22

 

Debout devant la grille du Jardin des Plantes, il mimait un swing sans club mais avec conviction. La Bentley était garée crânement sur un emplacement interdit.

– Votre patron vous a initié aux joies du golf ? Ou vous avez appris en lui portant ses clubs ?

Le géant se contenta de réajuster sa casquette. Ce type était peut-être vraiment muet dans le fond. Sacha traversa la rue, pénétra dans le hammam, récupéra une serviette-éponge et laissa ses vêtements au vestiaire.

Je ne mens jamais, commandant Duguin. Il trouva Richard Gratien où Antonia, toujours aussi serviable, dénudée ou habillée, au téléphone ou en Bentley, lui avait dit qu’il serait. Dans une alcôve parfumée à l’essence algérienne. En sa compagnie, un inconnu d’une vingtaine d’années qui ne portait comme lui qu’une serviette-éponge blanche. Le buste de l’avocat n’avait rien d’impressionnant, on ne pouvait pas en dire autant de son compagnon. Gratien gardait les mains closes sur son misbaha, le jeune type était sur la défensive. Corps et mental de gorille appointé.

Gratien sourit à Sacha. Le sourire de la vidéo. Les plus beaux salopards que j’ai connus avaient le même. L’homme meurtri revenait à la vie. Il fit signe à son garde du corps d’aller respirer un peu de vapeur ailleurs.

– La boxe thaï vous réussit, commandant.

Complète résurrection à signaler. Voix ferme et regard direct.

– Fabert vous tient au courant de tout. Sympathique de sa part.

– Le lieutenant-colonel Olivier Fabert n’est pas quelqu’un de sympathique. Vous avez pu vous en rendre compte.

Les doigts malaxaient les perles d’ambre. En apparence, le ton était dépourvu d’ironie.

– Vous vous servez de Fabert pour saborder mon enquête ?

– Je vous assure que non.

– Difficile à croire.

– Dans le temps, les manipulations ne me gênaient pas. Elles étaient le passage obligé. Aujourd’hui, c’est différent. Je suis devenu philosophe.

– Le bénéfice de l’âge ?

– Sans doute.

– Le sujet Toussaint Kidjo vous inspire des réflexions philosophiques ?

– Je ne suis pas sûr de saisir votre humour, Duguin. Mais dites toujours. Je vous accorde cinq minutes, ensuite j’ai un rendez-vous.

– Kidjo s’est intéressé de près à Vidal. Il a rencontré sa mère à Ménilmontant. L’a questionnée à votre sujet. Mais aussi à propos de Norbert Konata, le journaliste assassiné.

– Je sais qui était Konata. Pour mon métier, je lis la presse africaine. Nous nous sommes même rencontrés à plusieurs reprises lors de cocktails et autres mondanités. Un jeune homme intelligent. C’est terrible ce qui lui est arrivé. En France, nos journalistes ne mesurent pas leur chance.

– Konata, Kidjo et Bangolé ?

– Ce n’est pas un tiercé gagnant, Duguin. C’est certain.

– Honoré semble très doué avec un club de golf. De là à l’imaginer avec un marteau.

– Vous plaisantez ?

– Pas vraiment. Nous avons le témoignage d’un SDF. Bangolé a été amené sur le chantier par un homme et une femme. Et exécuté par les mêmes.

– Antonia et Honoré en couple infernal, c’est ça votre carte maîtresse ?

Sacha nota le soulagement sous l’air faussement amusé. L’avocat hocha la tête avec une mimique incrédule, et reposa son misbaha entre ses genoux.

– Et qu’est-ce que Bangolé aurait eu à m’apprendre d’intéressant ? reprit-il.

– C’est plutôt ce qu’il avait à apprendre d’intéressant aux autres à votre sujet. Le lieutenant Kidjo lui avait demandé ce qu’il savait de vous.

– Je n’ignorais pas qu’Aimé Bangolé était un indic. Et je vais même vous surprendre…

– Allez-y.

– J’avais chargé Antonia et Honoré de repérer sa planque. Il y a plusieurs années de cela. Il faut toujours savoir où se trouve l’information. Je savais qu’il avait trouvé refuge dans une communauté religieuse. Et avait changé de nom. Confronter ma femme au SDF, si ça vous chante. Pas de problème.

– Je n’ai pas attendu votre autorisation.

– Mars vous a dit que j’avais tenté de vous virer de l’enquête, n’est-ce pas ?

Sacha ne réagit pas.

– Vous me plaisez plus que le jour de notre rencontre, commandant Duguin. Vous êtes mécontent, c’est un excellent moteur. Ce qui me plaît surtout, c’est votre calme. J’ai rencontré quelques hommes comme vous, capables de domestiquer leur colère. Ils sont rares. Florian était de cette trempe.

– Pas vous, apparemment.

– Comment ça ?

– Nadine Vidal se souvient de votre conversation musclée.

– De quoi parlez-vous au juste ?

Gratien s’était penché vers lui. Sacha crut pendant deux secondes qu’il allait lui labourer le visage avec son lourd chapelet d’ambre. Il ne bougea pas d’un millimètre.

– Personne ne m’a jamais parlé sur ce ton. Vous êtes au courant ?

– Peu m’importe. Vous me demandez de quoi je vous parle. C’est tout simple ou très compliqué. Je vous parle de la vraie nature de Richard Gratien. Un sujet qui me donne du fil à retordre. En réalité, je vous sens déterminé à faire justice vous-même. Une grave erreur.

– Restons sur une bonne impression, commandant. Je viens d’admettre que je vous avais mal jugé. N’espérez pas d’autre compliment, j’en suis avare. À bientôt. Et continuez de me tenir au courant, je crois que c’est de cette façon que nous progresserons.

– Votre façade d’urbanité se craquelle, Gratien.

– Vos cinq minutes sont écoulées, cher ami. Ce fut un plaisir.

Gratien appela son garde du corps. Le jeune type arriva au pas de course avec un peignoir blanc dont il enveloppa son patron. Sacha les dévisagea un instant.

– Pourquoi avez-vous besoin de ce larbin ?

– Qu’est-ce qui vous tracasse encore, Duguin ?

– Vous voulez que je vire ce type, monsieur Gratien ? demanda le garde du corps.

– Ce type est un flic. Tout doux, David.

Le jeune David se mordait les lèvres, travaillé par une grosse envie de baston. Sacha l’ignora.

– Je pensais qu’Honoré était votre garde du corps.

– C’est gentil, cet intérêt pour ma vie domestique. Eh bien, si vous voulez tout savoir, Honoré a un problème avec la nudité !

– Il a quelque chose à cacher ? Un corps abîmé, peut-être torturé ?

– Maître Gratien, flic ou pas, je crois que vous devriez me laisser lui retravailler sa grande gueule.

– J’ai dit non, David, et j’ai horreur de me répéter, lâcha Gratien (puis se tournant vers Sacha) : c’est une journée faste, Duguin, car vous aurez droit à un nouveau compliment. Vous avez une autre qualité rare. La prescience. Si jamais on vous vire de la police, faites-moi signe, j’aurais une proposition à vous faire.

– Je suis trop bien pour vous, Gratien. Souvenez-vous : votre esthétique, ce sont les produits détériorés.

Le visage de Gratien certifiait qu’il avait touché un nerf sensible. Sacha décocha un sourire aux deux hommes silencieux, puis quitta le hammam et reprit sa voiture.

Il avait travaillé à l’instinct. Il était presque sûr d’avoir choisi la bonne méthode. Gratien lui avait dévoilé une partie de sa rage. Si jamais on vous vire de la police. La menace, voilée, ne l’inquiétait pas plus que cela. Gratien possédait les meilleurs contacts à l’Intérieur. Pour autant, si faire virer un flic de quartier était certainement dans ses cordes, s’attaquer à un commandant de la Crim’ soutenu par un divisionnaire au passé de diplomate était une autre affaire. Son portable sonna alors qu’il dépassait la place Maubert. Mars voulait qu’il le rejoigne chez Tante Marguerite, un restaurant à deux pas de l’Assemblée nationale, un des fiefs du gotha politique. Sacha prit la direction des quais de Seine.

Ambiance de lambris blonds, nappes immaculées, fausses têtes de cerfs empaillés, Mozart en sourdine, la cantine des politiciens et de leurs amis baignait dans une atmosphère feutrée. Sacha reconnut un député socialiste en compagnie d’un célèbre journaliste de télévision.

Mars lui fit signe. Il était attablé avec un homme à la calvitie naissante que Sacha apercevait de dos. S’approchant, il découvrit Olivier Fabert, lequel accusa le coup. Le lieutenant-colonel n’avait visiblement pas été prévenu de son arrivée.

– Je recommandais le célèbre « ragoût d’escargots Tante Marguerite » à notre ami, dit Mars en souriant. Ça te tente ?

— Pourquoi pas.

– Vous m’expliquez ? grogna Fabert entre ses dents.

– La recette du ragoût ? Je ne la connais pas. Et toi, Sacha ?

– Non plus.

– Mais j’ai idée de qui est Oregon, continua Mars à voix basse. La nostalgie, dans le fond, c’est un sale truc, Fabert. Vous avez été en poste aux États-Unis, ça vous a marqué. Mes amis de la préfecture de police ont eu un peu de mal à faire le rapprochement avec vous, mais ils y sont arrivés. De l’avantage de la concurrence entre les services. En tout cas, vos ennemis savent très bien comment vous vous appelez. En mission, vous choisissez des noms de code yankees. Dakota, Vermont, Idaho. Marrant pour un spécialiste de l’Afrique.

Fabert voulut se lever. Mars lui agrippa le poignet.

– Je peux ameuter cette charmante compagnie, dit-il avec un geste qui englobait la salle. Ou bien briefer le journaliste qui déjeune avec le député énervé. Toutes les techniques se valent. Pourquoi croyez-vous que j’aie évité de réserver un salon privé ?

– Je ne sais pas si c’est une bonne idée de jouer au con avec moi, Mars.

Le divisionnaire fit glisser une enveloppe vers l’homme de la DCRI, lui suggéra de s’intéresser à son contenu. Fabert découvrit une clé.

– La consigne de l’aéroport de Kinshasa.

– En quoi ça me concerne ?

– Konata y a planqué les documents qu’il n’avait pas pu vous transmettre. Par un concours de circonstances dont je vous passe les détails, c’est le lieutenant Kidjo qui a récupéré cette clé. Le message qui l’accompagnait suggérait de vous la faire passer. Mais Kidjo a préféré la garder pour lui. Alors, du coup, j’ai une question toute simple. Pourquoi ?

Fabert resta silencieux.

– J’ai mon idée sur la façon dont vous avez convaincu Konata de bosser pour vous. Le premier attentat était bidon.

– Quel attentat ?

– La candeur vous va aussi bien qu’un porte-jarretelles à un évêque. Konata avait été victime d’une première tentative d’assassinat dans son pays. C’est vous qui l’avez orchestrée, non ? D’après ce que je sais, c’est votre style. Après ça, vous avez promis votre protection à Konata. Peut-être un job dans un journal parisien. Je me trompe ?

– Quelqu’un peut appuyer ces conneries ?

– Bien sûr.

– Qui ?

– Vous vous imaginez que j’ai roulé ma bosse dans les ambassades sans glaner des relations ? Fabert, je crois que j’ai mis le doigt sur votre problème.

– Vous délirez sec.

– Vous êtes un mauvais. C’est tout simple. Résultat : Konata y a laissé sa peau. Et ce gâchis, c’était pour quoi ?

Bras croisés sur son blazer, Fabert tentait de maintenir une posture digne. Il n’y arrivait qu’à moitié. Cette fois, même si Sacha n’appréciait pas les curées, il n’éprouvait aucune compassion.

– Laissez-moi deviner. Pour les carnets de Gratien, c’est ça ? Les rétrocommissions que Candichard a touchées pour financer sa campagne sont notées dans ces précieux carnets. Tout le monde sait qu’il les a touchées, mais personne n’en a jamais eu la preuve formelle. Et puis, il n’y a pas que Candichard. Mais des personnalités de tous bords politiques. Paris bande pour ces carnets. En particulier le juge Sertys qui aimerait tant se payer l’ancien ministre avant de prendre sa retraite. Ces carnets, vous les vouliez. Évidemment. Alors vous avez trouvé une combine.

Le serveur apporta le vin et les amuse-gueules. Percevant la tension, il remplit prestement les verres et s’éclipsa. Mars prit le temps de goûter le bordeaux avant de reprendre.

– Gratien s’est toujours entiché d’un tas de gens. Norbert Konata était admis depuis peu dans son cercle à Kinshasa. Galvanisé par vos promesses, Konata accepte de voler les carnets, dans la villa de Gratien, un soir de réception. Malheureusement, ça tourne mal. Gratien lance une milice à ses trousses. Pourquoi se gêner ? Les assassinats de journalistes ne sont pas rares en Afrique. Qui pourrait accuser Gratien ? Ces salopards n’ont même pas besoin de l’abattre. Konata meurt dans un accident en tentant de leur échapper. Les carnets se retrouvent entre les mains d’un petit flic parisien d’origine africaine. Le meilleur ami de Konata. Pourquoi ? Sans doute parce que, pour des raisons de confidentialité, vous n’aviez pas donné votre vrai nom à Konata. Le journaliste pensait que l’ami policier saurait trouver Oregon.

– Il faudra que vous me présentiez votre ami diplomate, Mars. C’est un phénomène. Il connaît ma bio mieux que moi.

– Toussaint Kidjo est venu vous trouver ?

Fabert posa les mains à plat sur la table et se pencha vers Mars.

– Bien sûr. Et comme il a refusé de me donner les carnets, je l’ai torturé à mort. Balancez ça aux journalistes présents, allez-y. C’est tellement grotesque.

– Vous êtes un mauvais mais pas un cinglé, Fabert. Loin de moi l’idée de vous imaginer les mains dans le sang. Je pencherais plutôt pour les hommes de Gratien.

– Eh bien vous êtes dans la merde, Mars ! Car Gratien est intouchable.

Sacha constatait que Fabert reprenait du poil de la bête. Sachant enfin ce qu’on lui reprochait, il semblait soulagé.

– Je vous laisse, reprit-il en se levant. Vous avez du pain sur la planche. Comment deux pauvres flics muselés par leur hiérarchie vont-ils s’attaquer au grand Richard Gratien ? Suite au prochain épisode.

– Oui, c’est ça. Barrez-vous, Fabert. Nous n’avons plus besoin de vous.

– Vous aurez beau me convoquer une nouvelle fois, Mars, ce sera non. Dommage pour vous, j’aurais pu vous être utile. Vous êtes seul maintenant. Bon courage.

– Vous voulez avoir le dernier mot. Pathétique. Pourquoi imaginer que votre petit ego piétiné a besoin d’être sauvé ? Vous n’êtes qu’un paillasson.

Fabert verdit sur cette dernière claque balancée d’un ton neutre et quitta les lieux. Mars leva son verre.

– Il faut toujours trinquer quand un con quitte la scène. En plus, j’ai ce qu’il me fallait.

Sacha leva un sourcil interrogatif.

– Cet abruti m’a confirmé ce que je soupçonnais.

– Vous trouvez ?

– Sa gueule parlait pour lui. Il a bel et bien employé Konata pour piquer les carnets. Et s’est planté.

– Votre diplomate informateur n’existe pas ?

– Si. Mais il n’avait que des rumeurs à me donner. Maintenant, on sait à quoi s’en tenir.

– La clé, c’était du bidon ?

– C’est celle d’un vieux cadenas à vélo de ma femme.

– Gratien faisant assassiner Konata, ça vous convainc ?

– Sans problème. Mon ami diplomate était à la réception dans la villa des Gratien. Konata aussi. Et c’était le soir de sa mort.

– Vous le savez depuis longtemps ?

– Quelques jours. Mon ami est un vieux ruminant. Il mâchouille toujours ses infos avant de les lâcher.

– Admettons que Gratien ait fait tuer Konata. Sans l’accident, l’exécution aurait été militaire. Mais pour Kidjo, pourquoi le pneu enflammé ? Pas très discret en plein Paris.

– La méthode sentait le crime politique. Entre Africains. D’ailleurs ça a marché. À l’époque, personne ne savait que Kidjo avait eu les carnets de Gratien en main. Sans le vouloir, Fabert vient de me le confirmer. Il crève d’envie de les retrouver.

Mars le scrutait. Il esquissa un sourire et lui tapota le bras.

– Fabert possède une certaine logique, reprit-il. Il prétend que nous sommes seuls, il n’a pas tort. Et je sais ce que tu penses.

– Vraiment ?

– Tu vois ta carrière sur le gril. Mais, j’ai un point commun avec le juge Sertys. Il veut son dernier feu d’artifice. Moi aussi. Je compte me payer Gratien avant de tirer ma révérence. Si un fusible doit sauter, ce sera moi. Tu n’as rien à craindre.

– J’ai confiance en vous, patron. Sans ça, je ne me serais pas offert un bras de fer avec Gratien.

– Raconte.

À la fin de son récit, Mars invita une nouvelle fois Sacha à trinquer.

– Tu lui as fait un peu monter la température. Parfait.

– Tout ça ne nous dit pas qui a tué Vidal et Bangolé.

– Exact.

– Sans l’accident, Konata aurait été exécuté vite fait. Kidjo a été torturé avec méthode. Mais le meurtre de Vidal porte les stigmates de la passion. Celui de Bangolé aussi. Il a mis Kidjo sur la piste de Gratien, mais de là à le massacrer à coups de marteau…

– Nadine Vidal t’a appris que la nuit où son mari est mort, elle a reçu la visite de Gratien. Venu récupérer des contrats importants.

– Les carnets ? Je vois mal Vidal les gardant bêtement au coffre.

– Il possédait peut-être une copie sans que Gratien le sache.

– Gratien connaissait la combinaison du coffre.

– C’est ce que Nadine a prétendu. Gratien a pu la forcer à la lui donner.

– La dernière fois que je l’ai vue, elle n’était plus à une révélation près. Elle m’en aurait parlé. Il l’avait frappée, elle me l’a avoué. Et n’avait plus rien à cacher après ça.

– Admettons. Bon, encore un gros coup de collier et on y arrivera. Fabert va nous foutre la paix un moment. Il a bien compris que j’étais capable de déballer ses insuffisances à la presse. Mais le temps est compté. Carle, Ménard et toi, faites-moi éclater tout ça avant que les nettoyeurs ne fassent le ménage.

– On ne fait que ça, patron.

– Gratien a connu sa grande époque. Les temps changent. Tu as les épaules pour prendre ma place, un jour. Pas de fausse modestie avec moi, Sacha. Je t’ai choisi. Ne l’oublie pas.

– À propos de ça, je suppose que ce n’est pas le bon moment…

– Qu’est-ce qui te tracasse ?

– Dans le fond, je ne sais pas pourquoi vous m’avez choisi.

– Parce que tu es capable de poser des questions comme celle-là, pardi ! Et peut-être aussi parce que passé un certain âge, on n’a plus envie de s’enquiquiner avec des gens qui ne nous plaisent pas.

Un serveur déposa deux assiettes fumantes devant eux. Son collègue resta en plan avec celle de Fabert.

– Notre ami n’avait pas assez d’estomac, offrez cet émouvant ragoût d’escargots à une âme méritante, suggéra Mars.

Les deux serveurs levèrent leurs quatre sourcils dans un bel ensemble puis repartirent prestement en cuisine.