Pensée médicale
Le coran
Le Coran comprend un certain nombre de préceptes d’hygiène alimentaire et corporelle extrêmement novateurs.
Le raisonnement médical
Alors que l’Occident chrétien était plongé dans l’obscurantisme, la civilisation arabo-islamique a occupé entre le VIIIe et le XIIIe siècles une position prépondérante dans le domaine des sciences et de la médecine. La pensée arabo-islamique a été le trait d’union à la fois intellectuel et philosophique entre le monde gréco-romain et la Renaissance. Dans le domaine médical, les invasions barbares qui se sont succédé en Occident, les épidémies, l’anti-hellénisme de l’Église, ont contribué à la disparition de nombreux documents médicaux grecs et latins. Les Arabes, à la différence des Occidentaux ont réussi à préserver les connaissances acquises par les Mésopotamiens, les Égyptiens, les Grecs puis les Romains.
Les médecins arabes ont compris l’importance que pouvait avoir cet héritage fondamental qu’ils avaient glané au cours de leurs conquêtes du Proche-Orient et du Moyen-Orient, auquel se sont ajoutées d’autres traditions principalement hindoues.
Avec intelligence, les médecins arabes ont fait brillamment prospérer le patrimoine médical dont ils avaient hérité grâce à leur immense savoir théorique allié à une observation rigoureuse et moderne des maladies. Ils ont développé un raisonnement médical à un niveau qui était incroyablement plus élevé que celui qui existait dans l’Occident chrétien.
L’apport de la médecine judéo-arabe
Le rôle des juifs qui vivaient dans le monde arabe a été décisif car il a permis à la fois la conservation et la transmission des acquis de la médecine. Les traducteurs juifs ont joué un rôle charnière entre la science médicale arabe et latine. Ils ont participé à la traduction en arabe des acquis des cultures grecques et romaines. Plus tard, lors du déclin de la civilisation arabe, ils ont assuré la traduction en grec de l’œuvre compilée ou améliorée de la médecine arabe. Mais, surtout à partir de l’Espagne, siège d’un important contact entre les cultures musulmanes et chrétiennes, les médecins juifs ont transmis en Occident la science et la médecine arabes.
Innovations médicales
On note des innovations dans plusieurs domaines.
Maladies infectieuses
Rhazès (850-925) a réalisé des études intéressantes sur les maladies éruptives et a fait une description remarquable et précise de la variole et de la rougeole.
Les médecins arabes ont participé au perfectionnement de la variolisation, transmise de la Chine ancienne.
Les Arabes avaient une bonne connaissance de la parasitologie et avaient identifié le sarcopte, parasite de la gale.
Hygiène
De grands médecins arabes ont élaboré des principes fondamentaux corporels, généraux et élémentaires d’hygiène déjà établis par le prophète Mahomet. L’hygiène corporelle était particulièrement développée dans le monde arabe en comparaison de ce qui se passait en Occident à la même époque. Bagdad dont la population atteignait 3 millions d’habitants possédait près de 60 000 hammams ou bains publics. L’hygiène alimentaire avait également une place importante. Rhazès recommandait de jeter la première eau de cuisson des haricots secs afin d’éviter la formation de gaz.
Chirurgie
Les Arabes pratiquaient les gestes de petite chirurgie. Ils réalisaient les incisions d’abcès, la cautérisation des plaies et des bubons. Ils pratiquaient l’anesthésie au moyen d’éponges imbibées d’anesthésiques. Ils n’ont pas fait de progrès importants dans le domaine de la chirurgie plus lourde. L’ouvrage de chirurgie d’Abulcasis Al Tarsif a eu un retentissement important en Occident.
Ophtalmologie
L’ophtalmologie constituait un domaine important de la médecine arabe, probablement en raison de la prévalence importante des affections oculaires qui sévissaient alors.
Les médecins ou chercheurs arabes avaient atteint un degré très élevé dans la connaissance de l’anatomie de l’œil, de ses maladies et de leurs traitements. Hunayn Ibn Ishaq est l’auteur du plus ancien traité d’ophtalmologie arabe Anatomie de l’œil, ses maladies et leurs traitements, qui fut plagié en grande partie par Constantin l’Africain.
Ihn Al-Haytan de Basrah (965-1038) établit les bases de l’optique physiologique dans son étude sur la vue (traité d’optique El Hazen) et son traité sur la réfraction. De ses travaux résultera la découverte des verres correcteurs. Pour lui les objets ne sont perçus par l’œil que dans la mesure où ils émettent eux-mêmes des rayons qui se réfléchissent sur le cristallin. Il corrige la théorie grecque de l’émission des rayons visuels.
Ali Ibn Isa ou Jésus Haly (médecin de Bagdad aux X
e et XI
e siècles), dans son
Mémorandum pour les oculistes, livre une description très précise de l’anatomie de l’œil et développe sous forme d’inventaire les différentes maladies de l’œil.
Au XIIe siècle, Effarequy, dans son traité d’ophtalmologie le Merched, en plus des différentes figures de nombreux instruments, rapporte pas moins de onze variantes à l’opération de la cataracte. Al Mawsili, en 1256, invente l’aiguille creuse et pratique le premier la succion de la cataracte.
Physiologie
Ibn A Nafis (1210-1288) a donné une description précise de la petite circulation pulmonaire : « Quand le sang a été raffiné dans cette cavité (ventricule droit du cœur) il est indispensable qu’il passe dans la cavité gauche où naissent les esprits vitaux. Il n’existe cependant aucun passage entre ces deux cavités car la substance du cœur y est solide et il n’y existe ni un passage visible comme l’ont pensé certains auteurs, ni un passage invisible qui permettrait le transit de ce sang comme l’a cru Galien. Au contraire, les pores du cœur y sont fermés et sa substance y est épaisse. Le sang, après avoir été raffiné, doit donc nécessairement passer dans la veine artérieuse (notre artère pulmonaire) jusqu’au poumon, pour se répandre dans sa substance et se mélanger avec l’air afin que sa partie la plus fine soit purifiée et passe dans l’artère veineuse (nos veines pulmonaires) pour arriver ensuite dans la cavité gauche du cœur, après s’être mélangé avec l’air pour devenir apte à engendrer l’esprit vital. Le reliquat moins raffiné de ce sang est employé à l’alimentation du poumon. C’est pourquoi il existe entre ces deux vaisseaux (les artères et les veines pulmonaires) des passages perceptibles. »
Ce concept n’a eu à l’époque aucun écho en Occident. Il a fallu attendre la publication par William Harvey en 1638 de son ouvrage sur la circulation sanguine Exercitation anatomica du motu cordis et sanguinis in animalibus pour que les théories d’Ibn An Nafis soient enfin reconnues.
Obstétrique
Les sages-femmes s’occupaient de cette spécialité. Toutefois Averroès s’est intéressé à ce domaine. Il a été un des premiers à rapporter que la femme pouvait devenir enceinte sans avoir eu de sensation de plaisir, comme c’est le cas au cours d’un viol. Il était en opposition avec tous ceux qui pensaient que la sécrétion féminine de la jouissance contribuait à la formation du fœtus.
Enseignement de la médecine
Le Calife Al Muktadir a imposé en 932 l’obligation de posséder un diplôme pour pouvoir exercer la médecine. La pratique de la médecine était interdite à ceux qui n’avaient pas été examinés par son médecin personnel, Sinan Ben Thabet. Cette autorisation d’exercer était subordonnée à la remise d’un certificat d’aptitude nommé Idajza. Les études médicales étaient désormais surveillées, de même que les médecins ainsi formés. Cette décision d’officialiser la validité d’un diplôme avait été prise à la suite d’une erreur thérapeutique ayant entraîné la mort d’un patient.
La médecine a été alors enseignée dans le cadre de la fréquentation d’une école hospitalière ou en suivant la pratique médicale d’un maître. Aux IX
e et X
e siècles dans les hôpitaux de Bagdad, il était délivré un enseignement au lit
des malades. Chaque malade faisait d’abord l’objet d’un examen par l’étudiant le plus jeune qui le présentait à un plus ancien, en particulier lorsque le cas dépassait sa compétence. Les malades qui présentaient les pathologies les plus compliquées étaient examinés devant tous par le maître.
En général, l’élève suivait l’enseignement d’un seul maître et d’un seul ouvrage. L’enseignement comportait en dehors de la médecine l’étude de la philosophie, des sciences naturelles et physiques. La chimie et la pharmacologie étaient l’objet d’une étude attentive. Il était habituel que les fils suivent le chemin professionnel de leur père. Cela explique en grande partie les raisons de la constitution de grandes dynasties médicales : les Bakhtichou, les Ibn Zohr…
L’exercice de la chirurgie était généralement considéré comme indigne du médecin et était réalisé par un personnel subalterne. Les prescriptions religieuses interdisaient les dissections anatomiques.
Des inspecteurs ou Muhtassib ont été nommés pour contrôler et surveiller aussi bien les médecins que les pharmaciens, les barbiers, les droguistes et les ventouseurs.
Thérapeutiques disponibles
Les Arabes qui maîtrisaient la chimie ont développé les techniques telles que la distillation, la sublimation, la filtration, la dissolution et la calcination. Ils ont permis un développement fulgurant de la pharmacie galénique et chimique et l’essor d’une nouvelle profession, la pharmacie.
Jusqu’au XIe siècle, il n’y avait pas de distinction entre les sciences médicales et pharmacologiques. Les médecins examinaient les malades et prescrivaient les médicaments. Les premières acquisitions pharmacologiques des Arabes étaient celles qui leur avaient été transmises par les écrits grecs. Par la suite, ils ont importé des drogues nouvelles de l’Inde et de la Chine. Les Arabes ont appliqué à la thérapeutique médicale des remèdes issus du monde végétal et de la chimie. Ils ont créé les premières pharmacies avec leurs grands vases de faïence célique sur les rayons.
La pharmacologie arabe a introduit dans l’arsenal thérapeutique un certain nombre de médicaments comme l’ambre, le musc, la manne.
Les Arabes ont inventé l’eau forte, l’huile de vitriol, le sublimé corrosif et le nitrate d’argent. La grande innovation des Arabes est l’utilisation de l’alambic dans la préparation des médicaments, ce qui leur a permis la préparation d’alcool, des alcoolats, des essences et des eaux aromatiques.
Hôpitaux
Les Arabes ont établi un système hospitalier à la fois performant et original. Ils étaient en avance sur les Occidentaux. Dès le VIII
e siècle, un calife Omeyyade fondait une maison des malades. Par la suite, les Arabes ont perfectionné et multiplié les établissements charitables destinés à délivrer les soins. Ils ont créé des hôpitaux sur le modèle de ceux qui avaient été fondés par les Chrétiens de Constantinople au IV
e siècle. Entre le IX
e et le XIII
e siècles, on a assisté à la construction de grands hôpitaux comme ceux de Damas, de Bagdad et surtout
ceux du Caire qui constituaient des modèles d’originalité. Haroun Al Rachid a construit le plus grand hôpital du monde islamique au début du IX
e siècle à Bagdad : « Al Adud ».
L’hôpital du Caire, le grand hôpital El Mansouri ou Bimarestan El Manour, fondé par Ahmed Ibn Touloun en 873, agrandi et rénové au XIIIe siècle (1283) par Qualaoun, constituait également une référence. En 850, il existait trente-quatre hôpitaux dans l’empire islamique. L’originalité de ces établissements hospitaliers résidait dans le fait qu’il y avait des services spécialisés avec à leur tête un chef de service. Il y avait des services pour les patients contagieux, pour ceux atteints de maladies oculaires, pour les femmes et même pour les convalescents. Les lépreux étaient isolés et soignés dans des lieux spécialisés. Des centres pour aliénés existaient dans lesquels la danse, la musique et le théâtre faisaient partie de la thérapie. Le confort et surtout l’hygiène des malades étaient pris en compte. Il y avait des fontaines pour rafraîchir l’air des salles et des lits munis de draps. Des donations importantes permettaient d’assurer aux malades un entretien confortable. Les médicaments étaient gratuits pour les plus démunis. À l’hôpital étaient annexés un orphelinat et une bibliothèque, tous ces édifices étaient centrés sur la mosquée. L’édification de ces établissements hospitaliers a permis aux médecins arabes d’acquérir des connaissances plus empiriques.
Médecins célèbres
Yuhanna Ibn masawayh ou Jean de Mesue ou Mésué l’ancien (776-855)
Né vers 776 à Bagdad d’un père chrétien nestorien de Goundi Shapour, Mésué l’ancien était à la fois un excellent clinicien et un remarquable thérapeute. Il est l’auteur d’un brillant livre de pharmacopée intitulé De Re Media qui lui valut d’être surnommé « l’évangéliste des pharmaciens ».
Il a laissé une œuvre importante qui regroupe non seulement des écrits personnels où Yuhanna Ibn Masawayh traite de sujets aussi variés que l’anatomie (à partir de dissection des singes), la gynécologie ou l’ophtalmologie, mais aussi des aphorismes.
Les aphorismes de Yuhanna Ibn Masawayh, au nombre de 131, ont connu un grand succès, à tel point qu’entre le X
e et le XVI
e siècles, ils étaient enseignés dans toute l’Europe occidentale. Dans ses aphorismes, Yuhanna Ibn Masawayh exprime d’une façon courte et facile à retenir des principes généraux qui permettent d’aider le praticien dans son exercice quotidien. En voici des exemples : « N° 1: la vérité en médecine est une fin qui ne peut être atteinte, et le traitement par ce que prescrivent les livres, sans qu’un médecin habile n’émette son avis, est dangereux. N° 3 : faire fréquemment la lecture des livres des médecins et considérer leurs secrets est utile, car tout médecin possède une tendance de grande importance. N° 96 : il ne faut pas avoir confiance dans le jeune homme qui excelle dans son soin pour la médecine, jusqu’à ce qu’il ait atteint la maturité et qu’il ait été éprouvé. N° 42 : il importe au médecin qu’il n’omette pas d’interroger le malade sur toute chose, intérieure et extérieure, d’où a pu naître sa maladie puis, qu’il juge laquelle est la plus forte. »
Rhazès ou Abou Bakr Mohammed ou Ibn Zahariya Ar Razi (850-925)
Né à Ray vers 850 dans le Khorassan en Perse, Rhazès a été considéré comme le plus grand, le plus fécond et le plus original de tous les médecins arabes. Il n’a commencé à présenter un intérêt pour la médecine qu’à l’âge adulte. Il a acquis son renom à l’hôpital de Ray, puis il a été nommé médecin chef à Bagdad par le calife Al Mansour à l’âge de 30 ans. Selon la tradition, « Rhasès consulté par Al Mansour pour la fondation de l’hôpital de Bagdad, fit suspendre des pièces de viande dans différents quartiers de la ville et choisit l’emplacement où la décomposition se manifesta le plus tardivement (où il y avait le moins de mouches) ».
Rhazès est l’auteur de deux grandes œuvres majeures : le Continent ou Kittab Al Hami, son œuvre maîtresse, et le Liber Al Mansouri ou Kittab Al Mansouri. Le Continent contenant la somme de toutes les connaissances médicales au Xe siècle constitue la première encyclopédie de pratique et de thérapeutique médicale. Le Roi de Naples Charles d’Anjou a exigé la réalisation en 1279 d’une traduction latine de cet ouvrage qui comporte 24 livres par un érudit juif nommé Farraguth.
Le Liber Al Mansouri ou Kittab Al Mansouri est composé de 10 traités de médecine consacrés à l’anatomie, à la chirurgie et à la thérapeutique. Il comporte d’excellents conseils dans le choix d’un bon praticien : « Informez-vous avec soin des antécédents de l’homme à qui vous avez dessein de confier ce que vous avez de plus cher au monde, c’est-à-dire votre santé, votre vie, la santé et la vie de votre femme, de vos enfants. Si cet homme dissipe son temps dans les distractions frivoles, dans des parties de plaisir ; s’il cultive avec trop de curiosité des arts étrangers à sa profession, comme la musique, la poésie, à plus forte raison, s’il est adonné au vin, à la débauche, gardez-vous de commettre en de telles mains un dépôt si précieux. Celui-là seul mérite votre confiance, qui s’étant appliqué de bonne heure à l’étude de la médecine, a fréquenté d’habiles maîtres et vu beaucoup de malades, qui joint à la lecture assidue des bons auteurs, ses observations personnelles, car il est impossible de tout voir, de tout expérimenter par soi-même et le savoir, l’expérience d’un seul individu, comparé au savoir, à l’expérience de tous les hommes et de tous les siècles, ressemble à un mince filet d’eau placé à côté d’un grand fleuve ».
À côté de ces œuvres fondamentales, Rhazès a écrit Le Livre de la Pestilence qui regroupe les premières grandes observations cliniques concernant les maladies éruptives et traite du diagnostic différentiel de ce groupe d’affections.
Avicenne ou Abu Ali Al Hussein Ibn Abdallah Ibn Sina (surnommé le « Prince des Médecins ») (environ 980-1037)
Né à Afshana près de Boukkara aux environs de 980, Avicenne maîtrisait à 10 ans l’étude du Coran. À 16 ans, il a commencé l’étude de la médecine. Doté précocement d’une réputation médicale solide, il a été appelé pour soigner Ibn Mansour (prince Samanide qui régnait sur le Kharassan et la Transoxiane). Pour le remercier de ses soins, ce dernier autorisa Avicenne à enrichir ses connaissances en allant consulter les livres de sa bibliothèque personnelle. Après la destruction
par les flammes de cette bibliothèque quelques temps plus tard, Avicenne a été accusé par ses ennemis de cet acte sous prétexte qu’il souhaitait conserver sa science. Avicenne a mené une vie particulièrement agitée, allant de protecteur en protecteur. Il a même été jeté en prison plusieurs fois à la suite de complots de palais. Il est mort en 1037 à Hamadan.
L’ouvrage majeur d’Avicenne s’appelle en arabe le Quanun fit’tibb, c’est-à-dire « les lois de l’art de guérir », titre que les traducteurs occidentaux ont transcrit en grec ou latin Le Canon de la Médecine. Ce livre constitue une encyclopédie de toutes les symptomatologies notifiées pour les maladies qui atteignent les organes anatomiquement classés de la tête aux pieds selon un ordre traditionnel et logique.
Le Canon se divise en cinq livres ou Founoun.
■ Le livre I traite de généralités sur la médecine avec trois parties concernant respectivement l’anatomie, la physiologie, l’hygiène et la prophylaxie.
■ Le livre II est un ouvrage de pharmacologie qui livre une description des effets de près de 800 médicaments.
■ Le livre III est un traité des maladies des membres. Pour chaque maladie, Avicenne étudie l’anatomie, la physiologie, la clinique et le pronostic.
■ Le livre IV traite des maladies « non spéciales aux membres » avec les fièvres, les maladies éruptives, la petite chirurgie et la traumatologie.
■ Le livre V est un ouvrage de pharmacologie constitué de remèdes composés avec l’emploi de l’alcool et du sucre. Il comporte les indications, les proportions et les dosages.
Avicenne a donné une description particulièrement novatrice de l’apoplexie cérébrale, du diabète, des variétés de méningite. Il a livré sa propre définition du cancer : « le cancer est une tumeur qui augmente de volume. Elle est destructrice et étend des racines qui s’insinuent parmi les tissus avoisinants ». Avicenne a donné les indications pour différencier la pleurésie, de la médiastinite et de l’abcès sous-phrénique.
En physiologie digestive, il expliquait que « la digestion commence à la bouche grâce à la salive et va se continuer jusqu’à l’estomac grâce à la chaleur innée. Elle se continue dans l’estomac particulièrement chaud grâce aux organes qui l’entourent : foie, rate, épiploon. Dans ce premier stade on obtient un chyle lie. Le chyle passe de l’estomac dans l’intestin et sa destinée va être celle du sang circulant, car il est pris dans la racine des vaisseaux mésentériques allongés le long des tractus intestinaux, puis passe dans la veine porte et de là dans le foie. Il circule dans les divisions qui sont de plus en plus fines et qui contribuent à l’ultime source de la veine cave, émergeant de la convexité du foie ».
Les conceptions thérapeutiques d’Avicenne sont particulièrement originales. Il propose de traiter les crises de goutte en utilisant des préparations à base de semence de colchique. Il conseille le séjour à la montagne des patients souffrant de tuberculose pulmonaire.
Arib Ibn Said Al Katib (surnommé Al Kurtubi) (918-980)
Né en 918 en Espagne, Arib Ibn Said Al Katib est considéré comme l’un des fondateurs de l’obstérique. Il est l’auteur d’un ouvrage intitulé Génération du fœtus et traitement des femmes enceintes et des nouveau-nés dans lequel il traite dans leur ensemble de la procréation humaine, de l’obstétrique et de la pédiatrie. Al Katib aborde le problème de « l’exercice de la virilité » avec des recettes aphrodisiaques mais émet aussi les règles à suivre au cours de l’accouchement, et les précautions à prendre pour la section du cordon ombilical. Il traite également de la puberté des garçons et des filles.
Abulcasis ou Abdoul Qasim Khalaf Ibn Abbas ou Al Zahrawi (950-1013)
Né vers 950 dans une petite ville du nom de Zahira, un peu à l’Ouest de Cordoue, Aboulcassis est l’auteur d’une œuvre majeure intitulée le
Kittab Al Tasrif. Dans cette encyclopédie de 30 volumes, il traite tous les domaines de la médecine y compris de la pharmacopée et des différents régimes diététiques à prescrire aux malades. La partie chirurgicale qui constitue environ 1/5
e de l’œuvre a eu des conséquences importantes sur la chirurgie occidentale de l’époque. En effet Aboulcassis a cherché à redonner des lettres de noblesse à la chirurgie qui était alors l’apanage des charlatans et des incultes. C’était un esprit novateur et original qui avait des idées lumineuses dans le domaine de la chirurgie. Il propose l’utilisation d’un emplâtre composé de farine et d’albumine d’œuf pour la contention des fractures, de boyaux de chat pour les sutures chirurgicales. Aboulcassis a donné des conseils pour permettre l’extraction des flèches : « si la flèche est enfouie quelque part dans le corps et n’apparaît pas, cherchez-là avec une sonde. Si vous la sentez, tirez-là avec n’importe quel instrument
convenable. Mais si vous ne la sentez pas à cause de l’étroitesse de la plaie ou de la profondeur de la flèche, et s’il n’y a pas d’os, de nerf ou de vaisseau sanguin dans le voisinage, alors incisez autour pour que la plaie soit assez large et vous permette de la saisir et de l’extraire ».
Il donne des conseils judicieux pour réduire les luxations de l’humérus : « sachez qu’il y a trois façons pour l’humérus de se déboîter ; l’une est une luxation vers le bas dans l’aisselle, l’autre vers le sein, il peut aussi se luxer vers le haut, ce qui est rare. Une luxation en bas dans l’aisselle peut être diagnostiquée en comparant l’humérus solide et le luxé, et vous trouverez une différence évidente entre les deux. Vous trouverez un creux à la place de la tête de l’humérus, et dans l’aisselle, la tête de l’humérus peut être palpée comme un œuf. Pour la réduire, sa main doit être soulevée en l’air par un aide, puis vous mettez vos deux pouces en dessous dans l’aisselle et vous soulevez puissamment l’articulation vers sa place, pendant que l’aide lève et étire la main en l’air, puis il la ramène en bas, la luxation reviendra aussitôt ».
L’œuvre chirurgicale d’Aboulcassis, traduite en latin par Gérard de Crémone, a eu une influence majeure sur deux chirurgiens qui ont inspiré à leur tour la chirurgie de la Renaissance : Guy de Chauliac au XIIIe siècle en Languedoc et Fabrice d’Acquapendente au XVIe siècle en Italie.
Avenzoar ou Abu Merwan Abd Al Malik Ibn Zohr (1101-1162)
Né à Séville vers 1101 d’une famille de médecins fortunés, Avenzoar était considéré à la fois comme un grand clinicien et un excellent thérapeute doté d’un bon sens critique. Selon Avenzoar, l’expérience pratique l’emporte sur les idées de Galien : « l’expérience est le véritable guide et la meilleure base de la pratique médicale » ; « l’art de guérir ne s’acquiert pas par les discussions logiques et des subtilités sophistiquées mais bien par une pratique constante … ».
Son livre principal intitulé Le Taysir comporte quelques observations intéressantes sur :
■ les médiastinites suppurées ;
■ les paralysies du pharynx ;
■ les épanchements péricardiques ;
■ le coma, les convulsions, l’épilepsie, l’apoplexie, la migraine, le tremblement et l’hémiplégie.
Il a l’idée de proposer l’alimentation artificielle par sonde œsophagienne.
Averroes ou Abou El Walid Mohamed Ibn Ruchd (1126-1198)
Né en 1126 dans le Califat de Cordoue, Averroes a été l’élève d’Avenzoar et le maître de Maimonide. En dehors de la médecine, il s’intéressait au droit, à la physique, à l’astronomie, aux mathématiques, à la théologie et à la philosophie. Ses contemporains l’emprisonnèrent et brûlèrent ses livres en raison de ses discussions « hérétiques » sur Platon et Aristote.
Il est l’auteur d’un ouvrage intitulé Le Colliget qui comprend des points intéressants sur, par exemple, le rôle de la rétine dans la vision ou des notions d’épidémiologie. Averroès a été considéré comme le « commentateur » d’Aristote.
Ishaq Ibn Sulayman Al-Israeli (Isaac le Juif) (IX-Xe siècles)
Ce médecin juif a vécu à Bagdad, en Égypte et à Kairouan en Tunisie. Il a réalisé deux ouvrages célèbres Des urines et De l’éthique médicale qui seront traduits par Constantin l’Africain et qui seront enseignés jusqu’au XVIe siècle.
Maimonide ou Moshé Ben Maimonide en hébreu. Abou Omrane Moussa Ben Meimoune El Kortobi surnommé « l’Aigle de la synagogue » (1135-1204)
Né dans le quartier juif de Cordoue en 1135, Maimonide a été à la fois médecin, philosophe, théologien et chef spirituel du judaïsme. Il a été initié par son père à la Thora, aux mathématiques, à l’astronomie et à la médecine. À la suite de persécutions anti-juives, il a été contraint à partir en exil de 1148 à 1165 avec sa famille d’abord en Espagne méridionale, puis à Fès au Maroc, en Palestine et au Caire.
Il a exercé la médecine à la Cour du dernier calife Fatimide d’Égypte « El Adid ». À la mort de ce dernier en 1171, il est entré au service de Saladin, puis de son fils aîné l’émir El Afdal. Après la destitution de ce dernier, il a été l’objet d’une disgrâce.
Maimonide s’est intéressé presque exclusivement à la médecine interne. Ses écrits principaux sont constitués par :
■ Mokhtassarat ou extraits des œuvres de Galien ;
■ Les commentaires ou aphorismes d’Hippocrate ;
■ Les aphorismes de Moïse. Un de ses ouvrages les plus importants est un recueil extrait des œuvres de Galien et d’autres écrivains de l’antiquité grecque, avec une analyse critique de Maimonide ;
■ Sur le régime de la santé dédié au fils aîné de Saladin, El Afdal, atteint d’une mélancolie. Dans ce livre, Maimonide analyse les troubles psychiques émotionnels et affectifs et évalue les effets de la colère, de la tristesse et de la joie sur la santé.