38
Je sens qu’aujourd’hui sera une journée terrible avec Stephen. Je suis pratiquement enragé moi-même et lui ne sait plus contrôler ses humeurs. Lundi passé a été un désastre, il m’a fallu aller marcher dans le parc après lui avoir dit que je déménagerais bientôt hors de son appartement. Il me reproche tous ses problèmes d’argent, en premier lieu l’épicerie et donc le fait que l’on mange trop. Pendant que je croyais que l’histoire de trop manger ne tenait qu’à l’argent, je comprends maintenant que son problème est que je suis devenu un peu gros et qu’il n’a jamais eu un copain gros dans le passé. Il a toujours eu ces grands minces avec un beau petit nombril de bébé qui ressort comme une bille sur la bedaine au duvet blondinet. Tabarnaaaaaaaaaaaaack ! Moi bien sûr j’ai deux petites boules de quille de chaque côté, et bien que ce ne soit pas critique et que je ne paraisse pas si gros, il est vrai que sexuellement ça manque d’attirance. Surtout si on a été habitué à tous ces beaux minces veloutés drogués à pleine capacité, ce qui explique une certaine ligne du corps.
Bon Dieu, parfois je me demande si je ne suis pas avec Stephen justement parce que je croyais qu’un homme de 37 ans, avec une petite bedaine lui-même, ne pourrait refuser un jeune de 24 ans pétillant de santé. Or, il ne me montre pas la porte, mais il me fait fuir inconsciemment par tous les moyens. Il me met à la diète, mais lui continue à manger du chocolat et des popcorns dans ma face. Il m’interdit de cuisiner et me fait des crises, mais il ne se passe pas deux jours avant qu’il ne me demande de cuisiner quelque chose. Il voudrait aller au sauna tous les lundis alors que je travaille, mais je n’aime pas cette idée. Alors, il y va tout de même, mais ne me le dit plus. Comme il dit, il ne me ment pas, il fait juste ne pas divulguer volontairement les informations.
Il est toujours de mauvaise humeur et j’en suis au point où tout ce qu’il dit je dois dire, oui maître, et embarquer dans ses projets tout aussitôt. Sinon c’est la crise pour le reste de la journée. Il y a une centaine de films et une centaine de pièces de théâtre que l’on pourrait aller voir ce soir à Londres, eh bien celui-là choisirait Arnold Schwarzenegger et Marcel Marceau, le clown français qui mime des choses aussi stupides que quelqu’un qui chie sur des toilettes.
Mon Dieu, qu’est-ce que je vais faire de lui ? D’autant plus que c’est également clair que si je le laisse, c’est une crise existentielle que je lui donne. Il a mis deux ans à se remettre de la fin de sa relation avec Douglas, il a même fui jusqu’au Maroc pour oublier, là où il a rencontré Melissa et qu’ils ont commencé à vivre comme des défoncés. Or, il m’affirme que je suis son meilleur copain, qu’avec moi c’est le meilleur sexe qu’il n’a jamais eu et qu’il n’a jamais autant aimé quelqu’un comme il m’aime. Je pourrais rejeter tout ça en bloc, mais comment pourrait-il mentir sur ça et soudainement, sur tout autre sujet délicat, ne veut plus répondre plutôt que de mentir, cherche à changer le sujet ou à me faire comprendre qu’il vaut mieux ne pas en parler.
D’autant plus que je suis parti quelques mois en Belgique et Monsieur est devenu un véritable alcoolique, à la Vodka en plus. Et puis, il a peut-être eu des bedons en velours satiné, mais aujourd’hui il a tout de même 37 ans le cancrelat, il ne peut tout de même pas être si exigeant et en même temps se foutre de son image personnelle. J’ai bien l’impression que ça achève cette histoire. Je n’en peux plus de supporter sa mauvaise humeur, son indifférence (il me refuse maintenant l’affection que je demande en permanence), ses caprices d’homme qui était riche, célibataire qui a droit à tout et ses idées de ce qu’est d'avoir du bon temps.
Je suis debout à 5h30 ce matin parce qu’hier, après qu’il m’ait lancé tout ça en pleine face, et la diète forcée et tout, j’ai fumé deux paquets de cigarettes en entier. Alors ce matin je toussais comme un malade vers 5h et Stephen m’a forcé à quitter le lit. Lorsque je suis revenu chercher quelque chose de plus chaud à mettre sur mon dos, il avait un air un rien plus mielleux. J’aimerais bien que les gens, plutôt que de regretter et de vivre dans la culpabilité le reste de leurs jours, réfléchissent deux petites minutes avant d’agir.
carole cadotte <138194788@archambault.ca>