André Gide est né à Paris le 22 novembre 1869. Son père, Paul Gide (1832-1880), était professeur à la faculté de droit, et frère de l’économiste Charles Gide à qui l’on doit l’introduction en France de la loi de Gresham. Sa mère, née Juliette Rondeaux, appartenait à une famille de riches bourgeois d’affaires. Tous deux étaient de confession protestante. À Paris, la famille habite successivement rue de Médicis puis rue de Tournon, à proximité du jardin du Luxembourg. La jeunesse d’André Gide est marquée par l’austérité de sa mère, qui lui donna une éducation stricte et puritaine. En 1877, Gide entre pour la première fois à l’École alsacienne dans la classe de M. Vedel, nom repris dans Les Faux-Monnayeurs. Il en est renvoyé pendant trois mois pour « mauvaises habitudes », c’est-à-dire parce qu’il s’est adonné à la masturbation. Il est alors menacé de castration par un médecin et doit affronter la tristesse de ses parents. C’est à cette époque qu’il tombe malade. Il est sujet à de fréquentes crises nerveuses et de migraines qui l’éloignent d’une scolarité normale.
En 1882, il découvre la souffrance de sa jeune cousine Madeleine, qui vit avec le secret des relations adultères de sa mère. André Gide s’éprend d’elle et partage avec elle une période d’exaltation mystique entre 1885 et 1888. C’est aussi à cette époque qu’il découvre la littérature. La lecture du Journal d’Amiel en 1883 constitue un tournant décisif dans sa vocation littéraire. En 1887, il retourne à l’École alsacienne où il a comme camarade Pierre Louÿs, lui aussi promis à un brillant avenir littéraire. Après son baccalauréat, qu’il obtient à la session d’octobre 1889, il fréquente assidûment les milieux littéraires. Il rencontre Paul Valéry en 1890, Maurice Barrès et il est introduit en 1891 par Pierre Louÿs auprès du poète Stéphane Mallarmé, qui est alors le maître à penser de la génération symboliste. Cette même année 1891, André Gide publie son premier ouvrage, Les Cahiers d’André Walter, à la Librairie de l’Art indépendant fréquentée par tous les artistes symbolistes, après l’avoir retiré des mains de son premier éditeur, Perrin, dont il était mécontent.
1870 Début de la IIIe République.
1871 La Commune.
1876 Mallarmé, L’Après-midi d’un faune.
1886 Moréas, Manifeste de l’école symboliste.
1889 Le scandale de Panamá.
Exposition universelle de Paris ; la tour Eiffel.
1891 Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray.
La parution en 1892 du Voyage d’Urien est ignorée par les critiques. Mais en 1891 sa rencontre avec Oscar Wilde lui fait découvrir une autre voie. Gide se détache peu à peu de l’idéal ascétique d’André Walter. Lors d’un voyage avec Paul Laurens en Algérie, en Tunisie et en Italie en 1893-1894, Gide découvre l’homosexualité et est initié à l’amour physique par la jeune Mériem. Après avoir rédigé Paludes (1895), qui clôt de façon satirique sa période symboliste, il songe à ce qui deviendra Les Nourritures terrestres (1897), véritable plaidoyer en faveur de la vie. L’œuvre sera saluée par la critique et marquera profondément toute une génération de lecteurs. Le 31 mai 1895, Juliette Gide meurt. Cette disparition est à la fois une souffrance et une libération. Au mois de juin, il obtient enfin l’accord de Madeleine pour des fiançailles. Quelques mois plus tard, en octobre, Gide épouse Madeleine.
Le début du XXe siècle marque une certaine pause dans la création. Sept années séparent la publication de L’Immoraliste (1902) et de La Porte étroite (1909). Entre-temps, Gide peine à écrire quelques textes dont le retentissement est faible (Prétexte, 1903 ; Amyntas, 1906 ; Le Retour de l’enfant prodigue, 1907). C’est à cette époque qu’il se lie d’amitié avec Jacques Copeau et Jean Schlumberger. Avec eux, il crée une nouvelle revue littéraire, la N.R.F., dont l’influence va être décisive sur la littérature de cette période. Grâce au soutien du jeune Gaston Gallimard dès 1911, la Nouvelle Revue française fait ainsi découvrir les œuvres de Marcel Proust, d’Alain-Fournier, de Jean Giraudoux, de Paul Valéry, de Roger Martin du Gard et de bien d’autres auteurs promis à un grand avenir littéraire.
1894-1906 Affaire Dreyfus.
1896 Alfred Jarry, Ubu Roi.
1897 Maurice Barrès, Les Déracinés.
1899 Création de l’Action française.
1900 Freud, L’Interprétation des rêves.
1902 Mort de Zola.
1907 Picasso, Les Demoiselles d’Avignon.
1909 Monet, Les Nymphéas.
1912 Naufrage du Titanic.
Malgré le succès critique de La Porte étroite (1909), Gide n’est pas satisfait. Le demi-échec des Caves du Vatican (1914) accroît le sentiment qu’il n’est pas compris. Gide se sent de plus en plus isolé. L’élaboration de Corydon, un essai sur la pédérastie, lui vaut la désapprobation de ses proches, tandis que Paul Claudel refuse de traiter avec lui depuis la parution des Caves du Vatican, où il soupçonnait des « relents de pédérastie ». Évincé de la direction de la N.R.F. où il est remplacé par Jacques Rivière et Gaston Gallimard, Gide est désœuvré quand débute la Première Guerre mondiale. Pourtant, plusieurs rencontres vont être décisives. Celle, tout d’abord, de Roger Martin du Gard dès 1913, qui restera un ami fidèle jusqu’à son décès et participera activement à l’élaboration des Faux-Monnayeurs. Celle, ensuite, de Marc Allégret, dont Gide tombe amoureux et avec qui il part en voyage. Cette dernière rencontre marque la fin de sa relation avec Madeleine, qui, ayant découvert sa liaison, brûle ses lettres. C’est une libération et un nouveau tournant dans la carrière littéraire de Gide.
La séparation avec Madeleine lui permet de publier Corydon (1924) et de travailler plus sereinement à son autobiographie, un des chefs-d’œuvre du genre, Si le grain ne meurt (1926). L’influence de Gide au début des années 1920 est réelle, comme le prouve la force des attaques dont il est l’objet de la part de plusieurs écrivains et intellectuels de la droite catholique (Henri Béraud, Henri Massis). Pressenti pour entrer à l’Académie française en 1922, André Rouveyre le déclare « contemporain capital » en 1924. La parution des Faux-Monnayeurs en 1926 est l’emblème de ce renouveau. De l’aveu même de l’auteur, c’est le premier ouvrage écrit hors de l’influence de Madeleine. C’est aussi « son premier roman » et un roman d’un genre nouveau qui préfigure beaucoup des expérimentations futures du nouveau roman.
1913 Apollinaire, Alcools ; Alain-Fournier, Le Grand Meaulnes ; Proust, Du côté de chez Swann.
1914-1918 Première Guerre Mondiale.
1917 Manifeste Dada.
1922 Joyce, Ulysse.
Mort de Proust.
1924 Breton, Manifeste du surréalisme.
1925-1926 Abbé Brémond, La Poésie pure.
Après la publication des Faux-Monnayeurs, Gide quitte la France avec Marc Allégret et se rend au Congo puis au Tchad. De ces voyages, il ramène la matière de deux ouvrages qui sont des charges violentes contre les abus de la colonisation (Voyage au Congo, 1927 ; Retour du Tchad, 1928). Au début des années 1930, il s’intéresse à la question sociale et au communisme qui gagne alors l’Europe occidentale. En 1936, il se rend en URSS avec Pierre Herbart, Louis Guilloux, Eugène Dabit et Jacques Schiffrin. Mais, au lieu de découvrir une société nouvelle et plus égalitaire, il y découvre le totalitarisme. À son retour en France, il publie Retour de l’URSS (1936) puis Retouches à mon « Retour de l’URSS » (1937) qui scellent sa rupture avec le parti communiste français.
Après ses multiples déceptions, André Gide renonce à l’engagement. Pendant la Seconde Guerre mondiale, après avoir un temps hésité à l’égard du pétainisme, il rompt avec la nouvelle direction de la N.R.F. et s’exile à Tunis. Après la Libération, Gide n’écrit presque plus. Il accumule les distinctions : docteur honoris causa à Oxford et prix Nobel de littérature en 1947. Alors que Jean-Paul Sartre domine la scène littéraire, Gide s’occupe de la publication de son Journal, probablement son chef-d’œuvre, et de ses dernières œuvres. Il s’éteint le 19 février 1951 et est enterré auprès de Madeleine à Cuverville. Sa mort ne mit pas fin à l’influence et au caractère controversé de son œuvre, puisque, en 1952, le Vatican la mit à l’Index.
1929 Crise économique.
1932 Céline, Voyage au bout de la nuit.
1936 Front populaire
Guerre d’Espagne.
1940 Armistice. Régime de Vichy.
1942 Camus, L’Étranger.
1948 Sarraute, Portrait d’un inconnu.
1950 Ionesco, La Cantatrice chauve.
Bibliographie
Auguste ANGLÈS, André Gide et le premier groupe de la NRF (1908-1914), Paris, Gallimard, 1978-1986, 3 volumes.
Jean DELAY, La Jeunesse d’André Gide (1869-1895), Paris, Gallimard, 1956-1957, 2 volumes.
André GIDE, Journal 1889-1939, Paris, Gallimard, « Pléiade », 1948 ; Si le grain ne meurt (1926), Paris, Gallimard, Folio, 2002.
Pierre LEPAPE, André Gide. Le Messager, Paris, « Points Seuil », 2001.
Claude MARTIN, André Gide ou la vocation du bonheur, Paris, Fayard, 1995 ; Gide, Paris, Le Seuil, « Écrivains de toujours », 1963.
Site de l’association des Amis d’André Gide : www.gidiana.net