Enseignement de la médecine
Au début de l’Empire Romain, toute personne qui s’exprimait en grec, et qui était un tant soit peu habile avait la possibilité de se déclarer médecin.
Progressivement il s’est établi un enseignement magistral privé autour des médecins réputés. L’organisation des études, leurs moyens et la durée de l’apprentissage ne faisaient pas l’objet d’un consensus : Galien soutenait qu’il fallait onze ans pour former un médecin tandis que Thessalos de Tralles prétendait que six mois suffisaient.
En 46 avant J.-C, César a établi le droit de Cité pour les médecins, donnant à cette occasion à l’exercice de la médecine une dignité nouvelle.
L’organisation des études médicales constituait alors une nécessité pour éviter l’installation de pseudo-médecins attirés par le gain facile.
Le médecin qui avait suivi son cycle d’études médicales était appelé medicus a republica.
Des écoles de médecine ont été fondées dans un certain nombre de cités de l’empire Romain : Athènes, Alexandrie, Marseille, Lyon, Saragosse.
La véritable organisation des études a débuté au début du IIIe siècle lorsque l’empereur Alexandre Severe (222-235) a accordé des locaux spéciaux pour l’enseignement de la médecine. Cet enseignement comportait une étude de l’anatomie animale, de la botanique médicale et des blessures.
Valentinien a établi un règlement extrêmement sévère dans les écoles de médecine. Les étudiants étaient surveillés et ceux qui faisaient preuve de laxisme à leurs leçons étaient frappés ou expulsés (publices verberibus affectus statimque navigio superpositus, abricietur urbe).
Julien a promulgué une loi imposant l’obligation d’être approuvé par un collège de médecins pour exercer la médecine. La patente de médecin n’était accordée qu’après l’approbation du meilleur des médecins.
Thérapeutiques disponibles
La prescription médicale faisait suite à un examen clinique rudimentaire avec une palpation du pouls et un mirage des urines.
La thériaque
La thériaque était une substance composée de plus de 60 substances.
La formule de la thériaque a été établie par Andromachus l’Ancien, médecin de Néron, et mise en vers élégiaques par Andromachus le Jeune. La thériaque était considérée comme l’antidote idéale à administrer en cas d’affection ou d’état morbide déterminé.
La thériaque est devenue bientôt une panacée conseillée avec succès dans les céphalées, les vertiges, les diminutions de l’acuité visuelle, les délires, les cauchemars, l’épilepsie, l’asthme, les hémoptysies, l’anorexie, les vers plats, les lombrics, les calculs, les ictères, les métrorragies, les fièvres, la mélancolie, la peste.
La thériaque était également conseillée à titre préventif : son usage quotidien rend l’organisme réfractaire à l’action de tous les poisons. Marc-Aurèle et Néron avaient l’habitude de prendre une petite dose par jour.
L’eau
Les Romains ont joué un rôle important dans le thermalisme. Les eaux étaient utilisées en boisson, en bain, en douche générale ou locale. Plus tard, on emploiera les boues végéto-minérales en application locale ou en bain.
À la lecture de Sénèque, Paul d’Egine, Galien attribuent des vertus aux différentes eaux :
■ les eaux alcalines pour ceux qui souffraient de l’estomac ;
■ les eaux sulfureuses indiquées dans les maladies de peau, les algies diverses et les rhumatismes ;
■ les eaux cuivreuses employées contre les affections des muqueuses et tout spécialement celles de la bouche et des yeux ;
■ les eaux salines recommandées en bain aux « lymphatiques » et aux femmes atteintes de dysménorrhée.
La saignée
La médication la plus employée de son temps était la saignée, cela en soulignait l’utilisation abusive : « tirer du sang par l’ouverture d’une veine n’est pas chose nouvelle ; mais ce qui est nouveau, c’est de recourir à la saignée dans presque toutes les maladies ».
Il était favorable à la saignée surtout en cas d’inflammation, de « fièvre aiguë », quelquefois en cas d’hémorragie (pour dériver le cours du sang).
Galien employait aussi la saignée : « Il saigne surtout au commencement de la maladie, et quand le pouls est vigoureux ; il tient compte de l’état des forces, ne saigne jamais avant quatorze ans. Il ouvre surtout les veines du bras, quelquefois la jugulaire et les saphènes, et même les artères. Son but est de diminuer la pléthore et de faire diversion ou révulsion du sang.
Médecins célèbres
Asclépiade de Bithynie (124-40 av. J.-C.)
Celui qui a été baptisé à son époque le prince des médecins avait pour souhait de rénover la médecine : « la médecine des Anciens n’est autre chose qu’une méditation ou une étude sur la mort ». Il concevait le corps humain comme un agrégat d’atomes en mouvement perpétuel. Il préconisait cinq moyens pour traiter ses patients qu’il nommait moyens généraux : la diète, l’abstinence, les frictions, les promenades à pied ou à cheval. Il interdisait l’usage des vomitifs, des purgatifs et de toute thérapeutique agressive. Sa devise était « cito, tute et jucunde » (rapide, sans danger et agréable). Il a réalisé des trachéotomies.
Thémison de Laodicée (123-43 av. J.-C.)
Ce disciple d’Asclépiade a différencié les maladies en deux groupes : celles qui résultaient d’un état de tension des pores (status strictus), et celles qui étaient la conséquence d’un état de relâchement (status laxus). Il estimait que s’il y avait rougeur, chaleur, congestion et une soif ardente, il y avait status strictus. Si le sujet était pâle et son pouls faible, il y avait status laxus.
L’objectif de sa thérapeutique consistait à relâcher ce qui était resserré, et inversement.
Les maladies aiguës résultaient d’un status strictus et relevaient d’un traitement antiphlogistique et répulsif.
Les maladies chroniques résultaient d’un
status laxus et bénéficiaient d’un traitement tonique à base de vin et d’eau froide.
Antonius Musa (Ier siècle av. J.-C.)
Cet ancien esclave disciple d’Asclépiade a accédé à la notoriété en guérissant l’empereur Auguste en 23 av. J.-C. qui souffrait d’une « violente hépatite » avec des bains froids et la prise d’eau glacée associés à une cure de légumes verts et de salades. Reconnaissant d’avoir pu être guéri, Auguste a couvert son médecin de gloire et de richesses.
On attribue aussi à Musa d’avoir introduit en médecine l’emploi de la chair de vipère, de la laitue et de la chicorée.
Soranus d’Éphèse (Ier siècle)
Ce disciple de l’école méthodiste a écrit une trentaine d’ouvrages médicaux.
Il a traité de l’âme, il a différencié les maladies aiguës et chroniques, puis il a étudié la théorie des pores, la fièvre, les remèdes et les cures, les pansements, l’hygiène et la diététique, la préparation des médicaments, les fractures et les luxations.
Soranus faisait preuve d’un grand sens clinique en employant notamment la palpation et la percussion qui seront abandonnées par la suite.
Son œuvre la plus remarquable était le traité Des Maladies des femmes.
Soranus est considéré comme le véritable fondateur de l’obstétrique : il conseillait l’usage du toucher vaginal pour s’assurer de la présentation de l’enfant.
Soranus émettait des idées d’éthique et déclarait préférer la vie de la femme à l’enfant. Après délivrance, il conseillait une double ligature du cordon « par lequel s’opérait la nutrition de l’enfant ». Il demandait de ne pas omettre de nettoyer la bouche et les yeux du nouveau-né.
Rufus d’Éphèse (Ier-IIe siècles)
Rufus d’Éphèse est l’auteur Des maladies de la vessie et des reins, Du nom qu’ont reçu les diverses parties du corps, De la goutte. Il a été le premier à décrire le chiasma des nerfs optiques. Il a différencié les nerfs moteurs des nerfs « chargés de sensation ». Il a disséqué surtout des singes et a toujours regretté de ne pas pouvoir disséquer des cadavres.
Son ouvrage De l’interrogatoire constitue un véritable traité de sémiologie. Il a montré la façon de procéder à l’examen des malades pour arriver à un diagnostic précis : « il faut poser des questions aux malades, car, grâce à des questions, on connaîtra plus exactement quelques-unes des choses qui concernent la maladie, et on la traitera mieux. Je veux d’abord qu’on commence par interroger le malade lui-même : on saura jusqu’à quel point son esprit est sain ou troublé, et quel est le degré de force ou de faiblesse du patient ».
Pour lui, il était important de « s’informer de l’époque où a commencé la maladie, car cela importe pour le traitement et la connaissance des jours critiques ; si le mal qu’on a sous les yeux s’est déjà manifesté ou si c’en est la première atteinte ».
Rufus faisait preuve d’un esprit préventif : « si l’on arrive en pays étranger, on demandera ce que sont les eaux, si elles ont des vertus particulières qui relâchent le ventre, ou poussent les urines, ou si elles sont mauvaises pour la digestion, ou pour le foie et la rate ».
Il a émis le concept que la fièvre constituait un excellent moyen de défense naturelle de l’organisme.
Arétée de Cappadoce (vers 50 ap. J.-C.)
Cet adepte de la doctrine électrique pensait que l’état de santé était le résultat d’un équilibre équitable de solides, de lies et d’esprits. Il a décrit magistralement et a isolé la « phtisie » et son hémoptysie, le tétanos avec ses contractures (opisthotonos), l’épilepsie et son aura, l’inctus apoplectique « cause de la paralysie du côté opposé à la lésion cérébrale par suite de l’entrecroisement des faisceaux nerveux ».
Sur le plan thérapeutique, Arétée de Cappadoce préconisait l’usage de moyens doux tels que des cures de lait prolongées, des fruits cuits, du vin pur, des purges.
S’il conseillait l’opium, il préférait les clystères, les laxatifs, les vomitifs, les sangsues, les saignées, les ventouses, les douches, les pommades, les cautères et les frictions.
Claude Galien (129-200 ap. J.-C.)
Ce fils d’un architecte très cultivé et très intéressé par la logique, les mathématiques et l’astronomie a veillé personnellement sur l’éducation de son fils. À la suite d’un songe, Galien aurait décidé de faire des études de médecine. Au cours de ses voyages, il a bénéficié de l’enseignement des savants les plus connus de l’Antiquité.
À Smyrne, il a étudié l’anatomie des muscles avec Pelpos, puis il a gagné ensuite Corinthe.
À Alexandrie, ville alors célèbre pour sa bibliothèque, il a participé sous la direction d’Hérophile à des dissections humaines qui lui ont permis de renforcer ses connaissances anatomiques et physiologiques.
De retour à Pergame en 158, il a pris un poste de médecin des gladiateurs, ce qui lui a permis d’affiner son habilité de chirurgien. Il a appris par exemple à humecter les blessures de vin rouge pour empêcher l’inflammation, reproduisant ainsi le plus ancien des pansements alcoolisés.
Il s’est installé par la suite à Rome où dogmatistes, empiristes et méthodistes s’affrontaient.
La célébrité de Galien et sa forte personnalité lui ont valu un succès quasi-immédiat et de nombreux ennemis parmi ses confrères.
En 166, au cours d’une épidémie qui a décimé Rome, Galien a quitté la ville, ce qui lui a valu une accusation de lâcheté. Il a été rappelé par Marc-Aurèle, à Rome. En 192, au cours d’un incendie, un grand nombre des manuscrits de Galien ont disparu. Un an plus tard, il est retourné finir ses jours en Grèce.
Les œuvres de Galien ont été nombreuses, toutefois seule la moitié environ nous est parvenue. Parmi les plus importantes, on peut citer : Du meilleur médecin et philosophe, Des éléments selon Hippocrate, Les os, De la dissection des muscles, Des dogmes d’Hippocrate et de Platon, Des lieux malades, Du pouls pour les élèves, Du pronostic par le pouls, L’art médical.
Ses études anatomiques et ses expériences physiologiques lui ont valu d’être considéré comme fondateur de la physiologie expérimentale.
Il a contribué à améliorer les connaissances anatomiques en particulier du système nerveux.
Galien, en opposition avec Platon, Aristote et les Stoïciens, a émis le concept selon lequel le cœur n’était pas l’organe d’où partaient les nerfs mais plutôt le centre des artères tandis que le foie était celui des veines.
Le trouble ou l’arrêt d’une fonction étaient la conséquence selon lui, d’une lésion de l’organe qui en était le siège ou qui lui fournissait la matière.
Il a souligné la nécessité pour le chirurgien de bien connaître l’anatomie afin d’opérer sans blesser les nerfs et les vaisseaux.
Il a fait un certain nombre d’essais. Il a contribué à la formation du sang au foie, il pensait qu’il existait des communications intraventriculaires nécessaires à ses théories de la circulation. Il a soutenu l’idée selon laquelle l’utérus était bilobé, la corne gauche étant destinée à recevoir le fœtus femelle, la droite le fœtus mâle.
Selon Galien, le corps humain était composé de quatre éléments primitifs (l’eau, l’air, la terre et le feu) et de quatre éléments liés (le sang, la pituite, la bile et l’atrabile).
La physiologie humaine était sous l’influence de trois esprits :
■ l’esprit vital qui siégeait dans le cœur ;
■ l’esprit animal qui dépendait du cerveau ;
■ l’esprit naturel qui dépendait des organes du ventre.
La santé était maintenue par le bon équilibre dans le fonctionnement des organes. En cas de rupture de cet équilibre, il survenait une maladie. Les facteurs déclenchants pouvaient être le froid, la chaleur, les traumatismes, la pléthore, la putridité des humeurs ou la cacochymie.
La pléthore était la conséquence d’une élimination incomplète des impuretés de l’organisme avec resserrement des méats. Elle était combattue par la saignée.
La cacochymie provenait d’un mauvais état, de la putridité des humeurs. Elle était traitée par les purgatifs.