
Pour y parvenir, il n’hésite pas à s’attacher les services de cagoulards, tel Richard. À l’information, contrôlée par des fidèles de Laval, se superposent des officines diverses qui, sous la direction de Bernard Ménétrel, éditent notes d’orientation et consignes. Enfin, pour parfaire ses activités, le bon docteur s’occupe des plaisirs du Maréchal, grand amateur de femmes. Longtemps célibataire, don Juan infatigable, Pétain a toujours été fort préoccupé par la gent féminine. Ménétrel se serait arrangé pour introduire à l’Hôtel du parc, par une entrée invisible à sa femme légitime, de « petites femmes27 ». Sa « dernière nuit d’amour » aurait eu lieu en 1942. Il l’a passée avec une jeune femme qui lui a ensuite envoyé une longue lettre pour le remercier de cette « folle nuit ». Cette liaison souligne que Pétain est toujours sexuellement actif à quatre-vingt-six ans et donne également un aperçu du bon état de santé du Maréchal28. Mythe ou réalité pour forger sa réputation de robustesse ?
Succède à Laval, comme chef du gouvernement, Pierre-Étienne Flandin puis, à compter du 10 février 1941, l’amiral François Darlan. Ce dernier n’apprécie pas les interventions du médecin et s’emploie à réduire ses prérogatives. En juillet 1941, Ménétrel est contraint de démissionner et de se cantonner à son rôle de soigneur. Lui succède à son poste Léon Bonhomme. Une retraite tactique, car le docteur garde l’attachement du Maréchal29. L’entourage note alors que le Maréchal « a beaucoup vieilli depuis cet éloignement ». Celui-ci est bref car dès le mois d’octobre, le praticien reprend officieusement la main sur les morceaux choisis de Pétain, déclinés sur tous supports.
Alors que depuis les années 1930, le corps médical manifeste un fort antisémitisme, estimant que le nombre de juifs de l’est (notamment roumains et allemands) dans la profession est trop important, la rumeur dit que Ménétrel refuse d’accepter des juifs dans sa clientèle. En réalité, cette accusation résulte davantage de l’attitude de son père, dont il a hérité l’antisémitisme viscéral, et d’un différend qu’il aurait eu avec un sénateur juif30. Pour Bernard Ménétrel, il existe de « bons » et de « mauvais » juifs. À un camarade d’internat, il écrit, le 22 août 1940 : « Je ne t’apprendrais rien en te disant que le mouvement antisémite actuel se fait de plus en plus précis, impressionnant plus par son manque de discernement et son aveuglement que par sa violence même. […] Il y en a un, néanmoins, que j’ai : c’est celui que trop de mauvais juifs ont pris imprudemment trop de place et trop d’importance dans la vie publique française et qu’ils ont été parmi ceux qui nous ont précipités dans la catastrophe où nous nous trouvons. Ils ne sont pas seuls, certes, loin de là, mais la fureur populaire les accuse les premiers31. » Lorsqu’un autre de ses amis d’internat, André Meyer, lui demande d’intervenir en faveur de ses parents déportés à Drancy, il n’en a cure32.
Pour certains, il ne cultive à leur égard que de la haine. À l’appui, ses annotations en marge de lettres adressées au Maréchal : « Lettre typique de Juif pour tenter de tourner la loi » ou pis encore : « Quel débarras lorsque cette vermine aura enfin débarrassé notre belle France et qu’elle aura été exterminée ! » et, aux dires mêmes de la Maréchale, il compte parmi les plus virulents sur le sujet33. « Je ne peux agir à l’insu de Bernard (Ménétrel). Quand on parle des juifs devant lui, il voit rouge. Et on l’écoute parce qu’il est autant antiallemand34 », dit de lui madame Pétain lorsqu’elle est sollicitée pour effectuer une démarche en faveur d’une de ses amies israélites. D’une manière générale, la femme de Pétain n’apprécie guère ce docteur dont les parents ont désapprouvé son union. Comme souvent, la famille et le docteur personnel ne font pas bon ménage. Selon René Gillouin, conseiller du Maréchal durant les premières années, homme d’extrême droite mais opposé aux mesures prises à l’encontre des juifs, Ménétrel est l’antisémite par excellence35. Pour l’historienne Bénédicte Vergez-Chaignon, il faut retenir son indifférence. Ménétrel estime que la tragédie de la déportation juive est un épisode, parmi d’autres, des malheurs de la France36.
Comme son mentor le Maréchal, Ménétrel n’est pas à une contradiction près : il n’aime pas les Allemands. Ces derniers, qui le considèrent hostile, sont persuadés de son influence néfaste sur Pétain. Ils estiment qu’il camoufle son activité politique sous couvert de son activité médicale et sont intrigués par cet homme, ennemi juré des juifs et des francs-maçons, qui ne cherche pas à établir de relations de confiance.
Aussi préfèrent-ils le surveiller de près et le mettre à l’écart, si nécessaire. Ils le suspectent même de faire partie de la Résistance au plus haut niveau. Le ministre du Reich aux Affaires étrangères, Joachim von Ribbentrop, écrit au Maréchal le 29 novembre 1943 une lettre menaçante, l’informant des « propos hostiles à la collaboration » tenus par Ménétrel. Un courrier de celui-ci à l’ambassadeur allemand Otto Abetz le qualifie même de « Chef secret de la résistance37 ». En décembre 1943, le ministre du Reich est tellement persuadé de son influence germanophobe sur Pétain qu’il oblige celui-ci à lui retirer son secrétariat38.
En réalité, le rôle du docteur varie au gré de l’analyse de l’état de santé du Maréchal. Selon la perception que l’on adopte et la période, l’ascendant de Ménétrel est plus ou moins important. Bien souvent, on le surestime ou le sous-estime.
Pétain a toujours eu une santé de fer. Outre une fragilité de l’appareil respiratoire, il n’a eu qu’une typhoïde en 1891 et, à la suite d’une chute de cheval en 1914, un problème aux genoux. À Vichy, il n’est sujet qu’à quelques grippes. Mais la sénescence implacable fait son œuvre. Pour certains, Pétain n’est qu’un vieillard sénile, pour d’autres un homme à la vivacité impressionnante.
« Il faut prendre le Maréchal quand il est frais », répète souvent ce médecin-secrétaire, qui sait de quoi il parle. Le matin, note en 1940 Paul Baudouin, ministre des Affaires étrangères, il a l’esprit très clair ; le soir, il a des défaillances de mémoire ou bien des fléchissements de la volonté. Pétain travaille peu, lui-même estime n’être efficace que trois heures par jour. C’est probablement cette faible charge de travail, inhabituelle chez un homme politique, qui lui permit de demeurer en poste et de donner le sentiment d’avoir une santé de fer à plus de quatre-vingts ans, même si dans la famille du Maréchal, on vit vieux.
On dit que Pétain doit cette éternelle jeunesse aux soins que lui prodigue son médecin. Comme son père avant lui, Bernard Ménétrel le « remonterait » grâce à des massages, des injections d’oxygène ou du carbone activé puis de l’air chaud insufflé grâce à un appareil de son invention. Il a également recours à l’ancienne méthode de la saignée.
Si des rumeurs circulent selon lesquelles des drogues, aussi mystérieuses qu’inavouables, lui permettraient de manipuler à sa convenance la lucidité du vieil homme, seul un des biographes de Pétain considère qu’il doit son énergie aux amphétamines : la benzédrine ou l’éphédrine39. Une certitude : Ménétrel ne laisse derrière lui aucune ordonnance ou trace de quelque médicament que ce soit, même pour soigner une grippe.
À Paris, la rumeur court dès 1940 : Pétain est gâteux, il ne fait que ressasser la guerre de 1914-1918, incapable d’action. Laval fait valoir que « Pétain tient le rôle d’une potiche ». Pour de Gaulle, c’est un défaitiste « mort depuis de longues années40 », depuis la guerre du Rif ? On évoque ses moments de grande faiblesse, notamment à partir de 1942. À Lyon, en visite à l’Hôtel-Dieu, il a une absence et prend le bras du maire de la ville en pleurant : « Où sommes-nous ? Qu’est-ce que je fais ici41 ? » De même à Ussel et Tulle, on fait état de son ennui criant, de sa surdité et de son absence de concentration. Il y a des moments où Pétain joue de son âge, et d’autres où son âge se joue de lui. Chez les Alliés, on aime à le considérer comme sénile lors de l’armistice. Churchill avertit Roosevelt au sujet de Pétain : « Le vieux maréchal Pétain, qui ne fut pas d’un grand secours en avril et juillet 1918, est, je le crains, disposé à prêter son nom et son prestige à un traité de paix pour la France », et il conclut : « Aucun doute que dans cette conjoncture, cet homme est dangereux42. » « Une méduse », un être inconsistant, dit de lui l’amiral William Leahy, l’ambassadeur des États-Unis à Vichy.
« Le dernier qui a parlé a raison » est une formule que l’on retrouve régulièrement au sujet du Maréchal. « Une girouette qui tourne à tous les vents », souligne Laval. On s’attend à une décision, mais c’est une autre qu’il prend et certains y voient l’œuvre de son bon médecin. À Vichy, Ménétrel est qualifié d’« éminence grise », de « héraut », de « mauvais génie » ou de « bouffon du roi ». Ses avis deviendraient ceux du Maréchal et son influence croît au fil de l’installation du régime de Vichy et de l’isolement de Pétain. « Un homme qui se mêle de tout par goût du pouvoir et de la manœuvre43 », préféré parmi les préférés : son emprise sur le Maréchal, incapable de décisions et versatile, serait immense.
Ceux qui considèrent Pétain dès 1940 comme un vieillard sénile attribuent à son médecin davantage de pouvoirs que ceux qui pensent qu’il a une santé vaillante et affirment que jamais il ne deviendra sénile entre 1940 et 1944. Pour d’autres enfin, cet ascendant augmente au gré des années. Comme la santé de Pétain, la perception du rôle de Ménétrel varie selon les acteurs, les pays et les périodes. Pour certains, il est un petit médecin qui aide le Maréchal à mettre son manteau et n’exerce aucune véritable influence, pour d’autres, il est son âme damnée et un conseiller politique influent.
Ceux qui sont convaincus de la santé mentale du Maréchal mettent en avant le fait que sa passivité et sa prudence lui ont toujours donné l’image d’un homme âgé, même durant la Première Guerre. Or, ce n’est qu’un trait de caractère. N’était-il pas partisan d’une stratégie défensive, alors que cela allait à l’encontre de la stratégie militaire en vigueur ? De cette image il jouerait avec habileté, un sens inné de la mise en scène lui permettant d’affirmer sa fermeté, sa sérénité et son pacifisme. On lui prête la manie d’user de son âge, de somnoler ou de faire semblant lorsque son visiteur ou son audience l’ennuie. Il se servirait également de sa surdité pour éluder les questions et de son allure, de son regard bleu vif et perçant, pour séduire. Il est étonnant de constater à quel point varient les qualificatifs désignant un même homme.
Chez les Allemands, des visiteurs se sont étonnés de trouver un vieillard de quatre-vingt-sept ans, toujours très droit, aussi alerte, vigoureux et bien portant. Ceux qui ont rapporté les conversations que Pétain a tenues en 1943 avec des Allemands, quelle que fût l’heure, n’avaient aucune raison apparente d’inventer la verve énergique, dit-on, la vaste curiosité et la maîtrise du détail dont témoignaient ses paroles. Les généraux Vogel et Wenck parlent de la fraîcheur et de la vigueur de Pétain en 1941. En 1943, alors que de Gaulle affirme que « la vieillesse est un naufrage », les Allemands qui ont rencontré Pétain l’ont trouvé alerte.
Ménétrel considère que Pétain jouit, pour son âge, d’une exceptionnelle condition physique. Si celui-ci admet une certaine surdité du Maréchal, jamais il n’utilisera, ni même n’acceptera, l’excuse du gâtisme. Il se contente de faire valoir que le grand âge de Pétain nécessite plus de repos et de soins d’entretien44. Le docteur rassure Pétain sur ses capacités physiques et admet que sa vigueur pourra diminuer, mais il ne semble pas douter que son patient conserve toutes ses facultés intellectuelles.
Après avoir été considéré comme partie prenante de l’éviction de Laval en décembre 1940, Ménétrel est également censé être impliqué dans son retour à la tête du gouvernement en avril 1942, sur instigation des Allemands qui le considèrent comme seul garant de la collaboration.
Dans son discours du 2 juin 1942, lorsque Laval revenu au pouvoir indique : « Je souhaite la victoire de l’Allemagne », le médecin est interpellé par les conséquences de tels propos sur le Maréchal. Ménétrel serait l’instigateur et l’organisateur de l’entrevue entre Pétain et Laval dans la forêt de Randan. Il s’en défend et affirme qu’en toute hypothèse, il n’a agi que sur ordre45. Le Maréchal, lui, ne se souvient pas de l’intervention du médecin46.
Quelques mois plus tard, au tournant de la guerre, les Alliés débarquent en Afrique du Nord et Darlan signe un cessez-le-feu avec les Américains. Les Allemands ripostent et réduisent à néant l’armistice, en envahissant, le 11 novembre 1942, la zone sud de la France. Le docteur tente vainement de convaincre le Maréchal de rejoindre l’amiral Darlan à Alger, mais il refuse de quitter la France. Les raisons qu’il évoque varient selon ses interlocuteurs. « Le Maréchal est vieux et usé. Les choses n’entrent plus vraiment dans son esprit », souligne Pierre Laval. Le 15 novembre 1942, lui sont délégués par Pétain les pouvoirs de signer, seul, lois et décrets.
Le Maréchal est perdu et confie à Walter Stucki, ambassadeur de Suisse à Vichy : « Je ne suis plus qu’un moribond47… ». L’intensité de la pression psychologique et nerveuse a vite eu raison de ses quatre-vingt-six ans48. Une analyse corroborée par l’entourage du Maréchal et même par Ménétrel, qui a pourtant toujours refusé d’admettre de quelconques faiblesses physiques. Son patient est épuisé et déprimé et, le 17 novembre, le docteur est contraint d’établir un certificat médical pour qu’il puisse se reposer quelques jours. Ménétrel, qui le ménage, est alors considéré par ceux dont il écourte les entretiens comme usant de son autorité pour commettre un abus de faiblesse.
Le régime de Vichy s’effondre avec la défaite allemande de l’été 1944. Le 19 août, dans un Hôtel du Parc transformé en forteresse, c’est l’effervescence. Le départ est imminent et Bernard Ménétrel donne quelques ultimes conseils à sa femme avant de lui glisser une capsule de cyanure dans le creux de la main : « On ne sait jamais, tu pourras peut-être en avoir besoin49. »
Le 20 août, à six heures du matin, les Allemands contraignent Pétain à quitter Vichy, direction Belfort, puis le Bade-Wurtemberg, en Allemagne. Lors de la première halte, la chaleur est étouffante et le Maréchal exténué. Son médecin parvient à obtenir son transfert au château de Morvillars, à quinze kilomètres de la ville, dans un petit bourg ou Pétain est ravi de pouvoir se promener en toute quiétude.
La rumeur en France fait état d’une fuite du Maréchal. Lors de sa première nuit en Allemagne, à Fribourg-en-Brisgau, la radio allemande annonce qu’il a demandé l’asile. Aussi Pétain tient-il à faire savoir qu’il n’a pas quitté la France de son plein gré, mais qu’on l’y a obligé. Lorsque la presse titre « Révélation avant un grand procès : Pétain aurait pu se rendre à la résistance », Ménétrel est cité comme le seul dans l’entourage du Maréchal à ne pas l’avoir incité à se soustraire aux Allemands. « Les maquisards vont vous tuer50 !… », aurait dit le médecin. Pétain l’écoute mais proteste auprès du Führer : « Le 19 août, l’assurance m’a été donnée qu’en toutes circonstances, je resterai sur le sol français. Aujourd’hui, en dépit de cet engagement solennel, je suis amené en captivité en Allemagne. »
Après une quinzaine de jours de voyage, Pétain et Ménétrel arrivent le 8 septembre 1944 à leur destination finale : le château du prince de Hohenzollern, au bord du Danube, Sigmaringen. Le Maréchal y résidera jusqu’en avril 1945, Ménétrel un peu moins longtemps… Suivent Pierre Laval, Fernand de Brinon, Joseph Darnand, Abel Bonnard, Marcel Déat, Eugène Bridoux, Jean Luchaire… et quelques civils en délicatesse avec les Alliés et les Résistants, dont le docteur-écrivain Louis-Ferdinand Céline.
En Allemagne, Pétain se considère prisonnier et se cloître à l’avant-dernier étage du bâtiment dans l’appartement du prince de Hohenzollern, arrêté pour faire place libre. Inactif, il se meurt et suit invariablement le même programme quotidien : en voiture, il quitte la ville puis, à quelques kilomètres, sur la route de Tuttlingen ou de Messkirch, effectue une promenade, accompagné de Ménétrel ou bien, plus souvent, seul51. La Gestapo suit. Entre les lavaliens et les pétainistes, c’est le médecin qui assure désormais le contact.
Au château, il y a deux catégories : les ministres « actifs » et « passifs ». Ceux qui pensent qu’un redressement militaire allemand est possible et souhaitent un engagement total envers l’Allemagne, dont Fernand de Brinon, le président de la « délégation gouvernementale » décidée par les Allemands. Ceux qui se considèrent désormais hors du jeu politique : Pétain et Laval, le premier avec le soutien infaillible de son médecin. Mais Brinon n’hésite pas à utiliser le nom de Pétain et laisse entendre qu’il est de la partie, ce qui irrite le docteur au plus haut point. Même si le Maréchal se refuse à toute intervention ou prise de parole, Brinon se sert de lui dans sa propagande pour asseoir sa légitimité. Sans Ménétrel, le vieux Maréchal usé aurait-il davantage cédé à ceux qui travaillent pour les Allemands et avec lesquels il vit en colocation, le comité Brinon-Déat ?
Ménétrel se charge également de l’intendance et des cartes de rationnement. Il s’évertue à trouver pour le Maréchal couvertures, linge, nourriture et autres commodités. Grâce à Georges Scapini, du service des prisonniers de guerre à Berlin, et à son ami ancien ambassadeur Walter Stucki, de retour en Suisse, il obtient ce qu’il souhaite et la suite du Maréchal n’entend pas partager son butin avec ses colocataires du château. Mais le docteur s’inquiète de la passivité de Pétain devant le discours prononcé par Brinon le 1er octobre, qui l’associe à ses activités politiques. Le Maréchal, avec sa versatilité légendaire, permet aux ultras de laisser entendre que c’est volontairement qu’il séjourne en Allemagne. Ménétrel s’insurge, il souhaite qu’il s’en tienne à la version selon laquelle il est prisonnier et tente de canaliser cette mauvaise publicité faite à son protecteur. À cette occasion, il endosse ce rôle en mettant pour une fois en avant sa santé et son âge avancé.
« Je me suis toujours considéré comme responsable de la santé de M. le Maréchal mais de plus, à Belfort, M. Boliland m’a fait savoir que M. le Ministre von Ribbentrop avait décidé que j’en étais responsable “sur ma tête”. Tenant compte de cet avertissement, j’ai le devoir de porter à votre connaissance les inquiétudes que me donne la santé du Maréchal… La situation dans laquelle le Maréchal se trouve à Sigmaringen par rapport à certaines personnalités a créé chez lui des soucis et des préoccupations qui le maintiennent dans un état d’irritation nerveuse et d’agitation qui provoque ces insomnies en particulier, qui sont de nature à altérer gravement sa santé. Tous les médecins peuvent témoigner qu’à n’importe quel âge, et plus encore à celui du Maréchal, il y a de graves retentissements du moral sur le physique : c’est cela qui, désormais, ne laisse pas de l’inquiéter sérieusement, car il ne m’appartient plus d’y apporter un remède. Et c’est pour cette raison que j’ai tenu à vous mettre au courant de cette situation préoccupante et dangereuse pour la santé de M. le Maréchal », écrit Ménétrel le 28 octobre 1944, au diplomate allemand détaché à Sigmaringen52.
Mais surtout, Pétain prépare sa défense. Ménétrel couche par écrit ses arguments et tente de regrouper des documents à l’appui. Depuis le 21 mars 1943, date à laquelle Pétain a rédigé son testament, il en a fait son exécuteur testamentaire, avec pour mission de trier et détruire le cas échéant ce qui est nécessaire. Un mois après son arrivée en Allemagne, sachant qu’un procès se profilait, Pétain avait d’ores et déjà commencé à organiser des notes relatives à son argumentaire de défense. Saisies sur lui à son arrivée au fort de Montrouge, le 27 avril 1945, elles portent sur deux points essentiels : les conditions dans lesquelles sont intervenus la demande d’armistice de juin 1940 et les événements de novembre 1942 en Afrique du Nord.
Au château, Pétain n’entretient pratiquement aucun contact avec les autres « fugitifs ». Il est de plus en plus isolé, ses collaborateurs ont été arrêtés ou déportés. Même son fidèle et dévoué Ménétrel, soupçonné d’intelligence avec des services alliés, est arrêté, dans la rue à l’instigation de Brinon, le 22 novembre 1944, sur « ordre supérieur de Berlin ». « Peut-on dissimuler que le Dr Ménétrel s’est formellement engagé à ne plus avoir aucune activité politique ? Cependant, il rédige et fait distribuer des documents par lesquels on porte condamnation sur votre œuvre de quatre années sous prétexte qu’elle aurait été imposée par la contrainte, mais en réalité pour essayer de complaire aux dissidents qui répondent par les manifestations d’un injurieux mépris. Enfin, il est établi qu’à Sigmaringen même, le Dr Ménétrel, profitant de la liberté qu’il possède, recherche les travailleurs et les prisonniers français pour leur faire savoir que les hommes du maquis avaient toute votre approbation53 », écrit le 4 octobre 1944 Brinon au Maréchal.
Lorsque Pétain apprend cette arrestation, il entre dans une fureur sans nom54. Ménétrel est son homme de confiance, celui dont il a besoin au quotidien. Il ne peut s’en passer. Car si l’on peut douter de l’influence politique de Ménétrel, son influence personnelle est avérée. Une dépendance affective qui n’a cessé d’augmenter avec l’isolement de Pétain. « Sa présence était pour moi une sécurité physique en même temps qu’un réconfort moral. Je ressens plus particulièrement son absence dans ma douloureuse situation actuelle », indique Philippe Pétain dans une note verbale du 20 avril 1945. La première fois que Ménétrel a été mis à l’écart, il est parvenu à le maintenir à son chevet comme médecin, cette fois il ne peut rien, même pour une heure par semaine55. Pour Brinon, le Maréchal, désormais privé de son soutien physique et moral, devrait être plus malléable. Mais il sous-estime Pétain, qui a démontré par le passé qu’il n’a aucun mal à se dispenser du jour au lendemain de ses collaborateurs ou qu’il peut les congédier sans mot, ni regret. Malgré son courroux et son intervention avortée auprès des Allemands, il se résigne. Pétain dit préférer trépasser que recevoir les soins d’un médecin allemand. Ce « dernier roi de France56 » n’accepte pas davantage ceux d’un médecin français, Louis-Ferdinand Céline, refugié dans cette villégiature. « J’aime mieux mourir et tout de suite57 !… », dit le Maréchal.
Le 8 janvier 1945, suite à son arrestation, Ménétrel écrit un dernier plaidoyer à Cecil von Renthe-Fink, diplomate allemand chargé de la surveillance du Maréchal : « […] J’ai le devoir de vous rappeler, Monsieur le Ministre, que le maintien de la situation actuelle ne peut manquer d’avoir tôt ou tard les plus graves répercussions sur la santé de Monsieur le Maréchal. Le secret professionnel auquel je suis astreint, comme la confiance dont j’ai été honoré, m’interdit tout commentaire. Je n’ai pas à faire état des raisons impérieuses, médicales ou autres, qui rendaient nécessaire ma présence auprès du Maréchal. Je peux cependant affirmer que ces raisons étaient et restent totalement étrangères à la politique, mais relèvent de ma profession58. »
Ménétrel est mis au secret à une dizaine de kilomètres du château où il subit deux séries d’interrogatoires de trois jours chacune. Quelques mois plus tard, en mars 1945, il est transféré dans un camp de Bohême où il retrouve son ami Gabriel Jeantet, vichyste convaincu. Libéré par les SS le 7 mai, il rejoint les lignes américaines. Après le camp de Bamberg, il est jeté dans une cave à Lindau avec des SS puis incarcéré dans une prison militaire avant d’être rapatrié en France avec Brinon et placé sous mandat de dépôt à Fresnes, le 22 mai. L’épuration est en marche. Dès son retour, il prend connaissance des graves accusations et rumeurs à son encontre. Et une semaine après, le journal Le Monde titre que cet intrigant serait aussi l’auteur d’un détournement de fonds secrets du groupement fasciste « l’Amicale de France59 ».
De son côté, Pétain atteint la Suisse le 24 avril 1945 avant de regagner Paris le 26 pour participer à l’instruction de son procès. Les documents appartenant au docteur sont saisis et joints à la procédure devant la Haute Cour de Justice, où il doit être jugé pour intelligence avec l’ennemi et haute trahison. Un temps, le célèbre avocat Moro-Giafferri est pressenti pour assurer sa défense, mais Pétain refuse d’avoir le même conseiller que Landru ! Sa défense s’organise avec à sa tête le bâtonnier Fernand Payen qui s’adjoint Jacques Isorni et Jean Lemaire. Pétain aime être entouré de jeunes gens et le démontre une fois de plus avec le jeune avocat brillant qu’est Isorni. Il remplace désormais le médecin, l’heure est à la défense. Pour le convaincre de son dévouement, Isorni reprend à l’endroit de Pétain l’une de ses formules de 1940 : « Je vous fais don de ma personne. » Comme tous, ses avocats sont frappés par l’étonnante vigueur qui se dégage de la personne du Maréchal, et parallèlement par son côté « vieux jardinier accusé d’un vol de légumes », avec ses défaillances de mémoire, ses idées confuses et son ton hésitant. Pour Payen, un seul système de défense est envisageable : plaider le « gâtisme », en sollicitant de la Haute Cour des circonstances atténuantes60. Mais c’est sans compter Isorni. Comme Ménétrel, il affirme que le Maréchal est un homme en pleine possession de ses moyens et refuse l’excuse du gâtisme, une stratégie qu’il juge indigne.
De son côté, le docteur, qui est un civil, est mis à la disposition de la Cour de Justice de la Seine, pour intelligence avec l’ennemi puis par réquisitoire supplétif, pour complot contre la sureté intérieure dans le cadre de ses activités avec les « Amis du Maréchal ». On lui reproche son rôle de conseiller politique du Maréchal et son implication dans le retour au pouvoir de Laval. Dans le cadre de cette instruction diligentée par le juge Pierre Marchat, le rapport de police fait état d’une influence personnelle indiscutable sur le maréchal Pétain : « Il serait vain de tenir pour négligeable l’intimité créée par les soins constants et attentifs du médecin, l’incessante présence, l’âge avancé qui permet l’influence d’un jeune, intelligent, psychologue et d’autant plus qu’il connaît mieux son sujet, de se manifester avec plus de force et de persuasion. » Parmi les témoins, le magistrat entend André Boislorjon d’Ollivier, auteur de l’article « Les mystères de Vichy », paru dans Le Parisien Libéré du 30 août 1944. Le journaliste allègue que Ménétrel est un intrigant qui a subventionné des hommes politiques dans le cadre d’une politique de collaboration. Le docteur a une « grosse influence » sur le Maréchal, contrôlant toute la politique et se vantant d’avoir conduit Pétain à Montoire61.
Le 6 juillet 1945, le magistrat interroge Joseph Darnand, une des grandes figures de la collaboration, qui déclare que l’inculpé, conservateur sur le plan intérieur, attentiste sur le plan extérieur, a joué un rôle considérable dans la politique suivie depuis 194062. Au dossier apparaît également une lettre du 1er septembre 1942, du capitaine de vaisseau Féat, détaché au cabinet militaire, qui s’élève vigoureusement contre l’ingérence de Ménétrel dans les affaires politiques : « Il est nécessaire que l’on vous dise, sans que vous puissiez vous boucher les oreilles, le mal épouvantable que vous faites au Maréchal et à la France, depuis quelques mois. […] Vous êtes absolument sorti de votre fonction de secrétaire particulier, et vous avez entrepris de diriger tout seul la politique française… D’où votre volonté de tout abaisser, de tout éloigner, et de demeurer seul près du Maréchal en face de l’Allemagne63. »
Ménétrel se défend de ces deux accusations et prend conscience que seul Pétain peut le dédouaner. Il insiste sur l’âge de celui-ci et le sien (il n’a que trente-six ans) pour démontrer qu’il n’a pu exercer d’influence décisive sur les actes du chef de l’État et sur la politique du gouvernement. Il rappelle que, loin d’être un conseiller occulte, Pétain le considérait simplement comme un grand enfant. À l’en croire, rapporte le journal Le Monde, Pétain se contentait de lui dire : « Tais-toi, tu es un gamin64 ! »
Le colonel Groussard, responsable de la garde personnelle de Pétain, indique : « Personne à mon avis ne pouvait se vanter d’avoir une influence sur le maréchal Pétain en raison de la versatilité de cet homme. Ménétrel a pu parfois croire qu’il avait une influence sur le chef de l’État mais cela ne durait pas. » Enfin Walter Stucki souligne que Ménétrel « haïssait et combattait constamment les ultra-collabos tels que Laval », et qu’il ne pouvait donc être à l’origine de son retour au pouvoir.
Ménétrel ne cesse de faire valoir ses sentiments antiallemands et sa qualité de résistant. Le docteur affirme que, dès 1941, les Allemands ont envisagé sa mise à l’écart, voire son exécution65. « Ménétrel devrait être fusillé depuis longtemps ; nous allons l’arrêter, il faut nous en débarrasser », n’aurait eu de cesse de répéter l’ambassadeur allemand Abetz.
Lorsque l’avocat de Ménétrel, Me Albert Naud, accepte de défendre Laval, celui-ci en prend ombrage, il considère qu’il n’aura plus de temps pour lui. Le docteur est convaincu, contrairement à son défenseur qui souhaite gagner du temps, qu’il lui faut être actif. En prison, sa femme lui apprend le décès accidentel de sa cadette. Troublé et frénétique, il rédige lui-même des notes au magistrat pour clarifier sa position et faire valoir sa qualité de résistant. À l’appui, il verse au dossier des attestations qui font état de ses faits d’armes. Il aurait fourni des laissez-passer et permis d’éviter tout contact du Maréchal avec les autorités allemandes. À Sigmaringen, il en aurait fait de même avec « la commission gouvernementale française pour la défense des intérêts nationaux ».
Interrogé le 8 juin 1945, Pétain vient au secours de Ménétrel et accrédite sa thèse : « Le docteur Ménétrel n’a joué aucun rôle politique auprès de moi mais, comme on supposait qu’il pouvait en jouer un, on lui passait, comme on dit vulgairement, la main dans le dos. » Il souligne qu’il est détesté des Allemands et qu’il lui a donné l’ordre d’entrer en contact avec la résistance, dès qu’elle a été constituée. « Je lui avais recommandé d’aller de proche en proche… Ça n’a pas abouti comme je l’aurais voulu, et je lui en ai fait le reproche. J’étais très ennuyé de ne pas pouvoir avoir de contacts avec la résistance66 », se défend le Maréchal.
Le 23 juillet 1945 s’ouvre devant la Haute Cour, qui siège au palais de justice de Paris, le procès du Maréchal de France. Alors qu’Isorni entend démontrer que Pétain n’est pas un vieillard sénile entre les mains des Allemands, mais un homme qui use de son âge pour retarder l’accomplissement de certains actes exigés par l’occupant, l’avocat est interpellé lorsque parfois, fatigué, il demande : « Est-ce que je suis toujours chef de l’État67 ? » Ou, naïvement, lorsque, à l’issu d’un interrogatoire, son client l’invective par un : « Est-ce que j’ai été bien ? » Lors des audiences, Pétain est silencieux, voire somnolent, même si à quelques reprises il intervient. Aux yeux de tous, il apparaît comme un vieillard dépassé par les événements, il a des pertes de mémoire et se décharge de ses responsabilités sur les autres.
Ménétrel, affolé par les graves accusations à son encontre, se tient à distance du Maréchal. Il ne se rend qu’à deux reprises aux réunions du comité de soutien et ne sera pas témoin au procès de Pétain68. A-t-il souhaité rester à l’écart pour assurer sa propre défense ? Qui de Pétain ou d’Isorni a estimé ne pas devoir l’appeler à la barre ? Et pourquoi ? Pour le protéger ou parce que les propos de Ménétrel auraient pu avoir une incidence négative sur sa défense ? Par la suite, le docteur dit avoir regretté ce silence.
Pour des raisons de santé, Ménétrel obtient, le 15 janvier 1946, une ordonnance de mise en liberté provisoire. Il est atteint d’un gros phlegmon des amygdales, à évolution cervicale aiguë, et d’une otite grippale gauche avec paralysie faciale partielle. Son état est jugé grave. Quelques mois plus tard, il obtient une ordonnance de non-lieu, mais il est renvoyé devant la chambre civique pour indignité nationale. Ses sentiments antiallemands ont convaincu le juge d’instruction, mais « cette heureuse influence » ne saurait effacer son indiscutable participation, n’aurait-elle été que morale, à un gouvernement dont la nation a sanctionné les graves errements69.
« Je lui ai tout sacrifié : famille, situation professionnelle, intérêts et liberté par esprit de devoir, de conscience professionnelle et par affection sans avoir jamais retiré de ma situation le moindre profit, ni le moindre bénéfice moral ou matériel, mais mon dévouement à la personne du Maréchal ne m’a jamais amené à commettre la moindre action répréhensible en particulier dans le sens proallemand », se lamente Ménétrel70.
Le lundi 30 mars 1947, après avoir roulé toute la nuit pour déposer sa famille à Mallemort dans le Vaucluse, il reprend la route de Paris à 7 h 30 du matin et heurte un arbre à proximité d’Aix-en-Provence. Il est tué sur le coup. Pourquoi était-il aussi pressé de rentrer à Paris ? Pour le procès de « l’Amicale de France » ? Quelques années plus tard, sa femme Aline devient présidente de l’association de protection de la mémoire du Maréchal. Son fils, lui, est convaincu que son père est un résistant.
Son mentor, le maréchal Pétain, est condamné à mort par 14 voix contre 13 mais, compte tenu de son âge, il est gracié et incarcéré au fort de Portalet, puis à l’Île d’Yeu, et meurt quatre ans après son médecin, en 1951, à l’âge de quatre-vingt-quinze ans. Durant ses dernières années, comme tout détenu, il ne perd pas l’espoir d’être un jour libéré. Mais les journées sont longues, et malgré ses écrits et lectures, il s’ennuie.
Au-delà des liens affectifs, la personnalité de ces deux hommes, sous le prisme de la relation médicale, laisse entrevoir à quel point celle-ci est empreinte de faiblesses, d’imprudences et d’opportunisme. Aucun autre médecin ne sera tant mis en cause dans les errements politiques de son patient. Est-ce lié à la personnalité de celui-ci, à son âge ou à la marge que l’on laisse à un homme que l’on apprécie bien au-delà de sa qualité de praticien ? La relation de Francisco Franco, grand admirateur de Pétain, avec Vincente Gil, son médecin, apporte un éclairage supplémentaire sur un rapport humain où se mêlent sentiments et soins dévoués.