PROLOGUE


Mercredi 1er janvier 2014, fin de matinée. Une explosion retentit dans Suchdol, une banlieue huppée de Prague. Un homme d’une cinquantaine d’années, grièvement blessé au thorax et à la tête, est évacué vers l’hôpital de Prague-Stresovice où il est placé dans un coma artificiel. Il ne survivra pas à ses blessures. Sur les lieux de l’incident, la police met immédiatement en place un dipositif de sécurité avant l’arrivée de la presse : en effet, la victime n’est autre que Jamal al-Jamal, l’ambassadeur de l’Autorité palestinienne en République tchèque, en fonction depuis octobre 2013.

Rapidement, le chef de la police tchèque déclare aux médias : « Il n’existe aucun indice sur une éventuelle attaque terroriste. » L’accident tragique aurait été causé par le déclenchement du mécanisme de protection d’un vieux coffre-fort dans lequel le diplomate tentait de récupérer des documents. Selon lui, « rien ne porte à croire que le système explosif placé sur la porte du coffre-fort […] a été placé par une personne dans l’intention de nuire à autrui ». La thèse de l’attentat est donc écartée. C’est aussi la version des faits que donne le chef de la diplomatie de l’Autorité palestinienne, Riyad al-Malki, qui envoie à Prague une équipe spéciale pour coopérer avec les autorités tchèques.

Mais rapidement le doute s’installe. Il est clairement établi que le coffre-fort en question, récemment installé dans les locaux flambant neufs de la résidence de l’ambassadeur, était utilisé quotidiennement par le personnel diplomatique. Le porte-parole de l’ambassade confirme ensuite qu’il n’était pas équipé d’un système antivol intégré. La femme de l’ambassadeur, elle-même légèrement blessée par l’explosion, déclare à son tour que seul son mari a été atteint et qu’il n’y a pas de dégât dans la pièce. Par ailleurs, quelques jours plus tard, la police tchèque admet avoir trouvé dans la résidence du diplomate une grande quantité d’armes à feu non déclarée aux autorités.

Rappelons aussi que Jamal al-Jamal avait rejoint le Fatah de Yasser Arafat en 1975. Il avait occupé des postes dans les missions diplomatiques palestiniennes en Bulgarie et en Tchécoslovaquie, États qui, durant la Guerre froide, formaient, équipaient et finançaient – avec la bénédiction du KGB – les combattants palestiniens dans leurs actions armées contre Israël. Avant d’être nommé à Prague, al-Jamal était consul à Alexandrie depuis 2005. Pour toutes ces raisons, Rana, sa fille, ne croit pas à la thèse d’un accident. « Nous pensons que mon père a été tué et que sa mort a été arrangée et n’est pas accidentelle. »

Le diplomate palestinien a-t-il été tué par un hypothétique système de sécurité ? A-t-il manipulé maladroitement une bombe qui se trouvait dans son coffre-fort ? A-t-il été assassiné ? Et si oui par qui ? Le mystère reste entier. Mais plusieurs indices font penser à une opération habilement préparée : le diplomate n’avait que très récemment emmenagé dans sa nouvelle résidence ; la charge explosive semblait parfaitement proportionnée pour une élimination ciblée…

Toutefois, aucun élément ne permet de soupçonner que les services israéliens soient impliqués. Mais c’est paradoxalement ce qui rend possible leur intervention : le propre d’un assassinat clandestin est de passer aux yeux des enquêteurs pour un accident.

L’ombre du Mossad plane donc sur cet événement, peut-être à tort… peut-être pas. Il ne fait aucun doute qu’il pourrait parfaitement employer ce type de méthode, comme il l’a déjà fait à maintes reprises par le passé pour mettre hors d’état de nuire les ennemis d’Israël. Finalement, qu’ils soient responsables ou non de cette opération, les services israéliens sont victimes de leur réputation. On ne prête qu’aux riches…