12. Médecine du XVIIe siècle
1614 : publication par Santorio Sanctorius de son ouvrage intitulé Ars de statica medecina (De la médecine chiffrée)
1622 : mise en évidence des vaisseaux lymphatiques en 1622 par Gaspare Aselli
1628 : découverte de la circulation du sang par William Harvey
1640 : introduction en Europe du quinquina
1651 : découverte du circuit lymphatique en 1651 par Jean Pecquet
1659 : Francis Glisson (1597-1677) publie un exposé sur le foie, l’estomac et l’intestin
1661 : découverte des capillaires pulmonaires par Marcello Malpighi
1667 : première transfusion réalisée chez l’homme pratiquée à Montpellier par Jean-Baptiste Denis avec du sang d’agneau
1673 : découverte microscopique des bactéries par Antoni Van Leeuwenhoek
1673 : découverte du follicule ovarien par Reinier De Graaf
1677 : découverte microscopique des spermatozoïdes par Antoine Van Leeuwenhoek
Faits essentiels
Le XVIIe siècle a été marqué par des découvertes anatomiques et physiologiques fondamentales qui ont permis l’abandon progressif de la théorie hippocratique des humeurs. Il y a eu deux écoles de pensée médicale : les iatrophysiciens ou iatromécanistes qui comparaient l’organisme humain à une machine et les iatrochimistes, qui croyaient à la prédominance des réactions chimiques dans le corps humain.
Le XVIIe siècle a été marqué par le perfectionnement du microscope et les progrès de l’histologie. Mais surtout cette période a été marquée par la découverte de la grande circulation par William Harvey, et ses résultats sur le passage du sang des artères vers les veines, qu’ont confirmés les travaux de Malpighi en 1661, et de Van Leeuwenhoek en 1668.
Contexte historique
C’est l’époque de la monarchie absolue dans le monde occidental, sauf en Angleterre où le Parlement a déposé, condamné et fait exécuter le roi Charles I
er.
Ses successeurs bénéficieront d’une autorité limitée dans le cadre d’un équilibre des pouvoirs entre la monarchie et le Parlement. L’Europe exerce son influence dans le monde et elle s’enrichit en retour de l’apport des autres civilisations. Au cours du XVII
e siècle, la civilisation a progressé, la philosophie s’est affranchie, les sciences se sont développées tandis que les lettres sont devenues florissantes. Il y a eu un développement de l’esprit humain qui a atteint un éclat remarquable avec l’éclosion de grands philosophes comme Descartes en France, Newton et Locke en Angleterre, Spinoza et Leibniz en Allemagne.
Le XVIIe siècle a été marqué par une extraordinaire production littéraire avec Corneille, Racine, Molière, Boileau, La Bruyère, La Rochefoucault, Bossuet et Fénelon en France tandis que Shakespeare et l’immortel Milton marquaient la littérature anglaise.
Le XVIIe siècle est considéré comme l’effloraison de la Renaissance. Les savants ne se contentent plus d’accepter la doctrine de l’Église, ils partent à la découverte du monde qui les entoure, effectuent des expériences et confrontent les théories à la pratique. De grandes découvertes sont accomplies et bouleversent les anciens savoirs et en particulier les sciences. Cette période mérite le nom d’âge de la raison.
Pensée médicale
L’avènement de la raison
Le XVIIe siècle connu sous la dénomination de l’« Âge de la Révolution scientifique » a constitué un tournant très important dans l’histoire des sciences et en particulier dans l’histoire de la médecine. Il a été marqué, dans le domaine médical, par l’avènement de la raison avec la remise en question des croyances anciennes. Les esprits du XVIIe siècle se caractérisaient par le fait qu’ils n’accordaient foi qu’à ce qui se vérifiait, s’analysait et se palpait. Sous leur impulsion, le raisonnement médical s’est attaché à comprendre l’origine des phénomènes scientifiques. L’expérimentation a définitivement supplanté la spéculation. Entraînée dans ce courant fertile sur le plan intellectuel, la médecine s’est développée de façon importante au cours du XVIIe siècle dans toute l’Europe sauf en Allemagne, écrasée et ruinée par les guerres religieuses de trente ans. Les universités d’Italie, après avoir ouvert des voies nouvelles et brillé d’un grand éclat, ont perdu progressivement leur prestige. La France, avec Paris et Montpellier, l’Angleterre avec Oxford et Londres, les Pays-Bas avec Leyden, étaient considérés comme les pays les plus en pointe du progrès médical.
Les iatrochimistes et les iatromécanistes
Le XVIIe siècle a été marqué par l’affrontement de deux écoles de pensée médicale : les iatrochimistes et les iatromécanistes.
Les iatrochimistes
Les iatrochimistes estimaient que le Dieu créateur n’avait créé que des principes, les archées, qui réglaient toutes les fonctions en particulier biologiques. Ils réduisaient à l’air et à l’eau les quatre éléments des Anciens. Selon les adeptes de cette doctrine, les phénomènes organiques relevaient uniquement de réactions chimiques.
Deux personnalités ont marqué ce courant de pensée :
■ le Hollandais Jan Baptist Van Helmont (1577-1644) qui fut le chef de file des iatrochimistes au cours de la première partie du XVIIe siècle. Il était un disciple de Paracelse dont il ne partageait pas la conception de l’influence de l’astrologie sur la maladie. Il considérait la maladie comme une entité parasitaire du corps et non pas comme une partie intégrante de l’individu perturbé à la suite d’un trouble des humeurs. Il s’opposait donc aux méthodes thérapeutiques préconisées par Galien qui proposait les purges et les saignées pour rééquilibrer les humeurs. En revanche il était partisan de l’usage des médicaments chimiques ;
■ Franz de la Boë, plus connu sous le nom de Franciscus Sylvius (1614-1672), qui était partisan du concept de l’antagonisme des acides et des bases dans l’organisme et de leur neutralisation. Il était favorable à l’observation directe du patient.
Les iatromécanistes
Les iatromécanistes assimilaient les phénomènes organiques à des objets en mouvement soumis aux lois physiques. Leur chef de file était Giovanni Alphonso Borelli (1608-1679). Trois partisans de l’iatromécanisme ont marqué le XVIIe siècle :
■ Giorgio Baglivi (1669-1707) qui couplait chaque organe à une machine spécifique ;
■ Santorio dit Sanctorius (1561-1636) qui a réalisé des expériences sur la physiologie du métabolisme mais qui est surtout connu pour avoir construit des thermomètres ;
■ René Descartes (1596-1650), qui a publié sa doctrine dans un ouvrage intitulé De homine qui doit être considéré comme le premier traité de physiologie.
Essor de l’anatomie
L’essor de l’anatomie qui s’était engagé au cours de la Renaissance s’est poursuivi au cours du XVIIe siècle grâce aux travaux de quelques anatomistes :
■ Thomas Wharton (1610-1673), qui a réalisé une étude comparative des glandes et identifié la glande thyroïde et le canal d’écoulement de la glande sous-maxillaire auquel il a donné son nom en 1656 (le canal de Wharton) ;
■ Marcello Malpighi (1628-1694), qui a montré que le sang passait d’abord dans les capillaires pulmonaires avant de revenir au cœur gauche. Il a été l’auteur de multiples observations histologiques, parmi lesquelles celles de la couche génératrice à la base de l’épiderme et des néphrons, unités fonctionnelles de filtration dans les reins. Ses observations ont permis de valider la théorie de Harvey sur la circulation sanguine ;
■ Francis Glisson (1597-1677) qui a réalisé une étude anatomique du foie, de l’estomac et des intestins ;
■ Niels Stensen (en latin Nicolaus Steno) (1638-1686). Cet anatomiste danois qui était également géologue a établi la différence entre les glandes et les ganglions lymphatiques en 1661. Il a montré que les larmes provenaient des glandes lacrymales et non du cerveau comme cela était admis depuis l’Antiquité. Il a découvert le canal excréteur de la parotide, dit canal de Sténon en 1660 ;
■ Gaspare Aselli (1581-1626) qui a mis en évidence en 1622 les vaisseaux lymphatiques.
Essor de la microscopie
Jusqu’au XVIIe siècle, bien peu de savants se doutaient de l’existence d’êtres vivants invisibles. Dans l’Antiquité, Aristote avait formulé l’idée d’une contagion invisible de certaines maladies sans en apporter la preuve. Au XVIe siècle, Von Hutten et Paracelse avaient soulevé l’hypothèse de l’existence de germes vivants invisibles sans succès. La loupe était connue depuis l’Antiquité tandis que les lunettes étaient fabriquées depuis le Moyen Âge. Le microscope, mis au point par le Hollandais Zacharias Jansen (1588-1628) en 1604, a permis de pousser l’investigation en anatomie jusqu’aux structures invisibles à l’œil nu. La technique du microscope a eu des applications intéressantes dans un certain nombre de domaines médicaux. Les données microscopiques ont permis de compléter les données de l’anatomie comparée, et de créer de nouvelles spécialités comme l’histologie, la cytologie, l’embryologie et l’anatomopathologie. Le microscope a permis d’approfondir les concepts anatomiques et d’expliquer de nombreux mécanismes physiologiques. Un certain nombre de savants ont amélioré le champ de la connaissance médicale grâce au microscope :
■ Jan Swammerdam (1637-1680) a été le premier à observer et à décrire les globules rouges en 1658 ;
■ Professeur Athanasius Kircher (1602-1680), un jésuite allemand, a été le premier à avoir l’idée de rechercher les causes des maladies à l’aide d’un microscope. Il a rattaché la survenue de maladies infectieuses à ce qu’il appelle un « contagium animatum », anticipant ainsi le rôle des microbes comme causes de maladies contagieuses. À la suite d’une épidémie de peste à Rome en 1658, le jésuite allemand Kircher affirma avoir observé au microscope dans le sang des malades « une innombrable éclosion de vers qui sont imperceptibles à l’œil », responsables selon lui de la peste. Ce n’était qu’une affirmation. Il est ainsi la première personne au monde à avoir vraiment décrit des microbes ;
■ Robert Hooke (1635-1703) a rapporté la notion de « cellule » vers 1665 pour la première fois, dans Micrographia ;
■ Antoine Van Leeuwenhoek (1632-1723), marchand de tissu à Delft sans aucune formation scientifique, a entrepris à ses heures perdues l’exploration du monde microscopique à l’aide de microscopes qu’il confectionnait lui- même. Il s’agissait d’une lentille formée d’une minuscule bille de verre sertie dans une lame métallique. L’ensemble était tenu très près de l’œil, face à la lumière, et permettait d’obtenir des grossissements allant jusqu’à trois cents. Il a eu l’idée d’étudier au microscope les dépôts entre ses dents, l’eau des mares ou son sperme. Antoine van Leeuwenhoek a été le premier à décrire et à dessiner des bactéries. L’observation en 1677 de spermatozoïdes a fait du bruit dans la bonne société cultivée européenne scandalisée par la présence dans la semence de l’homme d’« animaux semblables à des têtards » dénommés les « vers spermatiques ». Cette découverte a remis en question la théorie de la « génération spontanée », c’est-à-dire la présence de « petits hommes » déjà formés dans le sperme. En dehors de la mise en évidence de spermatozoïdes, Van Leeuwenhoek a décrit les capillaires, les globules rouges, les protozoaires (appelés alors « infusoires »), les striations des fibres musculaires squelettiques et les bactéries ;
■ Marcello Malpighi (1628-1694) est considéré comme le véritable fondateur de l’histologie. Il a découvert les capillaires anastomotiques entre artères et veines et il a révélé l’existence des saccules et des utricules.
Embryologie
Deux doctrines se sont opposées au XVIIe siècle dans la conception de la formation des embryons :
■ les adeptes de la théorie de la préformation estimaient qu’il y avait de minuscules individus dans le sperme. Le développement embryonnaire se manifestait par une augmentation de matière du fœtus. Cette théorie était soutenue par un médecin hollandais, Niklaas Hartsoeker (1656-1725) qui a même publié des gravures des petits hommes préformés (« homunculi » qu’il avait observés au microscope dans le sperme) ;
■ les adeptes de la théorie de l’épigenèse estimaient que la formation de l’être humain était l’aboutissement d’une série d’étapes qui modifiait les tissus pour aboutir à un embryon. Parmi les partisans de cette théorie, il y avait Antoine van Leeuwenhoek mais aussi William Harvey et Marcello Malpighi.
Découverte de la circulation sanguine
Le phénomène de la circulation sanguine n’était pas encore élucidé au XVII
e siècle. Au cours de la seconde partie du siècle précédent, Michel Servet (1509-1553) avait écrit un ouvrage de théologie,
Christianismi Restitutio (1552), qui comportait dans le cinquième livre une explication personnelle de la circulation sanguine. Selon lui, l’âme circulait par le sang, soufflée par Dieu à travers la bouche et les narines : « L’esprit vital se forme du mélange de l’air attiré par l’inspiration avec le sang que le ventricule droit envoie au ventricule gauche, mélange qui se fait dans le poumon, car il ne faut pas croire, comme on le dit communément, que le sang passe d’un ventricule à l’autre par leur cloison moyenne. Il ne passe d’un ventricule à l’autre qu’en traversant le poumon ». Michel Servet avait repris sans le savoir le concept d’Ibn al Nafis. Calvin l’a dénoncé à l’Inquisition catholique qui l’a poursuivi. Après s’être évadé, il est arrêté alors qu’il se rendait à Naples par les autorités genevoises qui l’ont condamné à l’instigation de Calvin à être brûlé sur un bûcher en 1553. Un demi-siècle plus
tard, William Harvey qui s’était rendu en 1599 pour terminer ses études à Padoue a démontré la justesse des propos de Michel Servet. Après avoir participé à de multiples séances de dissections, non seulement sur l’homme, mais également sur les animaux, il a réalisé une étude extrêmement précise des veines superficielles accessibles à la vue et à la compression manuelle. Il a exposé ses conclusions en 1628 à Francfort, dans son ouvrage
L’Exercitatio anatomica de motu cordis et sanguinis circulatione (
Exercice anatomique sur le mouvement du cœur et du sang chez les animaux), qu’il a dédié au roi d’Angleterre Charles I
er. Selon Harvey, le sang est propulsé dans les artères de toutes les parties du corps, puis il passe dans les veines et revient au cœur ; de là, il est lancé dans les poumons puis il retourne au cœur.
Grâce à ses travaux, l’explication de la circulation sanguine était enfin résolue. Sa seule erreur a été de penser que les lymphatiques transportaient du lait. Il n’a pas fait figurer dans ses études les capillaires car ils n’étaient pas accessibles à l’œil nu. Ils ont été découverts bien plus tard par Henry Power en 1649, et dans le poumon par Malpighi en 1661. Harvey a reconnu avec honnêteté que c’est la disposition des valvules des veines rapportée par Fabrice d’Acquapendente qui l’avait mis sur la voie de cette découverte. En exprimant l’idée selon laquelle « le mouvement du cœur est en somme une contraction cardiaque », il a suscité pendant de nombreuses années des querelles et calomnies à travers toute l’Europe, et en particulier à la faculté de médecine de Paris.
Les universitaires ont usé de tous leurs moyens pour dénigrer les idées de Harvey. Jean Riolan et Gui Patin se sont opposés aux théories de Harvey et
persistaient à croire que les artères contenaient de l’air et non du sang. Gui Patin, doyen de la faculté de Médecine de Paris (1600-1672), affirmait : « La circulation est paradoxale, inutile à la médecine, fausse, impossible, inintelligible, absurde, nuisible à la vie de l’homme ». L’affaire a été résolue par Boileau, qui a ridiculisé les médecins officiels en faisant paraître l’
Arrêt burlesque : « Attendu… la Cour… ordonne au chyle (suc formé dans l’intestin des substances assimilées dans la digestion) d’aller droit au foie sans passer par le cœur et du foie de le recevoir. Fait défense au sang d’être plus vagabond, d’errer et de circuler dans le corps, sous peine d’être entièrement livré et abandonné à la faculté de médecine ». De son côté, Louis XIV, favorable aux idées d’Harvey, a fait créer en 1672 un cours d’anatomie au Jardin du Roy et a demandé à Pierre Dionis d’y enseigner la circulation. La découverte d’Harvey a été complétée par la mise en évidence des vaisseaux lymphatiques en 1622 par Gaspare Aselli (1581-1626) à Pavie, par la découverte par Marcello Malpighi des capillaires pulmonaires en 1661 et par la découverte du circuit lymphatique en 1651 par le parisien Jean Pecquet (1622-1674).
Essor de la physiologie
Après un début balbutiant au cours de la seconde moitié du XVIe siècle, la physiologie a connu un véritable essor au XVIIe siècle grâce au développement des « cabinets d’expériences » et, plus tard, des laboratoires. Cette discipline n’avait aucune ligne directrice, ce qui a eu pour conséquence la réalisation d’études minutieuses de la fonction des organes fondées sur des recherches anatomiques et complétées par des expériences d’ablation et de vivisection.
Les progrès en physiologie au XVIIe siècle ont surtout concerné cinq domaines :
■ la physiologie de la reproduction avec Reinier de Graaf (1641-1674) qui est considéré comme le précurseur de cette spécialité avec la découverte en 1672 de la fonction de l’ovaire et des différentes phases de l’ovulation. Il a donné son nom aux follicules ovariens qu’il a découvert. Marcello Malpighi (1628-1694) et Gian Domenico Santorini (1681-1737) ont mis en évidence le corps jaune, le rôle des spermatozoïdes et de la nidation de l’œuf. En 1684, Francesco Redi (1626-1697) a posé les premières bases de la transmission héréditaire ;
■ la physiologie de la digestion avec Lorenzo Bellini (1643-1704) qui a amélioré la compréhension des mécanismes de la physiologie du goût ;
■ la physiologie oculaire grâce aux travaux de Blaise Pascal et de Pierre de Fermat qui ont élucidé le concept de l’optique géométrique ;
■ la physiologie respiratoire avec les travaux de Robert Hooke (1635-1703) qui a montré qu’un animal pouvait survivre sans mouvement de sa cage thoracique si on injectait de l’air dans ses poumons, et ceux de John Mayow (1640-1679) qui a expliqué que la respiration était un échange entre l’air et le sang. Richard Lower (1631-1691) a mis en évidence le fait que le sang veineux devenait rouge du fait de son mélange avec l’air inspiré dans les poumons ;
■ la physiologie neurologique grâce à Thomas Willis (1621-1675) qui a réalisé une étude physiologique et anatomique extrêmement complète sur le système nerveux.
Essor de la chirurgie
Le XVIIe siècle n’a pas été marqué par des progrès notables dans le domaine de la chirurgie comme cela a été le cas en physiologie et en anatomie. L’acte chirurgical était limité par l’absence de produits anesthésiques et les risques d’infection. Sur le plan socio-économique, le fossé persistait entre les chirurgiens et les médecins. On distinguait trois catégories de chirurgiens :
■ les chirurgiens qui réalisaient les interventions chirurgicales importantes telles que les fistules, les occlusions intestinales ou les interventions de chirurgie plastique ;
■ les chirurgiens-barbiers qui réalisaient les saignées, qui réduisaient les luxations et les fractures, qui arrachaient les dents ou qui posaient les ventouses ;
■ les guérisseurs qui opéraient les extractions de cataractes, les tailles de pierre avec des résultats souvent lamentables.
Les chirurgiens unis en 1660 ont fondé le collège de Saint-Côme pour leur instruction et pour accéder à un statut nouveau au sein de la société.
Quelques chirurgiens ont connu la célébrité au XVIIe siècle :
■ Johann Schultes (1595-1645) qui a illustré des traités de chirurgie ;
■ Bernardino Genga (1620-1690) qui a publié un recueil de données anatomiques dans lequel apparaît pour la première fois le terme d’« anatomie chirurgicale » ;
■ Jean-Baptiste Denis (1620-1704) qui a réalisé la première transfusion sanguine en injectant du sang d’agneaux dans le système veineux. Cette technique a été abandonnée après la mort d’un patient ;
■ Charles-François Félix (1635-1703) qui a réalisé avec succès l’intervention chirurgicale de la fistule anale du roi Louis XIV ;
■ Matthaus Gottfried Purmann (1649-1711) qui a souligné l’importance de maîtriser parfaitement l’anatomie pour réaliser les interventions chirurgicales ;
■ Giuseppe Zambeccari (1655-1728) considéré comme le pionnier de la chirurgie expérimentale ;
■ Georges Mareschal (1658-1738), successeur de Félix auprès de Louis XIV.
Innovation médicales
Les découvertes anatomiques et physiologiques réalisées au cours du XVIIe siècle n’ont pas eu de répercussions importantes dans le domaine de la clinique. La seule innovation dans le domaine de la médecine a été l’amélioration des descriptions médicales des maladies grâce à quelques médecins :
■ Thomas Sydenham (1624-1689) surnommé l’« Hippocrate anglais », grand ami du philosophe Locke, a bouleversé la conception de l’exercice de la médecine. Il a rejeté tous les concepts émis par les médecins de l’Antiquité et n’a retenu que ceux exposés par Hippocrate selon lequel le médecin devait d’abord étudier, observer son malade avant de poser le diagnostic de sa maladie et de donner son traitement. Sydenham s’est donc attaché à l’observation attentive du patient afin de rechercher les symptômes. Fidèle à la médecine hippocratique, il a réalisé une description clinique de chaque affection et il a insisté sur les différentes variations symptomatologiques. Il a décrit précisément la goutte, la grippe, la rougeole, la scarlatine, la pneumonie, l’hystérie, l’érysipèle, la dysenterie, la chorée. Le mérite de Thomas Sydenham a été d’établir pour chaque maladie les symptômes précis qui en permettaient l’identification. C’était un bon thérapeute. Il a créé la potion opiacée connue sous le nom de potion de Sydenham ;
■ Thomas Willis (1621-1675) a cherché à établir les relations qui existaient entre les symptômes cliniques et les troubles anatomophysiologiques. Il a mis en évidence en 1673 la présence de sucre dans les urines d’un patient souffrant de diabète et il a montré les conséquences sur le système cardiovasculaire et pulmonaire de la section du nerf vague chez le chien ;
■ Hermann Boerhaave (1668-1738) a souligné l’importance de la corrélation entre les troubles anatomiques et les affections cliniques en réalisant des dissections. Il a suggéré l’intérêt de la prise de température en pratique clinique.
Essor de l’obstétrique
L’obstétrique a acquis une place honorable au cours du XVIIe siècle. Jusqu’alors, seules les femmes étaient autorisées à présider aux accouchements. Progressivement, les hommes ont commencé à participer activement à la prise en charge médicale des parturientes. Trois médecins ont été considérés comme les deux fondateurs de l’obstétrique moderne :
■ François Mauriceau (1639-1709), un chirurgien parisien qui a publié en 1668 un traité important intitulé
Des maladies des femmes grosses et de celles qui sont accouchées dans lequel il délivrait les conseils pour réaliser un accouchement et soulignait l’importance de bien connaître l’anatomie et la physiologie obstétricale ;
■ Peter Chamberlen (1601-1683), médecin anglais qui a inventé le forceps, dont il a gardé précieusement le secret, ne transmettant cet instrument qu’à ses enfants ;
■ Hendryck Van Deventer (1651-1724), chirurgien hollandais auteur d’une étude précise sur le bassin de la femme. C’est au XVIIe siècle que l’on a pratiqué la première césarienne sur le vivant.
Louise Bourgeois (1564-1644) a mis en place un enseignement méthodique pour les sages-femmes.
Enseignement
Au XVIIe siècle, l’enseignement de la médecine n’était pas de bonne qualité. Il se limitait à l’étude sans réflexion ni critique des écrits des auteurs de l’Antiquité et du monde arabe. Les niveaux des études de médecine variaient en fonction des pays et des villes :
■ à l’étranger, les diplômes de villes comme Cambridge ou Leyde étaient réputés. En effet, Leyde a été la première université à instituer un enseignement clinique en 1636 tandis que le niveau des enseignants de Cambridge était excellent ;
■ en France, sur les 25 écoles de médecine, seules quatre bénéficiaient d’une bonne réputation : Paris, Montpellier, Strasbourg et Toulouse.
■ Les premiers journaux publiant des articles médicaux ont été créés afin de permettre une meilleure diffusion de l’information :
■ Le Journal des savants en 1665 ;
■ Le Journal des nouvelles découvertes sur toutes les parties de la médecine en 1679.
Thérapeutiques disponibles
Au XVIIe siècle, l’arsenal thérapeutique des médecins comportait toujours les méthodes ancestrales telles que la saignée, la diète, l’exercice et les purges. En revanche, la pharmacopée s’est enrichie grâce à la découverte de la route des Indes et des Amériques. Il est apparu quelques médicaments qui ont bouleversé les habitudes thérapeutiques :
■ le quinquina ou cinchona a été introduit en Europe au terme d’un périple particulièrement original. La légende inca avait révélé la guérison des fièvres par ceux qui buvaient une eau de mare dans laquelle étaient tombés des arbres à quinquina détruits par la foudre. Juan Lopez, un missionnaire jésuite du Pérou avait été soigné du paludisme par une poudre extraite d’un de ces arbres. Il avait transmis le secret à Francisco Lopez de Canizares, gouverneur de Loja (province de l’Équateur) qui l’avait communiqué au vice-roi du Pérou dont la femme, la comtesse de Cinchon souffrait de paludisme. Elle a ramené en Espagne cette poudre à laquelle elle a donné son nom : le cinchona. Cette écorce a d’abord été l’apanage des jésuites qui l’ont gardée secrètement pour leur usage puis elle a été répandue après 1640 en Occident pour soigner les fièvres, notamment celles dues à la malaria (« mauvais air ») ou paludisme (du latin palus : marais) ;
■ l’ipéca ou hipécacuantha qui guérissait la dysenterie grâce à Legras ;
Il a été publié à Paris, en 1638, un registre des médicaments, le Codex medicamentarius seu pharmacopea Parisiensis — il en existe un autre à Lyon.
L’administration de plantes médicinales était toujours recommandée dans certaines affections. Il a été créé dans les universités, des jardins botaniques afin de disposer de plantes médicinales ; le premier a été construit à Montpellier à l’initiative d’Henri IV et de Pierre Richer de Belleval.
Hospitalisation
Les hôpitaux se sont développés pour héberger les pauvres et les infirmes. L’hôpital Saint-Louis a vu le jour à Paris à l’initiative d’Henri IV. L’édit du 22 avril 1656 ordonnait la création, à Paris, de l’Hôpital général, qui avait pour mission l’enfermement de tous « les gueux, les vagabonds, les insensés et les libertins ». Cette mesure a été généralisée à l’ensemble du royaume en 1662. Louis XIV a interdit en 1670 les procès en sorcellerie, dont les malades mentaux étaient souvent victimes. Par ailleurs, Théophraste Renaudot (1586-1653), créateur du Mont-de-Piété, a développé les consultations gratuites pour les pauvres.
En Hollande, dès le XVIIe siècle, des médecins comme François De La Boë (dit Sylvius) et, un peu plus tard, Hermann Boerhaave ont été les premiers à demander à ce que l’hôpital soit le lieu de l’enseignement clinique, et par conséquent qu’il acquière une justification noble. Les enseignants de la faculté de médecine de Paris refusaient ce projet et continuaient à professer les leçons d’Hippocrate, de Galien, d’Avicenne et de Rhazès loin des souffrances.
Grandes épidémies
La peste
Une nouvelle épidémie de peste sévère a sévi en France entre 1629 et 1631. À l’occasion de cette épidémie, il a été mis en place à Lyon un Bureau de Santé qui a instauré un système de surveillance rigoureux. Ses ordonnances imposaient le nettoyage des logements des pestiférés, la mise en quarantaine de leurs familles, l’interdiction de la vente de leurs vêtements.
L’épidémie de peste a été très importante à Londres en 1664 et 1665. Elle a entraîné la mort de près de 100 000 personnes sur une population qui dépassait à peine 450 000 habitants. Cette épidémie de peste a épargné Paris et le nord de la France grâce aux mesures mises en place par Colbert, des mesures préventives malgré les conséquences sur le plan économique.
Le paludisme qui a ralenti la construction du château de Versailles
La construction du château de Versailles qui a duré près d’un demi-siècle a été ralentie par le paludisme qui a affecté un grand nombre d’ouvriers. En effet, le château avait été construit au milieu de marécages qui étaient infestés d’anophèles et avaient nécessité d’importants travaux de drainage. Le roi Louis XIV a contracté le « mal du mauvais air » au cours d’une inspection de l’avancée des travaux. Lorsqu’il s’est installé avec sa Cour en 1682, les travaux de terrassement étaient loin d’être terminés, et le paludisme a continué à sévir pendant toute le XVII
e siècle à Versailles.
Médecins célèbres
Santorio Sanctorius (1561-1636)
Celui dont le surnom était « le pape des iatromécaniciens » est considéré comme le précurseur de la physiologie expérimentale qui reposait sur l’utilisation d’instruments de précision permettant des mesures quantitatives. Il a établi des appareils originaux : un lit suspendu pour les malades, un thermomètre pour prendre la température du corps humain, un pulsilogium ou horloge pour mesurer le pouls et enfin un hygromètre. Il a publié en 1614 un livre intitulé Ars de statica medecina (De la médecine chiffrée) où il démontre après les avoir minutieusement et scrupuleusement pesé que le poids total des excrétions était inférieur au poids des substances ingérées. Ses recherches expérimentales ont permis d’établir pour la première fois le rôle fondamental du métabolisme basal et de la transpiration cutanée.
William Harvey (1578-1657)
William Harvey a fait ses études de médecine à l’université de Cambridge puis à Padoue, en Italie où il a eu pour enseignant Fabrice d’Acquapendente qui était alors connu pour avoir décrit les valvules des veines. Il est revenu s’installer à Londres en 1602, où il a acquis une excellente réputation de praticien. Il a été nommé en 1609 médecin-chef de l’hôpital Saint-Barthélemy, ensuite professeur de chirurgie et d’anatomie, et enfin médecin personnel du roi Charles Ier. Dès 1613, il a commencé à expliquer à ses étudiants ses découvertes, mais c’est seulement en 1628 qu’il a publié sa célèbre Étude anatomique du mouvement du cœur et du sang chez les animaux. Dans ce petit ouvrage de soixante-douze pages, Harvey a rapporté avec précision, clarté et concision, le rôle du cœur dans la circulation sanguine. Malgré la rigueur de ses descriptions, ses conclusions ont entraîné de nombreuses polémiques dans le monde scientifique.
Après l’exécution du roi Charles Ier, Harvey a été l’objet de persécutions sous le règne de Cromwell, ce qui ne l’a pas empêché pas de poursuivre ses travaux. Il a publié, en 1651, une théorie en faveur de l’épigenèse. Il est mort en juin 1657.
Marcello Malpighi (1628-1694)
Ce médecin du pape Innocent XII a été l’un des précurseurs de l’étude des tissus vivants au microscope. Il a découvert les capillaires pulmonaires en 1661, les glomérules du rein auxquels il a donné son nom, le corps muqueux qui constitue la partie profonde de l’épiderme, les corpuscules de tissu lymphoïde situés autour des artérioles de la rate. Il a été le premier à décrire la maladie de Hodgkin.
Ils étaient aussi médecins
René Descartes (1596-1650)
Philosophe et savant, Descartes était préoccupé par le problème de la certitude scientifique. Il est né à la Haye (Touraine), dans la petite noblesse. Il a fait ses études au Collège des jésuites de La Flèche (1604-1612).
Après avoir passé ses diplômes de droit à Poitiers, il s’est engagé en 1617 dans l’armée de Maurice de Nassau. Durant l’hiver 1619, ayant pris ses quartiers à Neubourg, il a découvert le principe de sa méthode.
À partir de 1629, il s’est retiré en Hollande où il a vécu pendant 20 ans. Considérant la santé comme le bien essentiel, René Descartes s’est livré à l’étude de la médecine dès le début de son séjour en Hollande. Il est considéré comme le fondateur de la géronto-prophylaxie et de la médecine psychosomatique. En 1633, alors qu’il se préparait à publier son Traité du Monde, il a appris la condamnation de Galilée et a décidé de tenir son manuscrit secret : aussi Le Monde ou Traité de la lumière ne sera-t-il publié qu’en 1664.
En 1637, il publie Le discours de la méthode avec La dioptrique et La géométrie, rédigés en français ; puis en 1644 les Principia philosophiae dans lesquels il s’est efforcé de présenter l’ensemble de sa doctrine.
Théophraste Renaudot (1586-1653)
Après des études de médecine à la faculté de médecine de Montpellier qui ont duré neuf mois, Théophraste Renaudot a été nommé docteur en médecine en 1606. Il s’est rendu par la suite à Paris où il s’est perfectionné au collège de Saint-Cosme et à l’hôtel-Dieu car la faculté de médecine refusait les protestants. Il a d’abord eu l’idée de créer la voirie pour améliorer l’hygiène publique puis des bureaux pour centraliser les offres et les demandes d’emploi. Il a obtenu en 1612 le poste de médecin du roi chargé du « règlement général des pauvres du royaume et de la création des bureaux d’adresses ». Il a publié le 30 mai 1631 le
premier numéro de
La Gazette française. En 1636, il a fondé les monts-de-piété. Par la suite, il s’est entièrement consacré à son journal.
Denis Papin (1647-v. 1712)
Après des études de médecine à l’université d’Angers, Denis Papin s’est installé comme médecin à Paris à l’âge de 24 ans. Il a vite été passionné par les sciences, et il est devenu assistant de Christian Huygens. Il a réalisé des études sur le travail mécanique obtenu par l’exercice alterné d’une pression et d’une dépression de gaz.
En 1675, il est devenu l’assistant de Robert Boyle à Londres avec qui il a travaillé sur la pompe à air. Il a été nommé à Londres en 1684 conservateur à la Royal Society.
En 1688, il a montré que la condensation de la vapeur produisait des effets comparables à ceux de la dépression des gaz et il a élaboré une machine basée sur ce principe. La machine de Papin était donc la première du genre. Il a publié son invention en 1707 dans Nouvelle machine pour élever l’eau par la force de la vapeur.
Ces malades célèbres
La fistule anale de Louis XIV
Le 15 janvier 1686, Louis XIV, âgé de 48 ans, commence à se plaindre d’un abcès entre l’anus et les testicules, assez profond et sensible au toucher. Les médecins du roi essayent d’abord l’application des cataplasmes de farine, des emplâtres de ciguë, du sparadrap de gomme et de térébenthine et même du baume du Pérou sans obtenir l’amélioration escomptée. Le handicap causé par cet abcès de la marge anale est tel que le roi est dans l’impossibilité de monter à cheval et que la cour est obligée d’interrompre la plupart des fêtes. L’illustre malade qui passe ses journées au lit signe pendant ce temps-là un certain nombre d’ordres, livrant les protestants à la politique de Louvois qui disposait de pouvoirs exorbitants (révocation de l’édit de Nantes le 18 octobre 1685). Deux cent cinquante mille huguenots se sont ainsi exilés sans que le roi ne s’en émeuve. Le rôle de la fistule anale dans cet acte politique aux conséquences importantes sur l’histoire de France a été souligné par de nombreux auteurs. En effet, en s’expatriant les protestants ont privé le royaume de leur énergie (maréchal de Schomberg, Denis Papin…) et de leurs capitaux.
L’épilogue de la fistule anale a lieu le 18 novembre 1686 dans la chambre du roi, l’actuel salon de l’œil-de-bœuf à Versailles. Ce jour-là, Félix, chirurgien du roi, réalise la fameuse Grande intervention qui permet de guérir définitivement le souverain.
La gangrène de Lulli
C’est le 8 janvier 1687, au moment ou il fait répéter un
Te Deum qu’il a composé pour la guérison du roi à l’église des Feuillants de la rue Saint-Honoré, que Jean-Baptiste Lulli, âgé de 54 ans, frappe son pied de sa canne alors qu’il bat la mesure. Le lendemain, il présente un volumineux hématome qui se transforme rapidement en un abcès malgré les différents cataplasmes qu’on lui a appliqués.
L’abcès laisse place quelques jours plus tard à une gangrène. Le médecin consulté propose de réaliser l’amputation de l’orteil, ce que refuse formellement Lulli. La gangrène gagne progressivement la jambe puis la cuisse. Le 22 mars 1687, après une lente agonie, Lulli qui sent venir la fin fait appel à un prêtre. Pour le plus grand désespoir de Lulli, ce dernier qui est un casuiste sévère demande à Lulli de détruire la partition de l’opéra qu’il est en train de composer, pour prouver sa volonté de se repentir de tous les opéras qu’il a réalisés jusqu’alors. Lulli agonisant désigne au prêtre un tiroir duquel le prêtre extrait la partition d’
Achille et Polyxène. Le fils de Lulli hurle alors : «
Père, vous n’avez pas le droit de détruire cette partition ». Lulli qui agonise lui murmure tout doucement : «
Tais-toi, j’ai une autre copie!…». Lulli dans ses dernières volontés demande qu’on l’allonge dans un lit de cendres, qu’on lui place une corde autour du cou, puis il compose un dernier air qu’il intitule : «
Il faut mourir pécheur ».
Peinture et médecine
La leçon d’anatomie du docteur Tulp Rembrandt. 1632
Musée Marithuis, La Haye
Ce tableau commandé par le docteur Tulp est le plus célèbre de toutes les peintures traitant de la médecine, exécutée par Rembrandt. Cet éminent médecin d’Amsterdam membre de la guilde des chirurgiens d’Amsterdam qui était également conseiller municipal, s’intéressait particulièrement aux altérations produites par les maladies sur les organes et donc à la cause de la mort. Au pied du cadavre nu en parfait état de conservation qui apparaît lumineux reposant sur une table, il y a le célèbre traité d’anatomie de Vésale illustré par Van Calcar, qui est placé dans l’obscurité. Le contraste entre le corps et le livre est une manière pour Rembrandt de souligner l’importance de la dissection pour la recherche médicale. Le docteur Tulp mime les mouvements d’extension et de flexion expliquant ainsi les fonctions des muscles qu’il est en train de disséquer. La dissection se déroule avec une grande finesse, permettant d’individualiser nettement les différents muscles et tendons, la vascularisation, la structure osseuse du membre supérieur. Le Docteur Tulp est assis et dirige la séance. Il est entouré de sept spectateurs dont certains fixent avec attention ses gestes. L’intensité de l’échange intellectuel entre l’opérateur et les personnages est manifeste.
Gerrit Dou, 1662. Musée du Louvre, Paris
Ce tableau réalisé par Gerrit Dou, disciple de Rembrandt représente une femme qui souffre d’un œdème au pied droit, soignée par une servante, tandis que sa fille la réconforte, en lui tenant la main. Elle souffre probablement d’une insuffisance
cardiaque comme le laisse supposer l’œdème de la cheville droite en partie débordant de la pantoufle, l’abdomen apparaissant gonflé sous la chemise blanche et le flacon d’urine rare et concentrée. Le médecin élégamment vêtu examine, à contre-jour, le flacon d’urine. L’uroscopie qui constitue alors un véritable phénomène de mode était censé permettre de poser le diagnostic de toutes les maladies.
Le docteur ou l’examen des urines
Gerrit Dou (1613-1665). Musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg
Ce tableau représente un médecin dans son cabinet examinant les urines d’un patient absent. Une servante qui se trouve à ses côtés reçoit ses recommandations.
Quirin van Breckelenkam. Vers 1620
Ce tableau illustre une saignée réalisée par une opératrice et non un médecin. Elle est réalisée à l’aide d’une lancette sur le dos de la main tandis que le sang est recueilli dans un pot de chambre.
La Femme à barbe des Abruzzes
José de Ribera, 1631. Hôpital de Tavera, Tolède
Ce tableau, qui est une commande du duc d’Alcalà, vice-roi de Naples, représente Magdalena Ventura, une femme originaire de la région des Abruzzes qui, à trente-sept ans et après avoir mis au monde trois fils, fut atteinte de virilisme. En 1631, elle s’installa à Naples où, elle donna naissance à un nouvel enfant. La femme à barbe apparaît sur le tableau avec son mari qui manifeste de la compassion pour elle. Le moindre malentendu sur son sexe est dissipé dans cette représentation où on la voit donner le sein droit à sa fille. À ses côtés, il y a à la fois un fuseau pour filer la laine qui illustre les tâches domestiques de la femme et un escargot considéré comme un symbole d’hermaphrodisme. Sur le piédestal, il y a une longue légende en latin commençant par ces mots : « En magnum naturae miraculum » (Voici un grand miracle de la nature), relatant l’histoire de Magdalena. Tout comme son mari, figuré l’air contrit à l’arrière-plan, ce texte semble solliciter notre compassion pour son infortune.
Portrait du nain Don Sebastiàn de Morra
Diego Velázquez, 1645. Musée du Prado, Madrid
En 1645, Diego Velázquez a réalisé le portrait de Sebastian de Morra qui était un nain typique, souffrant d’achondroplasie, qu’il avait déjà représenté dans Le Prince Balthasar Carlos au manège royal avec le comte-duc d’Olivares, avant qu’il parte pour les Flandres servir à la cour du cardinal Don Fernando, frère de Philippe IV. À la mort du cardinal, en 1641, Sebastiàn de Morra est revenu en Espagne, où il a été assigné au service du prince héritier Balthasar Carlos. Dans ce tableau, Velázquez traite son modèle avec le même respect qu’il avait témoigné aux nobles dont il avait réalisé le portrait. Il tente de réduire l’importance des difformités en lui faisant arborer un vêtement pourpre et or, au col et aux ornés de fine dentelle, qui dissimulent ses jambes arquées. Sebastiàn de Morra arbore un regard arrogant, qui dénote une personnalité forte et incisive.
Theodor Rombouts, 1627-1628. Musée du Prado, Madrid
Ce tableau représente un arracheur de dents s’apprêtant à réaliser l’extraction d’une dent malade. Il arbore fièrement un collier composé de molaires, qui est le témoignage de son expérience. Un assistant est présent à ses côtés. Il montre à un autre patient les différents instruments chirurgicaux employés pour l’extraction : le forceps en bec de canard, le pélican, le poinçon et la fraise. Est déposé sur la table un ensemble de parchemins et documents supposés attester de la compétence de l‘arracheur de dents.
Pour en savoir plus
French, R., William Harvey’s natural philosophy. (1994) Cambridge Univ. Press, Cambridge.
French, R.; Wear, A., The medical revolution of the seventeenth century. (1989) Cambridge University Press, Cambridge.
Grmek, M., D. La première révolution biologique : réflexions sur la physiologie et la médecine du XVIIe siècle. (1990) Payot, Paris.
Harvey, G., Etude anatomique du mouvement du cœur et du sang chez les animaux. Aperçu historique et traduction française par Charles Laubry. (1950) G. Doin, Paris.
Lebrun, F., Se soigner autrefois : médecins, saints et sorciers aux 17e et 18e siècles. (1995) Seuil, Paris.
Lévy-valensi, J., La médecine et les médecins français au XVIIe siècle. (1933) J.-B. Baillière et fils, Paris.
Millepierres, F., La Vie quotidienne des médecins au temps de Molière. (1983) Librairie générale française, Paris.
Peumery, J.-J., Les mandarins du grand siècle. (1999) Institut Sanofi-Synthélabo, Paris.