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Ah mon Dieu ! Les émotions ce matin ! Deux messages sur mon téléphone portable, le premier que j'ai eu bien du mal à déchiffrer semblait être une déclaration d'amour de la part de James. Il disait : « For posterity I am saying this: I am on Oxford Street, I just got my clothes nicked, I love you! » Je ne pouvais pas en croire mes oreilles ! Tout de suite j'ai écouté le deuxième message, s'il se démentait dans le second message, c'est que j'avais bien entendu. En effet, il racontait : « Forget everything I said in my last message, I do not mean it, see you at work. » Parfait, c'est exactement ce que j'attendais. J'étais aux anges, je ne me comprenais plus, j'ai passé près de lui envoyer un message qui disait : « I cannot believe it! », ou « What is all that bullocks? », ou « I love you too! ». Mais j'ai décidé d'attendre sa propre réaction ce matin, car je ne pouvais le croire. Ou cela demandait bien de la finesse, s'il avait besoin d'être si saoul pour l'avouer et que moins de 30 minutes après il avait déjà suffisamment dégrisé pour me dire que ce n'était pas vrai. Ma vie au complet en a été remise en question complètement. Pendant un instant je pensais que plus rien n'importait, car je l'aurais, lui, dans mes bras. Avec cette énergie sous le bras, j'étais prêt à confronter les affres de l'enfer, le travail et Stephen.

Soudainement le rêve s'est écrasé sur le sol, et toute mon énergie également. Pourtant, j'en ris, car c'est tellement ridicule. Son premier message, c'était : « I am on Oxford Street, for posterity I am saying this, I am necking with Vicky and I love her ! » Inutile de dire que je suis tombé de ma chaise, au lieu de m’avoir dit qu’il m’aimait, il me disait qu’il aimait Vicky. J’ai tout compris de travers, n’entendant que ce que je désirais entendre.

Mais tout de même, cet épisode m'a rendu heureux. La rage que j'ai éprouvée toute la semaine semble évanouie. Ainsi au travail je n'exploserai pas au premier signe, ils devront vraiment m'en faire subir avant que je n'explose et leur annonce ma démission. Je me suis réveillé ce matin avec le cœur gros, je regrettais amèrement ce gigantesque prêt de £ 7,500 qui deviendra £ 10,400 à repayer en 5 ans. Pourtant dès que j'étais davantage réveillé, j'étais convaincu que le temps était bien choisi. Cela aurait été mieux dans six mois, mais les six prochains mois semblent trop incertains.

Enfin, il me faudra bien me rendre à l'évidence, James est hétéro à mourir, il embrasse celle qu'il a déjà dit vouloir l’embrasser alors que nous étions à Cannes. Comble de malheur, la sotte, après qu'il lui ait dévoilé son amour, via un message qu'il laissait sur mon répondeur automatique virtuel, elle lui a annoncé qu'elle n'était pas intéressée en lui, mais bien plutôt au directeur général de la compagnie et qu'elle comptait bien l'avoir ! Je me demande pourquoi James n'a pas été anéanti par cette déclaration. Peut-être ne l'aime-t-il pas tant que ça.

Maintenant, pourquoi donc me téléphoner pour me laisser un tel message ? Par méchanceté ? Pour prouver qu'il était hétéro et pouvait se ramasser une fille ? Parce qu'il voulait indirectement lui communiquer qu'il l'aimait ? Dans ces conditions il aimera n’importe quelle fille prête à l’embrasser. Ou alors juste parce que cela lui tentait, sur un coup de tête ? J'ai l'impression que c'est peut-être pour toutes ces raisons. La méchanceté serait plutôt impossible. Mais disons plutôt un règlement de compte. Je crois qu'il n'a pas aimé cette compétition à Cannes où plusieurs filles s'intéressaient à moi, d'autres s'intéressaient à d'autres, mais finalement personne ne s'était intéressé à lui.

Hier c'était un cri triomphant : regarde, je l'ai embrassée, elle m'a sauté dessus, je l'ai sentie partout, c'est une pute. Et ce matin il ne regrette rien, il sourit, il dit qu'elle sera bien embarrassée de venir au troisième étage. Il pense même que cela ne fera pas le tour du département. Le pauvre. C'est la rumeur qui d'habitude est la plus populaire, deux employés surpris dans un coin noir à la soirée de la veille, à s'embrasser en public et à se manger, se frotter, s'avaler. Mais pour lui ça semble être une gloire, une victoire, pour résonner son message de la veille sur mon téléphone mobile qui disait en français : « ...sans profit ni victoire... », ce à quoi j'ai répondu : « ...sans motivation ni raison... ».

Je lui avais dit de sortir de là avant qu'une telle chose se produise, il a commis le pire des crimes. Aujourd'hui il aura baissé dans l'estime de tout le monde, il sera la risée de tout le département, et sera perçu comme un gros soûlon incapable de se contrôler pendant au moins la prochaine année. C'est con un jeune inexpérimenté. On leur dit, mais ils n'écoutent pas. Donner des conseils est tout à fait inutile sur cette planète, il faut toujours apprendre par soi-même. Et cela est une bonne chose. Alors, arrêtons tout simplement d'échauffer les oreilles d'autrui pour rien. Laissons-les s'écraser le nez, ils n'apprennent que de cette façon de toute manière.

Enfin, il a une arme terrible contre elle, cette rumeur de première classe qu'elle est intéressée au directeur général. Mais je crois que cela est calculé de sa part. Elle veut que tous le sachent, elle le veut son directeur. Ou alors c'est qu'elle souhaitait se débarrasser de James lorsqu'elle a vu que cela devenait sérieux, et qu'elle ne voulait pas coucher avec lui. Il m'a téléphoné alors qu'il était dans son bain ce matin, que cela devait être beau à voir, pourtant avec ce qu'il avait à me dire...

Mon Dieu, Embankment, je suis presque arrivé au travail... misère... vais-je survivre cette journée ? Mon Dieu, faites que oui ! (La survivre en gardant mon sourire toute la journée, disons...). Heureusement bientôt je serai à Prague.

 

 

carole cadotte <138194788@archambault.ca>