Présentation

Entre théâtre et formation

Ma double formation universitaire et théâtrale m’a préparée, à mon insu, à ce métier de comédienne-formatrice.

Les soucis méthodologiques qui animent le monde universitaire m’ont aidée à forger la pédagogue que je suis devenue. Les diverses aventures théâtrales auxquelles j’ai participé ont contribué à développer cet esprit ludique avec lequel je conçois et anime des actions de formation.

Je ne suis pas entrée dans la formation avec la même passion que celle que je nourrissais pour le théâtre. C’était en 1982. Je pensais alors ce rôle de formatrice limité à quelques années, le temps pour moi de revenir définitivement et uniquement au théâtre.

C’était imaginer sans l’autre, le « participant », lequel m’est apparu, dès les premières expériences, comme empli de richesses insoupçonnées. C’est là que j’ai commencé à proposer des stages d’expression orale, conçus d’abord intuitivement en puisant à ma propre formation théâtrale.

Petit à petit, j’y ai découvert une dimension sociale et cette pratique de comédienne-formatrice est devenue, au fil de mes expériences, enrichissante au point de nourrir, par un principe comparable à celui des vases communicants, ma pratique théâtrale.

Régulièrement je revenais au théâtre. Singulièrement, les propositions se faisaient plus fréquentes. Sans doute le fait de travailler sur la présentation, la représentation, l’écoute, la présence, me donnait-il des clés pour me situer d’une façon plus distanciée.

Si je suis revenue à une pratique plus régulière dans le monde du théâtre, je n’ai pourtant pas eu envie de quitter la formation. J’ai exploré d’autres champs d’application de la formation par le théâtre.

À qui est destiné ce livre

Objectifs de ce livre

Apprendre à improviser par le développement des aptitudes nécessaires pour répondre aux situations imprévues et par la proposition de cadres, comme autant d’auxiliaires mnémotechniques, pour organiser la pensée et libérer l’imagination.

À l’aide de réflexions théoriques et d’applications ludiques puisées dans la formation de l’acteur, cette méthode alimente une philosophie de l’action visant à faire de nous les acteurs de nos vies.

Méthodes et moyens

Je me livrerai, en utilisant des techniques issues du théâtre, à l’exploration de deux grands mouvements divisés en différentes compétences :

Chaque mouvement sera abordé en suivant trois axes :

Le théâtre comme cadre de référence

Ma double pratique pédagogique et théâtrale me fait éprouver de façon constante l’improvisation.

Le pédagogue n’enseigne efficacement que s’il gère sans cesse l’écart entre ce qu’il a « formaté », prévu sur son papier, l’espace écrit d’un programme conçu à l’avance, c’est-à-dire au passé, et ce qui n’est pas écrit parce qu’il se vit au présent : les besoins, le niveau des élèves aussi bien sur le contenu de ce qu’il doit dispenser que sur le rythme de ces apprentissages. Seul ce flottement, cette ouverture lui permettent de se mettre au diapason des apprenants.

Quant au théâtre, que je prendrai tout au long de cet ouvrage comme champ de référence, aussi bien dans le choix et le traitement des concepts que dans les jeux proposés, la part réservée à l’improvisation me paraît extrêmement intéressante parce qu’omniprésente. Elle est ici une fin en soi comme un moyen :

Tous les grands metteurs en scène qui ont compté insistaient sur l’importance de cet apprentissage. Je m’appuierai pour formaliser celui-ci sur ma formation initiale de comédienne qui fut plutôt hétéroclite : en effet, j’ai travaillé avec des personnalités aussi singulières que Blanche Salant ou John Strasberg – fils du fondateur de l’Actors Studio – qui s’appuient sur les apports de Constantin Stanislavski. Celui-ci prône la nécessité d’un travail régulier sur l’attention et la concentration, conditions de la maîtrise de l’acteur sur lui-même. Aptitudes qui favorisent la naissance de l’inspiration et le surgissement de l’état créateur1. Ce fut mon apprentissage de base.

Quelques années plus tard c’est avec Daniel Mesguich que j’ai saisi cette notion de distanciation, qui est pour lui nécessaire puisqu’elle fonde le jeu lui-même et par conséquent tout le théâtre.

Cette notion de jeu est essentielle dans l’improvisation, car elle se situe dans cet écart, dans cet espace vide entre l’incarnation (où l’être risquerait de se perdre par identification à la situation, au personnage…) et le recul, qui lui permet de prendre de la distance et donc de maîtriser la situation.

Des expériences d’improvisation menées en formation

J’ai eu le loisir de mener diverses actions de formation en entreprise à partir des techniques d’improvisation. Qu’il s’agisse de préparer des demandeurs d’emploi à l’entretien de recrutement dans un cadre comme celui de la CGIS2, ou de travailler l’esprit d’initiative et de leadership de responsables d’affaires en bâtiment comme chez Spie Batignolles, il s’agit toujours d’apprendre à conjuguer son projet dans l’aléatoire du présent, dans le but d’affronter les imprévus qui ne manquent pas de se produire dans tout processus de communication.

Ce type de module rejoint en formation celui qu’un ami comédien-formateur a développé avec l’APHP3 et qu’il a intitulé « Managers tous en scène ». Il construit ces stages à partir d’improvisations de saynètes menées de bout en bout par les participants, de l’écriture à la mise en scène jusqu’à la représentation d’un spectacle.

Avant d’entamer la partie vive de cet ouvrage, j’aimerais évoquer l’une des expériences que je mène depuis des années en direction de demandeurs d’emploi dans cette caisse de retraite privée (Klésia), dont une des missions est de soutenir les candidats dans leurs recherches. Des modules traditionnels (CV, lettres de motivation…) et d’autres plus novateurs sont dispensés.

J’y anime notamment un atelier hebdomadaire d’expression-communication où j’utilise largement des techniques issues du théâtre. Une des passerelles que j’emprunte pour relier ce module aux autres – centrés plus directement sur la recherche d’emploi –, est le parallèle entre l’entretien de recrutement et l’improvisation.

J’y énonce que le moment de l’entretien (et ceci est valable pour toutes sortes d’entretiens) est un moment d’improvisation. Or il est évident que celui-ci se prépare. Et plus les candidats vont préparer et se préparer par l’apprentissage de l’improvisation, plus ils déploieront leurs potentialités et plus ils accroîtront leurs chances d’obtenir un poste.

Dans cet ouvrage, je m’appuierai largement sur la pratique que je développe dans cet espace emploi.

 

1.Jean-François de Raymond, L’improvisation. Contribution à la philosophie de l’action, Vrin, 1980.

2.Espace emploi géré par une caisse de retraite, où sont proposés des modules, dont celui que j’anime : « Dynamisation par le théâtre ». La CGIS a aujourd’hui pris le nom de Klésia.

3.Jean-Luc Launay, à l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris.