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Je ne puis plus supporter Popstarz, non plus les gens qui sortent là, non plus Mis-Shapes. Ce qui me faisait songer que mon billet d'avion, c'est pour dans deux jours. Ainsi, je me retrouvais encore face à cette idée de changer radicalement ma vie dans un autre pays. Repartir pour Toronto. Je suis sur des montagnes russes. Chaque six heures je change de décision. Maintenant je crois que j'en suis venu à un compromis, repousser mon départ jusqu'à la fin août.

La vie londonienne s'organise bien. Alors que j'ai perdu tout espoir et que les seules personnes que je souhaitais avoir se sont tout simplement évaporées dans le néant, voilà que hier avec Stephen, après avoir vu une pièce de théâtre de Sam Shepard, on rencontre Alan avec Leonardo au Q-Dos et qu'en plus ils se sont assis devant nous et on a parlé pendant au moins 45 minutes. Mais on n'a aucun moyen de rentrer en contact à nouveau. Sauf qu'ils seront au DTPM ce soir et que nous sommes invités. Stephen dit qu'il est prêt à m'y emmener. Alors, allons-y ! Mais ça reste à voir. Le bar le plus techno en ville, le plus drogué aussi. Mais c'est à titre sociologique que j'y vais, pour y étudier l'espèce humaine, en particulier Alan sur la drogue. Ça faisait drôle de les voir là à nouveau. Des gens avec qui j'ai travaillé au Box et avec qui j'ai eu bien du fun. Stephen les a tout de suite adorés, on comprend bien, ils ont expérimenté les mêmes choses : la drogue au Trade et au DTPM.

Mais le clou de la soirée, juste en face de Charing Cross station, qui on rencontre ? Michael ! Michael ! Michael ! Avec son éternel Nigel ! Heurk ! Un ours, un hippopotame, un porc, un monstre ! Poilu, gras, beaucoup plus épais que Michael ne me le laissait supposer. Un gros sourire mongolien, il s'est même mis à me draguer dans la face de Michael, pouvez-vous croire !

Je me souviens de ce que Leigh disait lorsque je me cherchais un emploi. Il m'a lancé en pleine face que lorsqu'un vieil ami te rappelait après deux ans d'absence, c'est qu'il devait vouloir quelque chose de toi, genre un emploi. C'est très bien messieurs de me faire remarquer que je profite de vous, moi au moins j'ai la décence de ne pas vous faire remarquer que vous êtes payés en retour par le sexe avec un beau jeune homme. Je vous épargne les détails dégueulasses que la prostitution implique. Et c'est triste, parce que j'ai ma fierté, et qu'aussitôt que les choses iront mieux dans ma vie, effectivement, il va me falloir me débarrasser de mes clients pourvoyeurs, plutôt que de simples amis comme j'avais la stupide tendance à vous considérer. Car des amis s'entraident de bon cœur, mais des sugar daddies, même s'ils sont jeunes, c'est insupportable.

J'ignore pourquoi Stephen m'a aussi lancé une telle chose, ça m'a coincé les tripes et ça m'a juste donné l'envie de courir, de le planter là et de lui dire qu'il valait mieux en rester là. Comme il aurait été fier après ça de m'avoir reproché de vivre aux dépens de lui. D'autant plus que moi sortir tous les soirs comme lui pour me saouler et fumer, ça n'a jamais vraiment été mon rythme de vie. Voyez, on a exagéré et maintenant je crache des caillots de sang. Ce n'est pas vrai, mais presque.

Duane m'a téléphoné aujourd'hui pour me dire qu'on ne pourrait se voir avant la semaine prochaine. Mais on voit qu'il est sincère, qu'il veut me voir, autrement il ne m'aurait même pas appelé. Alors, il y a peut-être de l'espoir de ce côté.

Rod m'a fait chier comme c'est pas possible voilà deux jours. Je me suis rendu à notre rendez-vous, il était complètement saoul. Il était là depuis trois heures de l'après-midi et il m'annonce que dans moins d'une heure il va rencontrer les gars avec qui ils déménagent dans un mois pour finaliser les détails de la location de leur maison. Alors, il m'a littéralement flushé pour aller boire encore et probablement prendre des drogues avec ses amis. En plus, il était incapable de me parler, trop saoul.

Plus tard je suis entré au Village Soho parce que je ne savais plus quoi faire et que je ne voulais pas retourner à l'hôtel. Ils étaient là à une table, mais heureusement, ils ne m'ont pas vu. Là j'ai rencontré le plus beau jeune homme jamais vu. Il vient de Manchester, 22 ans, avocat. Ça fait un peu lourd tout ça. Je l'ai sauvé d'un vieux laid qui lui parlait. On est sorti au Freedom puis au Box. Rien ne s'est finalement passé entre lui et moi car son copain de 20 ans l'attend patiemment à l'appartement à Manchester où il retourne d'ailleurs dans deux jours. Alors pourquoi sortir seul, imbécile !

Ainsi, je crois que le Rod je peux faire une croix dessus. Et parfois je me demande si ce n'est pas ce stupide Français, avec qui Rod travaille, qui ne lui a pas monté la tête contre moi pour ainsi pouvoir accéder à moi. Pauvre tarte, jamais je ne m'intéresserai à toi, plutôt mourir. Maintenant que j'y pense, je n'ai jamais couché avec un Français, oups, j'oublie que Sébastien est genre français d'origine. D'ailleurs, il me reveut au Canada celui-là, mais seulement quand un de ses amis, qui vient à Toronto pour travailler et se chercher un appartement, sera parti de chez lui. Ainsi, il me demande d'attendre encore un mois, peut-être. Ça semble le brûler pour vrai que je revienne à Toronto, il ne me semble pas très convaincant. Je suppose qu'il y a quelqu'un d'autre dans le décor. Et dans ce cas, son Toronto, il peut se le garder.

J'en ai un mauvais souvenir, où j'ai souffert l'enfer dans une relation morte en une température de congélateur. Mais je garde de bons souvenirs de Julian. Ce jeune blond aux yeux bleus à moitié Irlandais. Il me faudrait retourner au Canada pour lui, et non pas pour Sébastien. Mais que dis-je, je prendrai Sébastien comme mari et Julian comme amant. Car je ne crois plus que Sébastien puisse être fidèle. Pauvre Julian, il devra endurer toute la merde qui vient avec les tricheries de couples. Il aimait me sucer une heure durant, affirmant : « Je pourrais faire ça comme emploi à temps plein ». Mon Dieu, est-ce que ça fonctionnerait vraiment entre moi et Sébastien ? Pourquoi reviendrions-nous ensemble ?

Stephen est venu ce soir. Il m'a ramené un cadeau, un jeans noir que j’aimais porter lorsque j'habitais avec lui. Cette paire me va bien car elle est serrée et ça met en valeur mes longues jambes, autrement mieux que mes trois autres paires qui s'en vont chez le diable et qui sont bouffantes, faisant de moi un véritable bouffon. Il m'a ramené du Brie avec des biscuits, puis, après avoir payé pour mon lavage au laundrette du coin de la rue, il m'a invité à manger chez Mövenpick, ce restaurant suisse très bon à côté d'où je travaille entre Buckingham Palace Road et Victoria Road.

 

 

carole cadotte <138194788@archambault.ca>