15

 

Depuis un mois et demi, je vis au penny près. Je ne gagne pas suffisamment pour payer les £ 184.68 que je dois à mon propriétaire, c'est pourtant la chambre la moins dispendieuse que l'on puisse trouver à Londres. Je commence à travailler au café The Box aujourd'hui, je viens à peine de terminer mes trois jours de douze heures en ligne à l'aéroport. J'espère que tout va bien. Tout le monde comprend que je puisse changer d'emploi même si je vais gagner encore moins. Tout le monde est tellement écœuré de WH Smith, tous ils cherchent de l'emploi ailleurs, mais ne trouvent rien. C'est que les emplois payés à moins de quatre livres de l'heure fourmillent en Angleterre, puisqu'il n'y a aucun salaire minimum. Du côté amoureux aussi je suis désespéré. En un mois et trois semaines, je n'ai rencontré que des copains de sous catégories et ça marche juste à moitié. J'espère que The Box va m'apporter le copain idéal, mais j'en doute.

En plus, je crains d'avoir attrapé une maladie vénérienne. Ça me gratte comme ce n'est pas possible à la mauvaise place et on dirait que mon système d'anticorps ne fonctionne qu'à moitié. Je saigne comme de l'eau tellement facilement. Je saignais du nez voilà trois jours, puis de chacune des deux mains pour des coupures si miniatures que j'en suis demeuré surpris. Ce n'est vraiment pas bon signe. Pendant un instant j'ai cru que c'était le sida. Eh bien, je travaille tellement en ce moment et ma vie n'a tellement aucun sens que ça ne m'a pas impressionné plus qu'il ne le faut. Je me disais bof, je m'en fous, mourir tout de suite ou plus tard, le plus tôt sera le mieux. Et je le croyais vraiment. En un sens c'est une fin logique et souvent j'ai l'impression que mourir serait peut-être ma seule solution à une vie tranquille et aisée que je suis incapable d'avoir.

En fait, ma vie a un sens, c'est plutôt que je trouve que ça n'en vaut pas la peine. Je crois que de travailler avec des gens complètement écœurés de vivre ça n'aide pas. J'espère que l'atmosphère sera mieux au The Box. Il n'y a pas de porte de sortie à cette sorte de vie, there is no way out. J'ai envie en ce moment de m'enfermer au Popstarz et de me saouler jusqu'à ce qu'on me retrouve sur le plancher en train de ramper. J'ai acheté mon premier paquet de cigarettes hier, Benson & Hedges, 0.9 mg de drogue, les plus fortes. Je suis vraiment à bout de souffle pour décider comme ça de commencer à fumer alors que les paquets valent presque dix dollars à Londres en cette fin de millénaire.

 

 

carole cadotte <138194788@archambault.ca>