Contexte historique
Le monde occidental plongé pendant près d’un millénaire dans le Moyen Âge s’est transformé considérablement à partir de la fin du XVI
e siècle au cours d’une période que Giorgio Vasari, artiste florentin, a baptisé « Una Rinascita » (la Renaissance). Un courant de pensée qui préconisait un contact direct avec le patrimoine culturel des civilisations grecques et romaines antiques s’est développé. Le concept fondamental de l’humanisme de la Renaissance reposait sur la
redécouverte du passé qui devait permettre le renouveau des sciences. Au cours de cette période, les textes anciens ont été redécouverts, tandis que les traductions ont été débarrassées des interprétations douteuses qui s’étaient accumulées au cours des siècles.
Mais surtout la Renaissance a été marquée par deux grands événements fondamentaux : l’invention de l’imprimerie en 1455 et la découverte du Nouveau Monde en 1492. En effet, la découverte par Gutenberg des caractères mobiles métalliques a permis de donner au livre et par la même occasion au savoir un caractère universel. L’imprimerie a permis la diffusion des idées des humanistes en leur permettant une propagation des textes anciens redécouverts. Les conquêtes de territoires nouveaux que les pays européens se sont partagés a entraîné un essor commercial et économique.
Pensée médicale
Le rôle de l’imprimerie dans la diffusion des idées médicales
Au cours de la Renaissance, la médecine a subi l’influence du courant humaniste novateur qui a régné dans la plus grande partie de l’Europe et plus particulièrement en Italie du Nord. Les médecins humanistes remettaient en question les grands concepts tout en conservant du respect pour les Anciens, dont les textes antiques étaient considérés comme intouchables. La rénovation du latin et la redécouverte du grec ont favorisé ce courant de pensée. Grâce au développement de l’imprimerie, il y a eu une diffusion du savoir médical jusqu’alors réservé aux ecclésiastiques ou aux bibliothèques universitaires qui conservaient jalousement leurs écrits. En 1457, le premier livre médical, un calendrier des purgations, a été imprimé à Mayence. À partir de la fin du XVe siècle, la plupart des traités médicaux ont fait l’objet d’une impression.
La découverte de l’imprimerie a permis l’évolution des connaissances en anatomie, et par voie de conséquence le développement de la chirurgie. L’autorisation de réaliser des dissections selon un rythme établi d’une ou deux chaque année dans chaque faculté, avec surtout le développement toléré par les autorités des dissections clandestines, officieuses, ont abouti à l’œuvre gigantesque de Vésale et de Paré.
L’« esprit renaissant »
En revanche, l’apport du mouvement humaniste dans les autres disciplines médicales a été plus limité en raison d’une acceptation naïve, sans critiques et presque mystique de l’œuvre des auteurs anciens. Hippocrate et Galien sont restés à la base de l’enseignement, de la réflexion et de la pratique médicale. Mais surtout les médecins humanistes qui étaient des « hommes de la Renaissance » avaient une soif d’accumuler le plus de connaissances possibles sur le maximum de sujets, ce qui ne leur permettait pas d’approfondir leurs acquis.
Ce n’est qu’à la fin du XVI
e siècle que des médecins ont commencé à poser des questions sur la validité des bases de connaissance, entraînant ainsi des
critiques contre les concepts antiques et ouvrant la voie au XVII
e siècle avec l’essor de la physiologie. Le terme de physiologie a été d’ailleurs cité pour la première fois par le médecin français Jean Fernel (1497-1558) dans la préface de son livre
De naturali parte medicinae libri septem (1542), puis repris dans son traité
Universa medicina (1554).
Avec la découverte du Nouveau Monde, un « esprit renaissant » qui assimilait l’exploration du monde et celui du corps s’est développé. Il y a eu une collaboration étroite entre les anatomistes italiens du XVIe siècle et les plus grands artistes peintres de la Renaissance permettant la réalisation de traités d’anatomie considérés comme de véritables œuvres d’art.
Au cours de cette période, la perception du corps a changé : le corps n’était plus réduit à une enveloppe de l’âme selon les principes de l’Église.
Exercice de la chirurgie
Les chirurgiens gagnaient mal leur vie et leur métier manuel était dénigré par les médecins qui s’estimaient plus cultivés parce qu’ils parlaient le latin. Le fossé entre les chirurgiens et les médecins a augmenté au cours de la Renaissance.
Cependant, les chirurgiens et les médecins étaient peu nombreux, et les soins aux blessés et aux malades étaient souvent dispensés par les religieuses et les moines qui distribuaient des remèdes à leurs fidèles, les rebouteux, les rhabilleurs, et les matrones qui exerçaient dans les villages. Les charlatans continuaient à exercer dans des stands de foire ou sur les tréteaux de marchés, en ameutant les clients à grands cris et en vendant des remèdes.
Innovations médicales
La redécouverte du corps humain
La principale avancée du XVIe siècle a été la redécouverte du corps humain avec l’étude approfondie de l’anatomie. Depuis l’Antiquité, la dissection des cadavres était interdite, mais l’esprit de la Renaissance a bravé cette interdiction. La première dissection publique a été autorisée à Paris vers 1478, et l’« amphithéâtre anatomique » de la faculté de médecine de Padoue fondée en 1228 est inauguré en 1490. Les dissections ont commencé à être autorisées dans certaines conditions. Le nombre annuel de dissections autorisées était limité. Trois personnes y participaient : un enseignant, un démonstrateur et un préparateur. Elles avaient lieu au début en plein air puis, progressivement elles ont été effectuées dans des amphithéâtres d’anatomie aménagés avec une table centrale et des gradins. Les dissections se déroulaient le plus souvent sur plusieurs jours et leur déroulement avait le même cérémonial, avec d’abord l’étude de l’abdomen, puis du thorax, du crâne, et enfin des membres.
Les artistes et l’anatomie
Les anatomistes ont vite compris l’intérêt qu’il y avait à diffuser leurs travaux par l’intermédiaire de livres d’anatomie illustrés élaborés dans les imprimeries. Jacopo Berengario da Carpi (v.1470-1530) a écrit le premier ouvrage d’anatomie. Très rapidement les anatomistes italiens du XVIe siècle ont collaboré avec les plus grands artistes peintres de la Renaissance afin de réaliser des traités d’anatomie. La structure du corps humain a suscité le plus vif intérêt chez Albrecht Dürer, Léonard de Vinci, Raphaël et Michel-Ange.
Léonard de Vinci est considéré comme l’un des anatomistes les plus réputés de la Renaissance en raison de la qualité de ses travaux d’anatomie descriptive,
topographique, fonctionnelle et comparée réalisés à partir de méthodes originales de dissection qui lui ont permis l’étude du mouvement des muscles, de la configuration mécanique du cœur, du rôle des poumons, de la structure et du fonctionnement de l’œil.
Les anatomistes Jacques Dubois (plus connu sous le nom de Sylvius, 1478-1555) ou Charles Estienne (1504-1564) ont reproché aux artistes de privilégier la perspective et la recherche de l’esthétique aux dépens de la rigueur scientifique.
Les écoles d’anatomie
Les écoles d’anatomie se sont affrontées au cours de la Renaissance dans leur recherche effrénée de la découverte du corps humain :
■ en Italie, l’école d’anatomie était prestigieuse avec :
• Gabriel Fallope (1523-1562) qui a décrit la corde du tympan, l’intestin grêle, les nerfs de l’œil et les vaisseaux cérébraux,
• Girolamo Fabrici di Acquapendente (1533-1619) qui a réalisé des travaux sur la reproduction humaine, la structure des valvules veineuses et la locomotion,
• le Flamand Andreas Vésale (1514-1564) qui était professeur à Padoue. Considéré comme le plus célèbre des anatomistes de la Renaissance, il a élaboré une nomenclature des os, des muscles et des vaisseaux dans son célèbre ouvrage intitulé De humani corporis fabrica libri septem, paru à Bâle en 1543. Ses écrits sont les récits des observations qu’il avait réalisées au cours de ses dissections. Il a corrigé les erreurs des travaux de Galien et a souligné l’erreur qui consistait à extrapoler les anatomies animale et humaine,
• Bartolomeo Eustachio (v.1510-1574), qui a donné son nom à la trompe de l’oreille et qui a étudié les reins, la circulation lymphatique, les dents et les surrénales,
• Leonardo Botallo (1530-1571) qui a donné son nom au Canal de Botal qui fait communiquer, chez le fœtus, l’aorte et l’artère pulmonaire qui s’oblitère à la naissance. Il a également donné son nom au Trou de Botal qui est la communication entre l’oreillette droite et l’oreillette gauche qui s’obstrue à la naissance,
• mais aussi Realdo Colombo (1516-1559), Cesare Aranzio (1530-1589), Constanzo Varolio (1543-1575), Adriaan Von den Spiegel (1578-1625), Johannes Bauhin (1541-1613), Giulio Casseri (1552-1616) ou Giovanni Ingrassia (v.1510-1571) ;
■ en Espagne, Michel Servet (1511-1553) a réalisé la description de la petite circulation. En revanche, le mot « circulation » n’a été introduit dans le langage médical qu’en 1569 par Andrea Cesalpino (1519-1603) pour signifier que le sang ne stagnait pas dans les veines.
L’essor de la chirurgie
Au cours de la Renaissance, la chirurgie a bénéficié des progrès de l’anatomie. Les innovations chirurgicales ont bouleversé la profession de chirurgien jusqu’alors exercée par les barbiers. Quelques barbiers avaient réussi à acquérir le titre de chirurgien, créé par un édit royal en 1311, mais ils continuaient à être raillés par les médecins. En Europe, il y a eu un bouleversement dans la prise en charge des affections chirurgicales grâce aux travaux d’un certain nombre de praticiens :
■ en France, Ambroise Paré (1509-1590), ancien barbier, devenu le chirurgien de quatre rois de France, préconisait l’abandon de la cautérisation des plaies au fer rouge et proposait la ligature artérielle pour stopper les hémorragies. Il s’est opposé à Giovanni da Vigo (1460-1525) qui soutenait que les blessures par les armes à feu étaient empoisonnées et qu’il fallait les traiter par application d’huile bouillante. Pierre Franco (1506-v.1579) a amélioré les techniques de cure de hernie, d’extraction des calculs de la vessie et d’abaissement de la cataracte ;
■ en Allemagne, Fabrice de Hilden (1560-1634) bouleversait la technique des amputations et le traitement des brûlures ;
■ en Italie, Guido Guidi (1509-1569) et Gaspare Tagliacozzi (1545-1599) pour la chirurgie du nez ;
■ en Suisse, Félix Würtz (1518-1574) et Conrad Gessner (1516-1565) ;
■ en Angleterre, William Clowes (1544-1604) et Peter Lowe (1550-1610).
Thérapeutiques disponibles
La thérapeutique n’a pas beaucoup évolué au cours de la Renaissance. Il y a eu néanmoins un intérêt croissant pour la flore du Nouveau Monde qui enrichissait les jardins botaniques des facultés de médecine. La teinture de gaïac et les sels de mercure ont été introduits dans la pharmacopée pour traiter la syphilis.
La balnéothérapie connaît une grande vogue. Montaigne, par exemple, fait de fréquents séjours aux eaux de Bango di Lucca en Italie pour soigner ses problèmes de lithioses urinaires.
Grandes épidémies
Mal de Naples, mal des Français, mal des Espagnols
Après la conquête de Naples par ses troupes, le roi de France Charles VIII s’était fait proclamer roi de Naples le 20 mai 1495, et il avait laissé sur place un petit corps d’occupation sous les ordres de Gilles de Montpensier. Les troupes espagnoles sous les ordres de Gonzalve de Cordoue ont par la suite assiégé les troupes françaises retranchées dans Naples. C’est au cours de cette période qu’il est apparu pour la première fois chez un soldat une maladie considérée comme terrifiante avec des éruptions et des ulcères effroyables : « Ces ulcères étaient opiniâtres. Quand on les avait guéris dans un endroit, ils apparaissaient dans un autre, et c’était toujours à recommencer », « Le palais, la luette et le pharynx étaient quelquefois détruits. Quelques-uns perdirent les lèvres, le nez ou les yeux ; chez d’autres, les parties honteuses furent entièrement rongées… ». L’issue de cette maladie était le plus souvent la mort dans des souffrances intolérables. Cette infection inconnue jusqu’alors se transmettait avec une facilité déconcertante souvent par simple contact comme en témoignaient les nombreux proches de ce soldat qui avaient été contaminés.
La petite armée française, décimée par la maladie, s’est dispersée pendant l’épidémie dans toute l’Italie, puis en France, en Allemagne et en Angleterre, provoquant un vent d’épouvante. Les médecins qui ont assisté avec impuissance aux ravages du mal lui ont donné un nom qui variait selon les pays. Les Français l’ont appelé « mal napolitain », tandis que les Espagnols, les Italiens et les Allemands lui ont donné l’appellation de « mal français ». Effrayés par la grande contagiosité du mal, les gens fuyaient et abandonnaient les malades que les médecins se refusaient à soigner. Le poète allemand Ulrich de Hutten a écrit à ce propos : « Les médecins, effrayés de ce mal, non seulement se gardaient bien d’approcher ceux qui en étaient attaqués ; ils fuyaient même leur vue, comme s’il se fût agi de la maladie la plus désespérée… ».
Un autre Allemand, le médecin Phrisius, déclarait : « Les pauvres gens qui se trouvaient attaqués de ce mal étaient chassés de la société comme de puants cadavres ; ces misérables, abandonnés à des médecins, qui refusaient de voir les malades et même de leur donner des conseils, étaient obligés de demeurer dans les champs et dans les bois… »
Pour expliquer l’origine de la maladie, des hypothèses étiologiques invraisemblables ont été élaborées : les astrologues avaient des explications tirées de la
position des planètes, certains accusaient une femme qui aurait été contaminée par un lépreux, d’autres encore soutenaient que la maladie avait touché tout d’abord des soldats français qui avaient bu du vin souillé avec du sang des lépreux et abandonné par les Espagnols, ou qui avaient mangé de la chair humaine qu’on leur avait servie en guise de thon.
Fernando de Oviedo qui avait été nommé en 1513 par le roi d’Espagne « surintendant des mines d’or et d’argent du nouveau monde » a soutenu l’origine américaine du nouveau mal. En 1535, il a déclaré au roi d’Espagne : « Sa majesté peut tenir pour certaine que cette maladie vient des Indes où elle est très commune chez les Indiens mais pas aussi dangereuse que dans nos contrées. La première fois que la maladie est apparue en Espagne, ce fut après que Don Christobal Colomb eut découvert les Indes. Certains de ceux qui voyagèrent avec lui et prirent part à la découverte rapportèrent ce fléau avec eux et le communiquèrent à d’autres personnes. »
Jérôme Fracastor donne le nom de « syphilis » dans un ouvrage paru en 1530 intitulé Syphilis sive morbus gallicus. Il s’agit d’un long poème latin racontant l’histoire du berger Syphilus qui a offensé le soleil. Comme punition, il avait reçu du Dieu Soleil le mal vénérien qui a été désigné sous le nom de « syphilis ». Cette dénomination n’a été largement utilisée qu’au milieu du XVIIIe siècle, l’appellation la plus employée jusque-là étant celle de « vérole ».
Jean Fernel (1497-1558) en 1548 a exprimé sur la syphilis des idées intéressantes qu’il n’a pas pu prouver : « Le principe venimeux siège dans l’humeur qui lui sert de substratum et de véhicule. Le malade infecte un autre homme par liquide issu de son corps, déposé sur un point souillé de son épiderme. Par conséquent, le mal vénérien est une maladie qui se contracte par un vice caché du corps, seulement par contact (…). Celui-là même qui en est atteint dès sa naissance l’a reçu de ses parents par contagion. »
Les autres épidémies
En dehors de la syphilis, sévissaient des maladies infectieuses qui étaient responsables de ravages importants dans la population : la variole, la rougeole, la grippe, la peste et le typhus exanthématique.
Médecins célèbres
Ambroise Paré (1510-1590)
Celui qui est considéré comme le « père de la chirurgie moderne » est né à Bourg-Hersent en 1510 dans la région de Laval. Après un apprentissage chez un barbier, il s’est rendu à Paris en 1529. Il était autorisé à fréquenter l’Hôtel-Dieu de Paris, ce qui lui a permis de pratiquer de nombreuses dissections. Durant trois années, Paré a côtoyé « tout ce qui peut être d’altération et maladies au corps humain ». En 1533, il a été nommé barbier-chirurgien à l’Hôpital Dieu. Puis il a participé en 1537 comme chirurgien attaché au service du duc de Montejean au cours de la campagne d’Italie. Cela lui a permis d’acquérir une excellente expérience dans le traitement des blessures par armes à feu. Il s’est très vite opposé à la thérapeutique préconisée jusqu’alors qui consistait à réaliser une cautérisation au fer rouge ou à l’huile bouillante.
Ambroise Paré a eu l’idée de substituer à cette technique un remède de son invention à base de jaune d’œuf, d’huile de rosat et de térébenthine qu’il appliquait sur les plaies. Le vicomte de Rohan s’est par la suite attaché les services de ce spécialiste des blessures de guerre afin qu’il le suive dans ses campagnes militaires. Ambroise Paré a été le premier chirurgien qui a tenu compte de la souffrance du blessé et qui a cherché à l’atténuer. Il a innové dans un certain nombre de techniques chirurgicales comme la ligature artérielle en cas d’amputation, l’utilisation du bistouri à la place du cautère, l’invention d’une pince tire-balles pour extraire les projectiles et la mise au point de bandages herniaires.
Soucieux de vulgariser son expérience, il a publié en français, afin d’être compris d’un plus vaste public, son ouvrage majeur en 1545 La Méthode de traiter les playes faictes par les hacquebutes et autres bastons à fau ; et de celles qui sont faictes par flèches, dards et semblables ; aussi des combustions spécialement faictes par la pouldre à canon. Il a été confronté à la violente hostilité des docteurs en médecine, qui étaient scandalisés qu’un chirurgien se permette de publier un ouvrage médical comme un médecin. Il devint le chirurgien des rois de France. En 1561 et 1562, il publia deux autres ouvrages dont son Anatomie universelle du corps humain. De religion protestante, Paré a échappé au massacre de la Saint-Barthélemy grâce à l’amitié que lui vouait le roi. Ambroise Paré a rédigé des livres de chirurgie dont trois étaient consacrés à l’urologie (le livre VIII traite des « chaudes pisses », le livre IX des « pierres » et le livre X de la rétention d’urine). Ambroise Paré aurait répondu à Charles IX qui lui aurait dit : « Tu me soigneras mieux que tes malades de l’Hôtel-Dieu ». « Non, Sire, c’est impossible, car je les soigne comme des rois…».
Celui qui a écrit « je le pansai, Dieu le guérit » est mort en 1590, respecté de tous.
Giovanni da Vigo (1460-1525)
Giovanni da Vigo a écrit un ouvrage en 1514, Practica in arte chirurgica copiosa, destiné aux barbiers-chirurgiens ignorant l’anatomie qui a fait l’objet de quarante éditions.
Guido Guidi (Vidus Vidius) (1509-1569)
Médecin du roi François Ier, Guido Guidi a été nommé premier conférencier en médecine et chirurgie du Collège de France qui venait d’être fondé.
Fabrice de Hilden (1560-1634)
Fabrice de Hilden est le chirurgien allemand le plus prestigieux de la Renaissance. Il a réalisé des interventions très rares en son temps, telles que la trépanation. Surtout, il a été le premier à réaliser des amputations dans les tissus sains plutôt que dans les tissus gangrenés.
Vésale (v. 1514-1564)
Issu d’un famille de pharmaciens et de médecins, Vésale a fait ses études à Louvain à Montpellier puis à Paris sous la direction de Gontier d’Andernach et de Sylvius, et aux côtés de Michel Servet. Vésale s’est rendu à Padoue où il a
réalisé de nombreuses dissections sur des cadavres. Il s’est vite illustré par son esprit critique vis-à-vis des autorités médicales de son époque : « Le cadavre est étendu sur une table au pied de la chaire ; des barbiers armés de couteaux exécutent les ordres donnés en latin, tandis que le professeur dogmatise majestueusement du haut de sa chaire et répète machinalement, à la manière des geais, des faits qu’il connaît par les livres mais qu’il n’a jamais contrôlés, tandis que les barbiers sont trop ignorants pour comprendre les ordres en latin du maître, ce qui fait que tout est enseigné de travers et qu’on apprendrait plus à fréquenter la boutique d’un boucher. »
Après avoir comparé le fruit de ses observations avec ceux publiés par Galien, il a relevé un certain nombre d’erreurs et il a compris que ce dernier avait fait preuve d’une expérience fondée sur l’anatomie animale que l’on ne pouvait étendre à l’homme.
L’essentiel des conclusions de ses observations a été rapporté dans un ouvrage paru à Bâle en 1543 intitulé
De humani corporis febrica, libri septem qui comprenait vingt-cinq planches hors texte. Il y réfutait les allégations de Galien en montrant qu’il n’y avait aucune communication entre les deux ventricules du cœur, que la mâchoire inférieure est formée d’un os et non de deux. Il a décrit la forme réelle de l’utérus et s’est opposé à la théorie selon laquelle l’utérus aurait été bicorne, la corne de droite produisant les garçons et celle de gauche les filles !
L’esprit critique dont il a fait preuve a entraîné un certain nombre d’inimitiés à son égard dans les milieux universitaires. Épuisé par les conflits, Vésale a abandonné l’enseignement et est devenu médecin de Charles Quint. Après sa condamnation à mort à Madrid par l’Inquisition, sa peine a été commuée en pèlerinage à Jérusalem par Philippe II. Il est mort sur l’île de Zante à la suite d’un naufrage.
Paracelse, Philipp Aureolus Theophrast Bombast von Hohenheim dit (1493-1541)
Paracelse était le fils d’un médecin qui lui a enseigné la médecine, l’alchimie et la chirurgie. Il a étudié à l’université de Bâle, notamment les œuvres d’Hildegarde de Bingen et de Jean Trithème. Il prit un pseudonyme par référence au médecin Celse. Certains ont suggéré que Paracelse signifiait « celui qui est illuminé, qui est près du ciel ». Il a obtenu en 1522, le diplôme de docteur en médecine à l’école de Salerne puis il a voyagé dans toute l’Europe, au Portugal, en Espagne, en Italie, au Danemark, aux Pays-Bas, en Suède et en Russie. Il se serait même rendu en Égypte et à Damas. Il se vantait d’avoir reçu la « Pierre Philosophale » de Salomon Trismosinus à Constantinople. Il a été nommé en 1526 professeur à l’université de Bâle, où il a créé un scandale en brûlant les œuvres d’Avicenne et de Galien, et en faisant ses cours en allemand. Il est considéré comme le précurseur de l’homéopathie. Il enseignait la théorie des
signatures. Bien que ses idées n’aient pas été toutes bien comprises par ses contemporains, il est considéré comme un des pères de la médecine expérimentale. C’était un chirurgien à l’esprit novateur, il préconisait de maintenir les plaies propres et d’appliquer des huiles essentielles ou des sels de cuivre ou d’argent au lieu de brûler les chairs. Il enseignait que : « les blessures et les plaies ont leur loi de réparation » et aussi que « la nature ne suit pas l’homme c’est l’homme qui doit la suivre ».
Il préconisait l’extension-contention des fractures avec l’aide de cercles de fer maintenus séparés par des tiges. Il est mort en 1541 à Salzbourg à l’hôpital St-Étienne à l’âge de 48 ans.
Pierre Tolet (1502-1586)
Ce doyen de la faculté de médecine de Lyon a institué un enseignement théorique avec un programme de cours en français et un enseignement pratique avec des visites quotidiennes à l’hôpital en associant médecins, barbiers-chirurgiens et apothicaires.
Jean Fernel (1497-1558)
Ce fils d’aubergiste du nord de la France a étudié les mathématiques et la philosophie, puis il s’est passionné pour l’astronomie (il a construit un astrolabe).
Son beau-père lui a imposé l’étude de la médecine pour subvenir aux besoins de son ménage.
Il a publié une Universa medicina dans lequel il a souligné l’importance de l’observation des phénomènes. Il a tenté de classer les maladies et il a emprunté à Aristote le terme « physiologie ».
Girolamo Fracastor (1483-1553)
Professeur à Vérone, Girolamo Fracastor s’est intéressé aussi bien à l’astronomie qu’aux mathématiques, la géographie, la musique ou la médecine.
Il a publié un poème en 1530, Syphilis, sive de morvo gallico, décrivant un berger, Syphilis, puni par Apollon qui lui inflige les souffrances et les plaies hideuses de ce « mal français » qui sévit dans toute l’Europe, et que l’on nomme encore syphilis. La description clinique qu’en a fait Fracastor montre que la maladie avait alors un caractère de gravité et une évolution plus rapide que celle qu’elle a aujourd’hui.
Fracastor a publié un autre ouvrage qui est passé presque inaperçu lors de sa publication en 1546, De contagione et contagionis morbis.
Les médecins du XVIe siècle pensaient que les épidémies résultaient de l’air malsain qui exerçait une influence sur l’organisme.
À partir de ses observations, Frascator a distingué deux modes de transmission des affections :
■ la contagion directe d’un individu à un autre (phtisie ou lèpre) ;
■ la contagion indirecte due à des germes, des « seminaria », transportés par l’air, les vêtements, les objets usuels (peste ou typhus).
Fracastor a incité les autorités administratives à mettre au point des systèmes de quarantaine.
Léonard de Vinci (1452-1519)
Léonard de Vinci est considéré par certains comme le créateur de la science anatomique moderne. Il a observé par lui-même tout ce qu’il a décrit ; il a utilisé des techniques qu’il a mises au point, comme par exemple, l’injection musculaire, le moulage d’organes creux, la coupe d’organes pleins, etc.
Il pratiquait ce que l’on appellerait aujourd’hui l’anatomie descriptive et fonctionnelle en étudiant les différents rapports anatomiques entre les structures du corps de façon statique ou dynamique.
Il a dessiné les différentes parties de l’anatomie du corps, se concentrant sur le fonctionnement du cœur humain et le développement du fœtus. Il s’intéressait à tout, jusqu’aux moindres détails : « La nature a placé l’os glanduleux au-dessous de l’articulation du gros orteil, parce que, si le nerf où s’attache cet os glanduleux se trouvait au-dessus de cette glande, il serait très endommagé par la friction provoquée par un tel poids. » À sa mort, en 1519, il légua l’ensemble de ses notes techniques à Francesco Melzi, son élève et compagnon fidèle, afin qu’elles fussent publiées et rendues utiles au plus grand nombre. Son œuvre ne contribua pas au développement de l’anatomie car elle ne fut mise en évidence qu’au début du XXe siècle après la découverte de ses croquis dans la bibliothèque du château de Windsor en 1784. L’héritage intellectuel de Léonard est ainsi resté dans l’ombre pendant quatre siècles.
Ils étaient aussi médecins
Nostradamus, Michel de Notre-Dame dit (1503-1566)
Issu d’une famille juive aisée, Nostradamus a étudié la médecine à l’université de Montpellier. En 1525, il a passé ses examens avec succès, puis il est parti soigner les malades de la peste qui faisait des ravages en Europe. Ses thérapeutiques ont fait scandale car il refusait les saignées et préférait pratiquer des soins non traumatisants. Devant son succès face à la peste, il a décroché une chaire de professeur de médecine à la faculté de Montpellier pendant trois ans.
Face aux menaces des autorités religieuses qui luttaient contre ses pratiques non conformes à la pratique médicale courante, il a été obligé d’abandonner l’enseignement. Il est devenu célèbre en 1555 au moment de la parution à Lyon de ses Prophéties sous forme de quatrains par lesquels il annonçait les événements à venir. Il a été fait appeler par Catherine de Médicis à la cour où il a prédit la mort d’Henri II lors d’un tournoi avec le jeune Gabriel de Montmorency « Le lion jeune le vieux surmontera/En champ bellique par singulier duel/Dans cage d’or les yeux lui crèvera/Deux classes une, puis mourir mort cruelle ». Il est resté célèbre pour ses prophéties.
François Rabelais (vers 1494-1553)
L’auteur de
Pantagruel (1532),
Gargantua (1534),
Tiers Livre (1546),
Quart Livre (1548) était médecin. Pour faire ses études de médecine, il a abandonné l’habit monastique et a été condamné pour apostasie (changement d’ordre sans permission). Il s’est inscrit en 1530 à la faculté de médecine de Montpellier. Il a été reçu bachelier en médecine après un an d’études. Ce succès rapide a été possible
en raison de sa parfaite maîtrise du grec (la médecine s’appuyait alors essentiellement sur la connaissance des textes). Il a traduit en latin les textes de Galien et d’Hippocrate. En 1532, Rabelais a publié
L’epistolarum medicinalium (les lettres médicinales) du médecin italien Manardi.
Par la suite, il a été nommé médecin à l’hôpital Notre-Dame de la Pitié à Lyon.
Après sa condamnation par la Sorbonne après la publication en 1533 de Pantagruel, il est devenu le médecin particulier de l’évêque de Paris, Jean du Bellay (cousin du poète Joachim du Bellay), qu’il a accompagné à Rome en 1533-1534. Absout par Clément VII de son crime d’apostasie, il a été autorisé par Paul III à reprendre l’habit de bénédictin à Rome en 1536.
Ces malades célèbres
La plaie oculaire du roi Henri II
Héritier de François Ier, le roi de France Henri II organise un tournoi à Paris le jeudi 30 juin 1559 pour commémorer la signature du traité du Cateau-Cambrésis qui met fin aux guerres d’Italie. Henri II participe lui-même au tournoi organisé devant l’hôtel des Tournelles, rue Saint-Antoine, dont on a enlevé les pavés pour ne pas gêner les chevaux. Cet homme dans la force de l’âge, âgé de quarante ans, est féru d’exercices physiques. Selon un portrait, il est « d’une constitution très robuste et d’une humeur tant soit peu mélancolique ; il est fort adroit aux exercices des armes ».
La reine de France Catherine de Médicis, présente au tournoi, manifeste son inquiétude en raison d’une sinistre prévision qu’aurait prononcée un certain Nostradamus. Non loin d’elle se trouve la maîtresse du roi, Diane de Poitiers, qui a vingt ans de plus que lui et dont on dit qu’elle est sous le charme de son adversaire, Gabriel de Lorges, comte de Montgomery, capitaine de la garde écossaise. À la suite d’un choc d’une violence inouïe entre ce dernier et Henri II, le roi est victime d’un traumatisme facial important : « Un gros éclat frappa le front au-dessous du sourcil droit et, déchirant la chair, vient s’enfoncer dans un coin de l’œil gauche ; plusieurs fragments percèrent l’œil même ; l’os frontal ne fut pas touché ». Les premiers médecins et chirurgiens qui se portent à son chevet « arrachent du front, de l’œil et de la tempe cinq éclats de bois dont l’un, de la longueur d’un doigt, était piqué au-dessus du sourcil ». La taille des éclats de bois est précisée : 9,5cm sur 1cm pour le plus grand et 7cm sur 0,4cm pour le plus petit. Après avoir lavé la plaie au blanc d’œuf, les médecins administrent au roi une potion faite de rhubarbe et de camomille. L’état du roi empire : il se met à vomir et « une grande quantité de sang acqueux » s’échappe de sa blessure et de l’anus. Vésale et Ambroise Paré discutent la réalisation d’une trépanation. Malheureusement ce geste est récusé pour éviter un surplus de souffrance au roi qui se tord désormais de douleur.
L’état d’Henri II va se détériorer avec un cortège de signes méningés et de troubles neuropsychiques dans un contexte fébrile. Il meurt après 11 jours de souffrance, le 10 juillet 1559 «
avec spasme et attraction et une extension monstrueuse et hideuse des pieds et des mains, donnant signes évidents de la véhémence du mal ».
La gravelle de Montaigne
Michel de Montaigne présente vers 1580, à l’âge de 47 ans, plusieurs épisodes de coliques néphrétiques qu’il décrit sous le nom de gravelle. Pour soigner son mal, il se rend dans les villes d’eau de France, d’Italie, de Suisse ou d’Allemagne. Il écrit : « J’ay veu, par occasion de mes voyages, quasi touts les bains fameux de chrestienté ; et, depuis quelques années, ay commencé à m’en servir : car, en général, j’estime le baigner salubre, et crois que nous encourons non legieres incommoditez en nostre santé, pour avoir perdu cette coustume, qui estoit généralement observée au temps passé quasi en toutes les nations, et est encores en plusieurs, de se laver le corps touts les jours… ».
Montaigne se méfie des médecins, même s’il leur accorde quelque crédit : « Au demeurant, j’honnore les médecins… en ayant veu beaucoup d’honnestes hommes et dignes d’estre aymez. Ce n’est pas à eulx que j’en veulx, c’est à leur art… ».
Montaigne relata ses nombreuses crises de coliques néphrétiques : « J’entre des-jà en composition de ce vivre coliqueux ; j’y trouve dequoy me consoler et dequoy espérer. Tant les hommes sont acoquinez à leur estre misérable, qu’il n’est si rude condition qu’ils n’acceptent pour s’y conserver ! « Je suis aus prises avec la pire de toutes les maladies, la plus soudaine, la plus douloureuse, la plus mortelle et la plus irrémédiable. J’en ay desjà essayé cinq ou six bien longs accès pénibles ; toutes-fois, ou je me flatte, ou encores y a-il en cet estat dequoy se soutenir, à qui à l’âme deschargée de la crainte de la mort, et deschargée des menasses, conclusions et conséquences dequoy la medecine nous enteste… ».
Il meurt à l’âge de 59 ans, victime de la gravelle, dans ce même château de Saint-Michel-de-Montaigne en Périgord où il est né.
La sténose urétrale post-gonococcique du roi Henri IV
Le journal de l’Estoile, rapporteur des faits et gestes du roi, laisse à penser que celui-ci est victime d’une rétention aiguë d’urine, consécutive à un rétrécissement urétral d’origine blennorragique le 30 octobre 1598 : « L’extrémité de la maladie du roi qui était une carnosité provenante d’une chaude-pisse, laquelle, pour avoir été négligée, lui causa une rétention d’urine, qui le cuida l’envoyer en l’autre monde. Le roi avait été si malade qu’il avait été deux heures sans parler ni mouvoir ». Le 19 mai 1603, Henri IV présente à nouveau un épisode de rétention aiguë d’urine comme le relate de l’Estoile : « Le roi tomba fort malade d’une rétention d’urine avec la fièvre. Ce qu’il appréhenda si fort, que, voyant que le vomissement qu’il avait accoutumé d’avoir ne l’avait en rien allégé, dit qu’il se sentait fort faible et craignait que Dieu voulût disposer de lui ; et, partant, voulait donner ordre à sa conscience et à ses affaires. Se fit apporter le portrait de son Dauphin, et, le regardant, dit tout haut ces mots : «Ah! Pauvre petit, que tu auras à souffrir, s’il faut que ton père ait mal!»». Le 24 mai, ses médecins se réunissent pour lui prescrire une hygiène de vie. Leur conclusion est en ces termes : « Plus de femme, même la Reine, sinon décès avant trois mois ».