7
Bonjour ! Comment allez-vous ? Je vais manger avec Antonio ! Chez Heaven Burger à New York. Une nouvelle révolution, j'écris maintenant à l'ordinateur dans l'avion. Mon voyage à New York est presque terminé, dans une heure trente nous serons à Heathrow, Londres. La seule chose à laquelle je pense à cette heure, c'est James. Aussi triste cela est, puisqu'il n'est pas gai. Mais j'ai cru sentir que lui aussi, je lui manque, quand bien même il ne s'agirait que d'amitié. Mes pensées pour lui ont pris un méchant tournant, je me verrais très bien dans ses bras, je l'écraserais contre moi, je lui embrasserais le cou. Ainsi, je m'inquiète, car mes sentiments prennent des proportions exagérées. J'espère seulement qu'il sera heureux de me voir, car s'il se sent seul, au moins je pourrai être un ami.
Enfin le voyage à New York tire à sa fin et il était temps, car je n'en peux plus. Si j'en revois un seul de ceux-là avec qui je travaille dans le prochain 48 heures, je ferai un meurtre. Maintenant je sais très bien que tous savent que je suis gai, je l'ai moi-même crié partout. Mais cela m'a appris que tous le savaient déjà, qu'ils prétendaient ne pas savoir et que Charlene a effectivement alerté tout le monde dès le premier jour que j'ai commencé à travailler pour cette compagnie. Charlene travaillait avec moi chez le compétiteur. Je suppose qu'elle a également raconté la sorte de scandale dont je suis la source, une journée où j'étais saoul j'ai dragué un de nos collègues. Bien que je ne me souvienne plus qui, je savais qu'il était gai, mais qu'il n'était pas intéressé. Elle en a fait tout un plat le lendemain cette Charlene, elle en a parlé toute la journée, très fort, à tout le monde.
À New York, lorsque je suis arrivé dans ma chambre au quatrième étage du Fitzpatrick, sur Lexington Avenue au coin de la 57e rue, Ken était en bedaine. Ken s’occupe du marketing. En moins de cinq minutes je lui ai dit : merci de t'être sacrifié et de partager la chambre avec moi, personne d'autre ne le voulait. Je suis gai. La seule personne qui risquera de passer un commentaire c'est George l’homophobe, à part cela tout devrait être correct. Eh bien, en moins de dix secondes il avait remis sa chemise. Mais après cela, rien d'autre à rapporter à propos de mon colocataire de Wales, il est bien gentil avec ses cheveux blonds et ses yeux bleus.
Le premier soir nous nous sommes retrouvés dans le bar de l'hôtel et j'ai bien vu combien j'étais rejeté. Seul assis à une table avec deux autres rejetés qui travaillent dans un autre département, à l'Internet marketing. Mais j'étais bien content de ne pas être avec les autres. Cependant, ils sont venus nous chercher. Il n'y avait rien de végétarien et je me suis retrouvé à manger trois bâtonnets de mozzarella, rien de pire pour une diète. Nous avons parlé, j'ai beaucoup discuté avec la directrice du marketing, qui je crois m'aime bien, pourtant c'est elle qui est responsable de la crise avec James. Je dois dire également que j'ai menti. J'ai pris la défense de Sylvia la directrice lorsque je lui parlais de sa chicane avec James à Cannes, alors que mon cœur me disait de l’envoyer promener celle-là. Je n’avais pas le choix, trois mots à ce propos et elle était bouleversée, elle voulait remonter à sa chambre. J’ai raconté à James ensuite qu'elle ne l'avait pas attaqué ce soir-là, mais se sentait coupable, responsable et se justifiait. Ainsi, James a repris confiance, il a arrêté de croire qu'elle voulait qu'il quitte son emploi. Pour une fois j'ai bien manipulé tout le monde à l'avantage de tout le monde. Et j'ai eu la chance d'en reparler avec Sylvia, de cet incident. Indirectement, alors que je parlais de ma propre expérience chez les vendeurs de whisky, ce grand directeur que j'aurais apparemment insulté.
Enfin, après deux bières nous étions libres, alors j'ai téléphoné à Ed, ce fameux Ed que je n'avais plus revu depuis des années et qui était l’amour de ma vie. Cette histoire surréelle continuait. J'ai sauté dans un taxi et je me suis retrouvé à manger au restaurant La Forêt tout près de la 88e rue où Ed habitait à l'époque. À la table j'étais servi, Ed et son copain de grande classe, Christopher, et deux de ses amis qui ont une troupe de théâtre, rien que ça. J'ai fait mon spectacle, j'ai charmé tout le monde. Le lendemain Ed était bien impressionné de ma performance, car il s'agissait bien de cela, être capable de divertir au point où les autres le disent. Et Christopher m'aime bien, apparemment j'ai une très belle personnalité. C'est drôle que chaque fois que je rencontre du nouveau monde je fais une impression impressionnante et tous veulent me revoir. Mais au travail c'est le contraire. On me tolère plutôt, et parfois même on ne me tolère pas et on me le dit. J'étais bien heureux de les quitter ce soir-là, ces monstres du travail qui ne cherchent qu'à détruire ce qui reste d'humanité chez autrui.
Après les avoir regardés manger, moi, Ed et Christopher sommes retournés à leur nouvel appartement. C'était très beau à l'intérieur, malgré qu'ils disaient que c'était très sale. Christopher étant malade, et cela se voyait, il est allé se coucher et je me suis retrouvé avec Ed. Il m'a montré des photos et j'ai eu l'impression d'être un fantôme vivant hors du temps, qui chaque cinq ans avait la chance de revenir dans le monde des vivants pour regarder des photos et ainsi voir ce qu'il avait manqué pendant son absence. Ed m'a pris dans ses bras à plusieurs reprises, mon bedon ne semble point l'avoir affecté.
Il a vraiment autant été en amour avec moi que moi je l'ai été avec lui, et même je dirais que nous sommes encore en amour, et que cet amour ne vaut aucun autre que nous avons vécu ailleurs. Il était très près de moi, assis juste à côté, il me prenait dans ses bras, mais la fidélité était de mise. Je l'ai compris et d'ailleurs je ne voulais pas détruire son couple. Cela a duré un an et demi avec Christopher, et je ne voulais pas être un élément destructeur. Au contraire, l'amour est mieux sans sexe. Et j'ai vu combien j'aime Ed et que j'aimerais me retrouver dans ses bras. Le lendemain il m'a invité à aller à une soirée chez un ami qui habite la 21e rue dans le quartier Chelsea, le coin gai, et j'étais bien heureux de m'y rendre après ma journée complète avec le monde du travail.
carole cadotte <138194788@archambault.ca>