13. Médecine du XVIIIe siècle
1762 : découverte des microbes par Marcus Anton von Plenciz
1774 : isolement de l’oxygène par Joseph Priestley
1779 : publication du Système de politique médicale par Johann Peter Franck
1796 : première vaccination antivariolique sur James Philipps par Edward Jenner
1743 : fondation en France de l’Académie royale de chirurgie
1781 : publication du Traité des accouchements par Jean-Louis Baudelocque
Contexte historique
Le XVIIIe siècle est connu sous le nom de « siècle des Lumières » en raison de l’intense activité intellectuelle des écrivains et des philosophes qui ont remis en question les connaissances traditionnelles. Mais il est aussi appelé « siècle des révolutions » en raison des profondes mutations qui ont eu lieu sur les plans économique, politique, scientifique, artistique et social. L’Angleterre a été considérée comme l’instigatrice des mouvements idéologiques qui ont supprimé l’absolutisme et l’intolérance. Elle est également novatrice dans le domaine de l’industrialisation avec l’introduction à la fin du XVIIIe siècle de la machine à vapeur et de la mécanisation dans les fabriques. La population urbaine s’est accrue avec l’apparition d’un groupe social. Sous l’influence des idées propagées par les philosophes, de nombreux pays ont remis en question leur gouvernement. En Amérique du Nord, les colonies britanniques ont acquis leur indépendance. En 1789, la Révolution française a mis fin à la royauté.
Faits essentiels
La médecine du siècle des Lumières a été marquée par le développement de la physiologie et de l’anatomie pathologique grâce à l’essor de l’expérimentation et au développement des sciences fondamentales. La clinique est restée archaïque avec l’absence de nosologies. Toutefois, des spécialités ont commencé à se dessiner au cours du XVIII
e siècle. Surtout, la première vaccination antivariolique a été réalisée par Edward Jenner. Le mouvement intellectuel amorcé au XVII
e siècle a trouvé son plein essor au siècle des Lumières. La chirurgie a fait un bond en avant avec une ébauche de spécialisation. Ce siècle a été marqué par la réhabilitation des chirurgiens français qui pouvaient devenir docteurs. Il y a eu un véritable changement dans l’approche des traitements des troubles psychiatriques.
Pensée médicale
La médecine du XVIIIe siècle a subi l’influence des philosophes. Locke, Leibniz et Condillac ont souligné les limites de la matière et ont envisagé de nouvelles conceptions pour approcher la vie organique. L’homme n’était plus considéré comme un automate mais plutôt comme une étonnante mécanique constituée de fibres, de liquides, de gaz, de leviers et de pompes, complètement séparée de l’âme. Les médecins ont continué à s’intéresser aux modifications subies par l’organisme malade à défaut de pouvoir expliquer les causes exactes des maladies.
La médecine du XVIIIe siècle est marquée par l’avènement d’un grand nombre d’écoles de pensée, plus ou moins métaphysiques, au milieu des mécanistes toujours présents.
Au cours du XVIIIe siècle, à côté des iatrophysiciens et des iatrochimistes qui ont continué à poursuivre leurs démonstrations sur le rôle respectif des lois physiques et chimiques dans les mécanismes biologiques humains, les partisans de trois autres nouvelles théories sont apparus :
■ les vitalistes considéraient que le corps humain était animé par un « élan vital » impossible à matérialiser, complémentaire aux échanges physico-chimiques mais dont l’altération provoquait la maladie. Les chefs de file de cette doctrine étaient Paul Joseph Barthez (1734-1806) et Théophile de Bordeu (1722-1776) qui exerçaient à Montpellier. Ce dernier estimait que l’estomac, le cœur, les testicules et le cerveau sécrétaient des substances spécifiques qui se répartissaient dans le sang, entraînant une modification de l’état de santé. Il est considéré comme le pionnier de l’endocrinologie ;
■ les animistes, avec Georg Ernst Stahl (1660-1734), médecin et chimiste de l’université de Halle comme chef de file estimaient que la vie était due à une « âme sensible », l’anima, qui réglait les échanges à l’intérieur du corps. La maladie était la conséquence d’un dérèglement de l’activité de l’âme. Le stahlisme, ou animisme, était surtout répandu dans les pays protestants de l’Europe du Nord ;
■ les brownistes avec l’Écossais John Brown (1735-1788) comme chef de file concevaient la vie comme le résultat de forces nerveuses répondant plus ou moins à des excitations. Le brownisme a eu de nombreux adeptes en Angleterre, en Allemagne et en Italie.
Les mécanistes, avec Frederich Hoffmann (1660-1742), un médecin allemand de l’université de Halle, estimaient que l’état de santé était sous la dépendance d’un tonus contrôlé par un « éther nerveux » provenant du cerveau. Ce tonus exerçait une force mécanique faisant contracter ou dilater les fibres qui étaient censées composer l’organisme.
Des médecins ont élaboré de nouvelles classifications des maladies en se calquant sur celles utilisées en botanique, en zoologie ou en chimie :
■ l’Écossais William Cullen (1712-1790) a classé les maladies selon les solides et les liquides altérés, selon le manque ou la pléthore, etc ;
■ François Boissier de la croix de Sauvages, à Montpellier, a divisé les maladies en dix grandes catégories dans son ouvrage
La Pathologica methodica en 1759 en s’inspirant des travaux du botaniste Carl von Linné (1707-1778).
Anatomie
Le XVIIIe siècle a été marqué par le développement d’un véritable engouement pour l’anatomie générale.
Dans le domaine de l’anatomie, un certain nombre de médecins se sont illustrés en Europe :
■ en Angleterre, deux frères, William (1718-1783) et John (1728-1793) et Hunter ont rassemblé plus de 13 000 spécimens anatomiques, ont disséqué plus de 500 espèces d’animaux et ont amélioré les connaissances dans le domaine de la chirurgie et de la pathologie expérimentales. William Hunter a fondé la célèbre Great Windmill Street School of Anatomy de Londres ;
■ en Allemagne, les trois générations de Meckel (le grand-père Johan Friedrich, le fils Philip Friedrich Theodor et le petit-fils Johan Friedrich) et Bernhard Siegfried Albinus (1697-1770) ont contribué à la renommée de l’école allemande d’anatomie ;
■ en Italie, Antonio Scarpa (1747-1832) qui enseignait à Pavie a contribué à améliorer la connaissance anatomique des nerfs cérébrospinaux, des plexus et des ganglions nerveux, des oreilles, des yeux et des membres inférieurs ;
■ en France, le Danois Jacques Bénigne Winslow (1669-1750), professeur d’anatomie au Jardin du roi à Paris, a contribué à améliorer l’étude de la cavité abdominale et du fonctionnement du diaphragme ;
■ en Écosse, les deux Monro, père et fils, des Écossais, ont contribué à étendre la réputation de l’école d’Edimbourg.
Ce siècle a encore été marqué par le grand développement des cires anatomiques (véritables œuvres artistiques réalisées par Mascagni, Fontana ou Fragonard).
Toutefois cette période a été marquée par la naissance de nouvelles spécialités comme l’anatomie comparée, l’anatomopathologie et l’embryologie.
Anatomie comparée
L’anatomie comparée consistait en l’étude, à travers le règne animal, de l’évolution structurelle et des adaptations, anatomique et physiologique, des organismes en réponse aux caractéristiques de leur environnement. Deux savants ont participé activement au développement de cette discipline :
■ Georges Buffon (1707-1788) a effectué un colossal travail de recherche sur l’anatomie comparée. Il a traité de ce sujet sur les quinze premiers volumes des trente-six que comportait son ouvrage Histoire naturelle, générale et particulière publié de 1749 à 1804 ;
■ le baron Georges Cuvier (1769-1832) a réalisé un travail de synthèse important sur l’anatomie comparée et écrit une encyclopédie, en neuf volumes, intitulée Le règne animal distribué d’après son organisation.
Développement de l’histologie
L’histologie a progressé au XVIII
e siècle avec l’amélioration du microscope, l’invention du microtome, appareil utilisé pour découper de fines sections de tissus animaux ou végétaux, et la mise au point de techniques de coloration. Xavier
Bichat (1771-1802) a ouvert le champ de l’étude de l’histologie. Il a relaté les similitudes entre tissus topographiquement différents, ce qui lui a permis de définir trois catégories : les tissus nerveux, musculaires et conjonctifs.
Embryologie
Les travaux de l’anatomiste allemand Kaspar Friedrich Wolff (1735-1794) de Berlin ont permis de faire progresser la compréhension de l’embryologie du rein et de l’appareil génital masculin. Il a donné son nom au canal et au corps de Wolff ou mésonéphros qui est à l’origine de la partie excrétrice du rein et de l’appareil génital masculin. Il était partisan de la théorie de l’épigenèse qui reposait sur le concept de l’élaboration de l’embryon par division d’une seule matière non différenciée.
Anatomopathologie
Jean-Baptiste Morgagni (1682-1771) qui a occupé la chaire d’anatomie de la célèbre faculté de Padoue a développé l’étude des tissus lésés recueillis sur les cadavres au cours des séances de dissection. Il a tenté d’établir une corrélation entre la symptomatologie clinique et l’anatomopathologie.
Son livre Adversaria Anatomica prima paru en 1719 a permis d’améliorer les connaissances anatomiques. Mais sa grande œuvre a été l’ouvrage intitulé De sedibus et causis perum per anatomen indagatis (Du siège et des causes des maladies étudiées à l’aide de l’anatomie), dans lequel il a décrit la structure et les rapports dans l’espace des différents organes et tissus à partir des résultats de 640 dissections.
Physiologie
La physiologie est devenue une science bien individualisée à partir de la deuxième moitié du XVIIIe siècle.
Essor de la physiologie neuromusculaire
La physiologie neuromusculaire a progressé grâce à :
■ Albrecht von Haller (1708-1777), médecin suisse, qui a étudié le système nerveux. Il a rejeté le concept en vigueur sur la théorie du fluide nerveux. Il a confirmé expérimentalement le concept d’irritabilité, propriété qu’ont certaines parties de l’organisme humain de se contracter lorsqu’on les touche sans que cela entraîne de douleurs. Il a établi que la contraction était provoquée par les muscles tandis que la sensibilité était sous la dépendance des fibres nerveuses. Il a défini les relations entre le cerveau et les fibres nerveuses. Albrecht von Haller est considéré comme le pionnier de la pensée moderne en physiologie. Il a laissé une œuvre considérable avec près de 14 000 lettres, 2 000 articles scientifiques et surtout un ouvrage intitulé Elementa physiologiae corporis humani, qui a été publié entre 1757 et 1766 (9 vol.) ;
■ Luigi Galvani (1737-1798) qui a émis l’hypothèse d’un influx électrique propre aux tissus. Il a montré qu’une décharge électrique à distance provoquait une contraction de la cuisse de la grenouille suggérant ainsi que l’influx nerveux était lui-même bel et bien de l’électricité ;
■ Alessandro Volta (1745-1827), l’inventeur de la pile électrique, qui a découvert le phénomène physiologique de l’électrostimulation, et l’a appliqué à la surdité.
Développement de la physiologie respiratoire
La physiologie respiratoire a progressé grâce aux travaux de :
■ Joseph Priestley (1733-1804) et Karl Wilhelm Scheele (1742-1804) qui ont réussi à isoler l’oxygène dans l’air ;
■ Antoine-Laurent Lavoisier (1743-1804) qui a livré l’explication du mécanisme de la respiration (absorption d’oxygène et rejet d’oxyde de carbone et de vapeur d’eau) jusque-là presque ignoré. Il a démontré que l’air était composé d’oxygène ainsi que d’azote. Son association avec Laplace a été importante, puisqu’elle a abouti à la compréhension du mécanisme de la transpiration et de la respiration cutanée.
Les autres travaux en physiologie
D’autres physiologistes ont réalisé des travaux intéressants :
■ René Réaumur (1683-1757) a déterminé la composition chimique du suc gastrique et a livré une explication de son mode d’action ;
■ Jean Astruc (1684-1766) a effectué des travaux sur la digestion et étudié l’action de la salive, de la bile et des sécrétions pancréatiques ;
■ Lazzaro Spallanzani (1729-1799), expérimentateur ingénieux, a réalisé d’importants travaux sur la reproduction, l’hémodynamique et la digestion. Il a réalisé en 1777 la première expérience de fécondation artificielle en arrosant des œufs de crapaud pris chez la femelle avec du sperme de crapaud mâle, puis il a effectué une fécondation artificielle chez une chienne. Il a étudié la digestion en faisant avaler à des dindons des éponges attachées à un fil qu’il réétudiait ensuite pour démontrer l’action du suc gastrique. Il est considéré comme le pionnier de la microbiologie. Il a été le premier à cultiver des microbes en utilisant un milieu nutritif constitué de jus de viande. Il a démontré à cette occasion que les microbes ne poussaient pas si le jus de viande avait préalablement été bouilli et mis à l’abri de l’air. En revanche, il avait observé que si le liquide venait en contact avec l’air, les microbes se multipliaient. Cette expérience lui a permis de réfuter la théorie de la génération spontanée considérée alors comme acquise. Il a mis en évidence le fait que les microbes se multipliaient en se divisant par deux, puis encore par deux. À la suite des travaux de Spallanzani, un certain nombre de chercheurs ont continué à observer et à décrire des microbes sans suspecter leur importance écologique, épidémiologique et économique ;
■ Stephen Hales (1677-1761), fondateur de la physiologie végétale, a réalisé la première mesure des pressions sanguines artérielle et veineuse chez la jument.
Essor de la chirurgie
Le XVIII
e siècle va être marqué par des progrès sensibles dans le domaine de la chirurgie. Au début du siècle, les chirurgiens étaient toujours dominés sur le plan intellectuel par les médecins qui restaient les seuls aptes à juger de l’opportunité
des interventions chirurgicales. Ce siècle est marqué d’abord par la réhabilitation des chirurgiens français qui ont pu devenir docteurs, puis par la fondation de l’Académie royale de chirurgie en 1731 et enfin par le décret royal de 1743 qui a interdit aux barbiers toute pratique chirurgicale à l’exception des interventions mineures. En France, cette situation a changé grâce à quelques hommes qui ont contribué à donner des lettres de noblesse à la chirurgie pour en faire un art :
■ Jean-Louis Petit (1674-1750) a été le chirurgien le plus prestigieux du XVIIIe siècle. Il a été le premier à refuser de prêter serment devant le doyen de la faculté de médecine car cela reconnaissait la suprématie de la médecine sur la chirurgie. Il a réalisé un certain nombre d’innovations en matière de technique opératoire en réalisant les premières paracentèses, la première trépanation de la mastoïde. Ce brillant chirurgien a mis en évidence le phénomène de l’hémostase et il a inventé le garrot en 1744. Il a rédigé un Traité sur les maladies des os de grande valeur, et a décrit magistralement les entorses, les ruptures du tendon d’Achille, la cholécystite. Il a participé au rayonnement de la chirurgie française qui est devenue si renommée que l’empereur Frédéric II de Prusse envoyait ses cadets recevoir leur formation médicale militaire en France ;
■ Pierre Desault (1744-1795) a inventé un certain nombre de techniques chirurgicales telles que les techniques de bandage pour les fractures de la clavicule et l’extension continue pour certaines fractures. Desault a mis au point un nouveau procédé de ligature des polypes, et il a réglé l’usage des sondes élastiques dans les cathétérismes et les tubages. Il a fondé en 1791 le Journal de Chirurgie ;
■ Georges Mareschal (1658-1738), premier chirurgien de Louis XIV et fondateur de l’Académie de chirurgie, a vulgarisé l’opération de la taille des calculs vésicaux avec incision latérale ;
■ François La Peyronie (1678-1747) de Montpellier a obtenu la séparation entre les chirurgiens et les barbiers ;
■ Pichault de La Martinière (1696-1778) a créé quatre hôpitaux d’instruction des armées en 1774 pour former les médecins militaires.
La Grande-Bretagne a compté également de grands chirurgiens avec :
■ William Cheselden (1688-1752), chirurgien à l’hôpital St Thomas de Londres. Il était réputé pour sa dextérité et sa rapidité qui constituaient des atouts à une période où il n’y avait pas d’anesthésie. Il était capable de couper une jambe en dix secondes et d’extraire un calcul de la vessie en moins d’une minute ;
■ Percival Pott (1714-1788), qui est bien connu pour sa description de l’effondrement de la colonne vertébrale, le mal de Pott, et la fracture malléolaire qui porte son nom ;
■ John Hunter (1728-1793), anatomiste distingué qui a été un précurseur de la chirurgie vasculaire. Il est mort victime d’une expérience qu’il avait réalisée sur lui-même : l’auto-inoculation de la syphilis et de la blennorragie afin d’en étudier la dualité ;
■ John Abernethy (1764-1831), chirurgien au St Bartholomew Hospital de Londres qui a été le premier à réaliser la ligature de l’artère iliaque externe en cas d’anévrysme de l’artère crurale ;
■ Alexander Monro (1697-1767) qui a soulevé l’intérêt qu’il y avait à protéger de l’air les fractures ouvertes.
Le XVIIIe siècle marque la naissance de la chirurgie moderne. Il était dispensé un véritable enseignement qui avait lieu au lit du malade, les chirurgiens ont affiné leur sémiologie qui est devenue rigoureuse. Toutefois, l’acte opératoire était limité en raison des risques d’infection purulente, de septicémie. Les interventions au niveau du thorax et de l’abdomen étaient formellement proscrites. Pour évoluer, il fallait trouver le moyen de lutter contre ce qui constituait la hantise des chirurgiens, la douleur et l’infection.
Développement de l’obstétrique
L’obstétrique a progressé au cours du XVIIIe siècle sous l’impulsion de :
■ Jean-Louis Baudelocque (1745-1810) qui a contribué à faire de l’obstétrique une science. Il a été le premier titulaire de la chaire d’obstétrique à l’École de santé, devenue la faculté de médecine de Paris. Il a fondé en 1802 l’école des sages-femmes. Il est l’auteur de nombreux traités dont L’Art des accouchements (1781) dans lequel il insistait sur l’intérêt de la pelvimétrie systématique et sur l’indication de l’utilisation des forceps, de la pubiotomie, de la symphysectomie et de la césarienne ;
■ William Smellie (1697-1763), professeur d’obstétrique à Londres qui a inventé un forceps muni d’une longue courbure et de lanières de cuir pour éviter le contact avec le métal.
Essor de l’ophtalmologie
L’ophtalmologie a progressé au cours du XVIIIe siècle sous l’impulsion de l’école française avec :
■ Michel Brisseau (1676-1743) qui a différencié le glaucome de la cataracte dont il a affirmé qu’elle siégeait dans le cristallin ;
■ François Foufour Petit (1664-1741), à Montpellier, fondateur de la biométrie oculaire ;
■ Maître Jan, qui a livré en 1709 la première description du décollement de la rétine ;
■ Jacques Daviel (1693-1762) qui a mis au point l’extraction « extracapsulaire » du cristallin en 1745.
Innovations médicales
Sur le plan médical, quelques cliniciens ont réalisé des travaux qui ont permis d’anticiper les progrès de la médecine clinique qui devaient se dérouler au siècle suivant :
■ Xavier Bichat (1771-1802), qui était à la fois un excellent anatomiste et un talentueux physiologiste, considérait la vie comme « la somme totale des fonctions qui résistent à la mort ». Il a créé l’école de médecine biologique française ;
■ Jean-Baptiste Sénac (1693-1770) est un des pionniers de la cardiologie moderne ;
■ William Heberden (1710-1801) a réalisé la première description de l’angine de poitrine et a fait la première distinction entre les nodules arthrosiques et les tophus goutteux ;
■ Caleb Hillier Parry (1755-1822) a réalisé la première description du goitre exophtalmique ;
■ Leopold Auenbrügger (1722-1809) a défini le procédé de la percussion après avoir observé son père qui était aubergiste en train de frapper les tonneaux avec un maillet pour juger de l’importance de leur contenu.
Innovations psychiatriques
Au cours du XVIIIe siècle, on a assisté à un changement dans l’approche des traitements des troubles psychiatriques.
Quatre médecins ont incarné le bouleversement de cette spécialité :
■ Philippe Pinel (1745-1826), partisan du vitalisme, est considéré comme le pionnier de la psychiatrie moderne. Il est célèbre pour avoir rompu les chaînes qui entravaient 49 aliénés enfermés à Bicêtre ;
■ Franz Joseph Gall (1758-1828) a fondé la phrénologie qui attribue à chaque fonction mentale une zone du cerveau ;
■ William Tuke (1732-1822), quaker anglais, a milité pour une thérapeutique plus humaine des maladies mentales ;
■ Georges Baker (1722-1809) est considéré comme le pionnier de la médecine psychosomatique.
Le charlatanisme
Le XVIIIe siècle a été marqué par l’essor du charlatanisme avec des individus qui ont eu parfois des réputations importantes :
■ Joanna Stephens prétendait avoir découvert un produit miracle susceptible de dissoudre tous les calculs urinaires ;
■ Franz Anton Mesmer (1734-1815) prétendait guérir toutes les maladies à l’aide du magnétisme. Cette thérapeutique reposait sur la soi-disant théorie du fluide magnétique produit par tout corps vivant qui provoquait une force particulière. Sa méthode consistait à réunir ses patients autour d’un baquet contenant notamment de l’acide sulfurique dilué, d’où émergeaient des tiges de fer. Les malades, mis en contact les uns avec les autres, devaient appliquer ces barres sur l’endroit ou siégeait leur affection. Il a créé à Paris un Institut magnétique qui a eu un énorme succès.
La santé publique
La vaccination antivariolique
La santé publique a fait un grand pas au dix-huitième siècle avec la découverte de la vaccination. Le procédé de variolisation avait été importé de Constantinople (où il avait été utilisé dès 1701 par Giacomo Pylarini) par Lady Mary Wortley Montagu (épouse de l’ambassadeur d’Angleterre en Turquie) et avait été introduit à Versailles par le Docteur Théodore Tronchin (1709-1781). Cette technique d’inoculation, parfois dangereuse, a été remplacée à partir de 1796 par l’invention de la vaccination antivariolique d’Edward Jenner
(1749-1823), médecin de campagne britannique. Cette invention constitue la découverte la plus importante du XVII
e siècle. Son idée lui était venue après qu’il eut constaté que les fermières dont les mains étaient en contact avec le pis des vaches lors de la traite ne contractaient jamais la variole. Or ces animaux étaient touchés par une maladie, le
cow-pox (ou vaccine), qui semblait être à l’origine de l’immunisation contre la variole. Pendant près de 20 ans, Jenner a étudié, testé et séparé la vaccine des autres éruptions des bovidés. Le 14 mai 1796, il a eu l’idée de réaliser l’inoculation à un jeune garçon nommé James Philips du contenu du pus prélevé à partir d’une pustule de paysanne, qui avait contracté la vaccine. Il a noté la survenue d’une pustule au point d’injection 10 jours après qui a guéri sans incident. Jenner a alors tenté d’inoculer la variole à l’enfant à partir du pus prélevé de pustules varioliques humaines plus d’une vingtaine de fois, mais sans résultat. Jenner avait prouvé que le pus de la vaccine introduit par scarification dans l’organisme humain permettait de le protéger de la variole. On a donné le nom de « vaccin » à ce procédé nouveau par référence au mot latin
vaca qui signifie « vache ». Cette expérience a été rapportée par Jenner, dans un article soumis à la Société royale de médecine. Il a été refusé et critiqué par ses adversaires (Woodvile et Pearson) qui s’insurgeaient contre le fait que Jenner veuille être considéré comme l’inventeur de la méthode, alors que celle ci était connue et déjà pratiquée.
Jenner n’a pas été découragé et a entrepris d’autres expériences. La méthode de Jenner a été appliquée dès 1803 en Orient, en Asie, aux Antilles et en Amérique méridionale. L’Angleterre l’a adopté mais la vaccination n’y a jamais été obligatoire, contrairement à la France où elle l’est devenue en 1902.
L’hygiène publique
Le souci de l’hygiène publique et de la préservation de la santé publique a commencé à préoccuper les pouvoirs publics. Cela a entraîné un changement dans la réglementation sur les établissements de travail dangereux, un déplacement des cimetières en périphérie des villes, une amélioration des conditions d’internement des prisonniers, la réglementation des usines chimiques ou des abattoirs et un aménagement d’égouts dans les grandes agglomérations.
Il y a eu un certain nombre d’innovations dans le domaine de la santé publique :
■ André Simon Tissot (1728-1791) a insisté dans son ouvrage intitulé Avis au peuple sur sa santé, ou Traité des maladies les plus fréquentes, destiné au grand public et paru en 1761, sur l’intérêt de l’aération des logis, sur l’importance des exercices physiques et sur la nécessité d’une bonne hygiène alimentaire ;
■ l’économiste allemand Gottfried Achenwall (1719-1772) a souligné pour chaque nation l’importance qu’il y avait à tenir à jour un registre des naissances, des décès, des maladies et des épidémies ;
■ Félix Vicq d’Azyr (1748-1794), secrétaire de la Société royale de médecine, a constitué un réseau national de correspondants afin de notifier les éventuelles épidémies, l’état de nutrition de la population, son habitat ou encore son hygiène de vie ;
■ Georges Baker (1722-1809) a établi la relation entre la mortalité à la suite des « coliques de Devonshire » et les empoisonnements par le plomb qui recouvrait les cuves à cidre ;
■ James Lind (1716-1796) est considéré comme le pionnier de l’hygiène navale. Il a établi les vertus du jus de citron et du jus d’orange dans la prévention du scorbut.
Thérapeutiques disponibles
Dans l’ensemble, la thérapeutique a peu évolué au XVIIIe siècle. Les anciennes thérapeutiques étaient encore utilisées. Toutefois, il est apparu dans la pharmacopée deux substances intéressantes :
■ la digitale pourprée dont l’intérêt dans le traitement de l’hydropisie a été souligné par William Withering (1741-1799) en 1785. Il a découvert l’activité thérapeutique de cette molécule grâce à une guérisseuse et il a réalisé la première expérimentation en faisant boire une infusion de digitale à son confrère le docteur Cawley atteint d’hydropisie ;
■ la colchique qui a commencé à être employée dans le traitement de la goutte.
La mode était de disposer d’un remède miraculeux comme la « jouvence de l’abbé Soury » qui était un cocktail de onze plantes dont la recette établie en 1764 était tenue rigoureusement secrète.
Les « pharmaciens » ont remplacé progressivement les « apothicaires » au cours du XVIIIe siècle.
Enseignement
Il y a eu une évolution de l’enseignement de la médecine. Plusieurs facultés bénéficiaient d’une excellente réputation en raison bien souvent du charisme de certains de leurs enseignants :
■ l’université de Leyde avec la personnalité charismatique d’Hermann Boerhaave (1668-1738) qui préconisait l’enseignement des étudiants au lit des malades et qui soulignait l’intérêt de réaliser les dissections des patients décédés afin
d’établir la corrélation entre les manifestations cliniques et l’altération des tissus. Un autre enseignant a marqué cette université, l’anatomiste Bernhard Siegfried Albinus (1697-1770) ;
■ l’université de Vienne avec Leopold Auenbrügger (1722-1809) ;
■ l’université d’Edimbourg en Écosse avec l’anatomiste Alexander Monro (1697-1767).
Hospitalisation
À la fin du XVIIIe siècle, sous l’impulsion des idées développées par les penseurs et philosophes, les structures hospitalières ont commencé à être remises en question : « Ces établissements ne feraient qu’augmenter le nombre de pauvres par la certitude de secours, sépareraient les hospitalisés de leur famille, alors qu’au milieu des leurs ils seraient traités avec plus de sollicitude. » Les hôpitaux militaires avaient un statut différent et bénéficiaient d’un peu plus de crédits parce que le roi se devait de bien traiter ses soldats. Madame Necker, sensible aux discours de son compatriote Théodore Tronchin qui prônait l’adoption de mesures d’hygiène et la création de salles communes assez hautes de plafond pour qu’on y puisse respirer, a fait édifier à Paris, en 1778, l’établissement qui porte son nom. En effet, selon un rapport de Jacques Tenon (1724-1816), Mémoire sur les hôpitaux de Paris, paru en 1788, les hôpitaux étaient dans un triste état et servaient toujours plus de refuges que de lieux de soins. À partir de 1789, la gestion des établissements hospitaliers a été attribuée aux municipalités avec pour conséquence une désorganisation liée aux importants problèmes de personnel. Les lits restaient trop serrés, les malades non valides ne bénéficiaient d’aucun soin de propreté, ce qui favorisait le développement d’épidémies qui s’abattaient aussi bien sur les patients que sur le personnel hospitalier, présent 24 heures sur 24.
Médecins célèbres
Marie François Bichat (1771-1802)
Surnommé le « Napoléon de la médecine », ce fils d’un médecin du Jura a fait ses études à Lyon, Montpellier et Paris. En 1796, à 25 ans, il a fondé avec Corvisart la Société médicale d’émulation de Paris. Ses travaux reposent sur les centaines de dissections qu’il a réalisées. Il est considéré comme le fondateur de la théorie tissulaire en médecine avec la publication en 1799 du
Traité des membranes en général et des diverses membranes en particulier dans lequel il a individualisé pour la première fois la notion de tissu en histologie et en a décrit 21 variétés selon leurs caractères distinctifs et leurs maladies propres. En 1800, il a été nommé médecin de l’hôtel-Dieu où il a appliqué scrupuleusement la méthode anatomoclinique. C’était un travailleur infatigable et un excellent enseignant qui a publié de nombreux ouvrages. En 1800, il a publié ses magistrales
Recherches physiologiques sur la vie et la mort dans lesquelles il a différencié la « vie animale » et la « vie organique ». Il a donné une brillante définition scientifique de la vie : « la vie est somme totale des fonctions qui résistent à la mort ». En 1801, il a publié
Anatomie générale appliquée à laphysiologie et à la médecine et a commencé son monumental
Traité d’anatomie descriptive qui comprenait 5 volumes inachevés, en raison de son décès prématuré.
Il a présenté à l’âge de 31 ans en 1802 dans le grand escalier d’honneur de l’hôtel-Dieu la première attaque de tuberculose qui l’a emporté en 14 jours seulement malgré les soins de Corvisart. Corvisart a prononcé son éloge funèbre : « Personne, en si peu de temps, n’a fait autant de choses et aussi bien ».
Philippe Pinel (1745-1826)
Philippe Pinel est célèbre pour la lutte implacable qu’il a menée pour l’humanisation des conditions de vie des aliénés dans les asiles.
Ce fils d’un médecin du Tarn a fait ses études de médecine à Montpellier et à Toulouse. Il s’est rendu ensuite à Paris.
Nommé médecin-chef à Bicêtre en 1793, il a fait libérer les aliénés de leurs chaînes. Il est nommé à la Salpêtrière en 1795. Il a permis la reconnaissance de l’autorité du médecin-psychiatre dans les asiles, autorité qui a remplacé celle détenue jusqu’alors par le lieutenant de police. Il est l’auteur d’un ouvrage publié en 1784 intitulé Nosographie philosophique ou de la méthode de l’analyse appliquée à la médecine et du Traité médico-philosophique sur l’aliénation mentale ou la manie paru en 1801 qui ont largement contribué à l’amélioration du sort des aliénés. Ce clinicien a réalisé en pleine Révolution française, en 1793, un acte riche de signification dans le service des aliénés de Bicêtre. Il a fait retirer les chaînes des aliénés et a essayé de transformer le régime carcéral qui leur était imposé. Sur le plan thérapeutique, il a insisté sur le rôle de l’hygiène, de l’alimentation et sur le nécessaire climat de confiance qu’il fallait établir avec les patients souffrant de troubles mentaux. Il a réalisé une nouvelle classification des maladies mentales, fondée sur l’observation.
Grande épidémie : la peste de Marseille
Le 27 mai 1720, contrairement aux règlements de la police sanitaire, les autorités ont autorisé le capitaine du navire « Le grand Saint-Antoine » en provenance du Levant à faire débarquer ses hommes d’équipage alors que la mort de plusieurs matelots au cours de la traversée avait été rapportée. En donnant cette autorisation, les magistrats municipaux, plus intéressés par la cargaison que par les édiles municipaux, ont eu la responsabilité de ce fléau qui a tué entre 1720 et 1722, 40 000 personnes à Marseille et 100 000 en Provence. Devant la gravité de la situation, le régent Philippe d’Orléans a établi des mesures d’isolement qui ont permis de circonscrire l’épidémie de peste à la Provence.
Ils étaient aussi médecins
Antoine Jussieu (1686-1758), Bernard Jussieu (1699-1777)
La famille Jussieu est une famille de botanistes français, d’origine lyonnaise.
Antoine Jussieu, botaniste, professeur au Jardin du Roi (futur Muséum d’histoire naturelle) et son frère Bernard Jussieu, auteur d’une classification naturelle des plantes étaient tous les deux médecins.
Jean-Paul Marat (1743-1793)
Après des études de médecine à Bordeaux puis à Paris, Marat s’est établi comme médecin de 1767 à 1777, en Angleterre et en Écosse. Il y a écrit plusieurs textes comme, dès 1774, Les Chaînes de l’esclavage, une dénonciation de la tyrannie et de la corruption de la Cour. À son retour en France, il est devenu médecin des gardes du comte d’Artois. Marat s’est adonné à l’étude des sciences, à la manière de tant de philosophes de son temps. Il a réalisé des expériences sur le feu (Recherches physiques sur le feu, 1780), sur la lumière (Découvertes sur la lumière, 1780) et sur l’électricité (Recherches sur l’électricité, 1782). Sa notoriété était telle qu’il avait dans son cabinet une clientèle aisée, voire aristocratique. Toutefois, malgré sa réputation de médecin, ses mémoires scientifiques sur les sujets les plus divers ne lui ont pas permis d’entrer à l’Académie des sciences. En revanche, ses textes ont retenu l’attention de Goethe comme celle de Franklin. Son Plan de législation criminelle proposait, en 1780, une profonde réforme de la justice. Les échecs de Marat à l’entrée à l’Académie des sciences sont une explication à son amertume et à son aigreur à la veille de la Révolution. Par ailleurs, il n’a jamais supporté que son Traité sur les principes de l’Homme n’ait pas été reconnu par ses collègues.
Le 12 septembre 1789, Marat a sorti le premier numéro de son journal, L’Ami du Peuple, pour déchaîner les passions populaires et obtenir ce qu’il cherchait à tout prix, la gloire. Marat journaliste ou pamphlétaire devait devenir le dénonciateur des ennemis de la Révolution. Il nourrissait un amour exclusif des masses populaires, dans lesquelles il voyait les éléments les plus efficaces de la Révolution. Il était partisan de mesures énergiques vis-à-vis de ceux qui étaient opposés à un pouvoir révolutionnaire implacable. Sa colère, sa hargne, lui ont valu à plusieurs reprises d’être poursuivi, d’être incarcéré, de devoir s’exiler. Les appels à la vigilance de Marat ont contribué à accroître la psychose obsidionale qui allait marquer tant d’épisodes de la Révolution. Les massacres de Septembre, dont il a été par son intransigeance l’un des responsables, étaient justifiés par le complot monarchiste qui menaçait Jacobin, député de Paris à la Convention. Marat se voulait le porte-parole des sans-culottes, le plus intraitable des Montagnards.
Il allait se trouver bientôt en butte aux attaques des députés plus modérés, élus principalement en province, qui devaient être par la suite connus sous le nom de Girondins et qui voyaient en Marat un des plus représentatifs des Montagnards élus de la capitale. Il a été responsable de l’insurrection du 2 juin 1793 qui a entraîné leur chute. Les haines qu’il suscita aboutirent à son assassinat par Marie-Anne-Charlotte Corday d’Armans, dite Charlotte Corday. Le 13 juillet 1793, alors que Marat prenait un de ses bains qui apaisaient la maladie de peau qui le rongeait, il reçut une jeune Normande qui venait lui dénoncer un complot. C’était Charlotte Corday. Quelques minutes à peine après avoir été mise en présence de Marat qui corrigeait les épreuves de son journal, elle lui enfonça jusqu’au manche son couteau dans le cou. Martyr de la Révolution, Marat fut enterré au Panthéon d’où son corps a été enlevé après Thermidor.
Joseph Ignace Guillotin (Saintes, 1738-Paris, 1814)
Joseph Ignace Guillotin a enseigné l’anatomie, la physiologie et la pathologie à la faculté de médecine de Paris. Il était le médecin personnel du frère du roi Louis XVI. Il était l’ami de Buffon et de Lacepède, mais aussi des artistes et des
écrivains comme Greuze, Voltaire ou Condorcet. Il a fréquenté les cercles politiques où se propageaient les idées nouvelles. Il a été élu député de Paris aux États généraux le 20 mai 1789, aux côtés de Sieyès et de Bailly, puis il a été nommé secrétaire de la Constituante.
Il a été le partisan de la guillotine par souci d’humanité et d’égalité afin d’établir un châtiment qui soit similaire pour tous les coupables, le plus rapide et surtout le moins douloureux possible. Il s’est retiré de la vie politique après avoir été emprisonné sous la Terreur. Il est mort de maladie en 1814, à Paris, refusant que le nom de l’instrument d’exécution auquel il avait donné son nom soit prononcé devant lui.
Jean Antoine Claude Chaptal, comte de Chanteloup (1756-1832)
Après avoir fait des études de médecine à la faculté de médecine de Montpellier, Chaptal a participé à l’implantation en France de l’industrie chimique (acide sulfurique, poudres, colorants) et de l’industrie sucrière. Il est le fondateur des chambres de commerce et de la première école des Arts et Métiers. Il a participé au développement des routes et des canaux et il a favorisé l’introduction du système métrique.
Ces malades célèbres
La variole de Louis XV
Louis XV a été victime d’une erreur médicale dont l’origine remonte à 1728. Cette année-là, le jeune roi âgé de 18 ans présente à Fontainebleau une éruption que les médecins diagnostiquent comme une petite vérole autrement dit une variole. Par la suite, en 1768, la cour de France bénéficie d’une variolisation, sauf Louis XV dont les médecins étaient persuadés qu’il n’en avait pas besoin puisqu’il était censé avoir déjà contracté la maladie. Le 27 avril 1774, alors qu’il se trouve à Trianon en compagnie de Mme Du Barry et de quelques personnes, Louis XV présente des maux de tête et des frissons qui sont suivis d’une éruption trois jours plus tard. Le roi s’exclame alors en se regardant dans son miroir : « Si je n’avais pas eu la petite vérole, je croirais l’avoir présentement ». Tout Versailles est informé de la maladie royale sauf la principale personne concernée : le roi… Après 5 jours d’agonie, le roi meurt le 10 mai 1774. Son corps couvert de pustules croûteuses dégage une fétidité si repoussante qu’il ne subit ni autopsie ni embaumement. Il est transporté à l’abbaye de Saint-Denis dans un cercueil de plomb de sel marin pour retarder la putréfaction du cadavre. Louis XVI succède à son grand-père ; on rapporte qu’en apprenant la mort de Louis XV, le jeune roi aurait pris la main de son épouse Marie-Antoinette en murmurant : « Mon Dieu, protégez-nous, nous sommes trop jeunes pour régner ».
Le phimosis de Louis XVI
Louis XVI a présenté un banal rétrécissement congénital du fourreau préputial auquel les médecins donnent le nom de phimosis dont les conséquences ont été importantes pour l’histoire de France. En effet le jeune roi, qui a de grandes
difficultés à accomplir son devoir conjugal, attendra plus de huit ans avant d’avoir un héritier, ce qui contribue à le ridiculiser et à augmenter grandement l’impopularité de son épouse Marie-Antoinette, surnommée « L’Autrichienne ». Certains écrivent des pamphlets qui circulent sous le manteau :
« Malgré tant et tant de leçons
Dont on lui fait bonne mesure,
Louis ne sait de quelle façon
Mettre la clef dans la serrure
Pour qu’il en trouve l’ouverture,
Faudra-t-il vraiment que Gamain
Tout comme un maître d’écriture,
Un beau soir lui tienne… la main ? »
De toutes parts, les épigrammes pleuvent pour lui trouver des excuses. En voici un qui fit le tour de Paris :
« Le grand ménage couronné
Est du mot puce enfariné
Mais chacun l’est à sa manière
La reine a le “puce” inhérent
Le roi a le prépuce adhérent
C’est le pré qui gâte l’affaire »
Il faut attendre l’année 1778 pour que Louis se décide enfin à se faire opérer par Lassonne, son chirurgien. Dans les jours qui suivent, Louis écrit : « J’aime beaucoup le plaisir et je regrette de l’avoir ignoré pendant tant de temps !». Marie-Antoinette accouche un an plus tard de son premier enfant. Qu’importe, la popularité du roi Louis XVI et de son épouse est bien entamée. Louis XVI est considéré comme un roi indolent, sans caractère, qui se laisse mener par sa femme et par tous ses ministres. En outre, les finances de la France sont désastreuses, ce qui contribue à monter la France contre son roi. Un certain nombre de facteurs va contribuer à la Révolution française : la guerre d’indépendance américaine qui a coûté très cher, les récoltes de 1787 et de 1788 qui ont été détruites par le mauvais temps, la levée d’impôts successifs et surtout les idées nouvelles défendues par les philosophes dans les nombreux journaux de l’époque.
L’angor de Mirabeau
Mirabeau a été considéré comme le plus grand orateur de l’Assemblée constituante. Il s’est rendu célèbre en prononçant son fameux : «
Nous sommes ici par la volonté du peuple, nous n’en sortirons que par la force des baïonnettes ». L’étude de sa correspondance montre que Mirabeau a souffert au moment de la Révolution française d’un cortège de signes de : «
suffocations diaboliques », de
«
battements de cœur inconcevables », d’«
état d’oppression », d’«
obscurcissement presque absolu (de la vue) le soir ». Tout laisse à penser que l’illustre révolutionnaire a présenté de nombreux épisodes d’angor et qu’il souffrait également d’une insuffisance cardiaque : «
Les bras et la poitrine étaient attaqués par intervalles d’un rhumatisme vague, qui n’occasionnait pas des souffrances aiguës, mais qui ne se terminait aussi par aucune crise complète ». Il est probable qu’il a présenté des troubles neurologiques en rapport avec ses troubles cardiovasculaires : «
Quelques membres de l’Assemblée m’assuraient d’ailleurs que, depuis deux ou trois mois, Mirabeau ne jouissait pas sans effort de toute l’activité de sa tête, et que cet esprit si fertile dans les détails, si prompt à faire des combinaisons sans nombre, marchait souvent avec une lenteur pénible, ou même cherchait en vain quelquefois, et ses idées, et ses expressions. »
Le mercredi 30 mars 1791, Mirabeau est à nouveau victime d’une douleur angineuse : « Les spasmes se réveillent à la poitrine, ils se jettent tour à tour sur l’omoplate droite, la clavicule et la région du diaphragme (…), le pouls redevient intermittent et convulsif (…), puis se développe un état bilieux très caractérisé, le teint jaunit, la langue se charge ». Il meurt trois jours plus tard en déclarant : « J’emporte dans mon cœur le deuil de la monarchie, dont les débris vont être la proie des factieux ».
Peinture et médecine
Jacques Louis David, 1793. Musées royaux des Beaux-arts, Bruxelles
Ce tableau représente le célèbre révolutionnaire qui vient d’être assassiné dans son bain par Charlotte Corday. La blessure visible sous la clavicule droite occasionnée par le couteau a entraîné sa mort par hémorragie comme l’atteste la pâleur et l’eau rougie de sang de la baignoire. « L’ami du peuple » tient dans la main gauche la feuille sur laquelle il avait commencé à écrire les noms des contre-révolutionnaires dictés par sa meurtrière. Sur la caisse, figurent une lettre, un assignat, un encrier et une autre plume. Il tient encore une plume dans la main droite. Le couteau est visible sur le sol.
Pour en savoir plus
Bedel, C., Huard P. Médecine et pharmacie au xviiie siècle. (1986) Hermann, Paris.
Bodinaud, J., L’enseignement et la diffusion de la médecine au xviiie siècle. (1963) Th. doct. Médecine, Rennes.
Darmon, P., La longue traque de la variole : les pionniers de la médecine préventive. (1985) Libr. académique Perrin, Paris.
Delaunay, P., La vie médicale aux XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles. (1935) Hippocrate, Paris.
Dobo, N.; Role, A., Bichat : la vie fulgurante d’un génie. (1989) Perrin, Paris.
Faure, O., Histoire sociale de la médecine (XVIIIe-XXe siècles). (1994) Anthropos, Paris.
Huneman, P., Bichat, la vie et la mort. (1998) PUF, Paris.
Loudon, I., Medical care and the general practitioner 1750-1850. (1986) Clarendon press, Oxford.
Mulvey, Roberts M.; Porter, R., Literature and medicine during the eighteenth century. (1993) Routledge, London.
Rey, C., Etat des connaissances médicales au xviiie siècle. (1992) Th. méd., Montpellier.