Non par un. Tous les jours, station Châtelet, au lieu dit CORRESPONDANCE (Vincennes-Neuilly / Orléans-Clignancourt) je les voyais circuler, couler – moi dedans. Depuis j’en ai rencontré plusieurs. L’un d’eux, d’âge ingrat (parce que les poètes doivent être jeunes ou vieux), pleurait que ses lignes de prose, interrompues, coupées, incomplètes, lacunaires, on les avait prises pour des VERS. Malentendu manifeste. Un jour, peut-être, d’autres viendraient, ils se mêleraient à la foule, ils se glisseraient dans le grand corps anonyme, ils sortiraient (au dernier moment peut-être, au tout dernier moment peut-être) d’un wagon, sauteraient sur le sol entre les crachats, se fondraient au courant de la rivière, tout droit, descendre les marches, prendre à gauche, longer, à droite, de nouveau les marches, et sur le quai, épaississement de la ligne, signal sonore étouffé, départ, les yeux clos, dans les couloirs du présent, du temps, dans le tunnel, vers la FIN. Maintenant ceux-là sont tous morts, ils sont dans la terre avec leurs modèles, avec leurs pères et mères, Virgile, Homère, le grand Corneille et les autres. L’un d’eux, ses contemporains l’avaient appelé Esprit, un autre est connu sous le nom d’Abeille comme l’abeille, un autre veut se faire passer pour une femme, ils meurent tous comme les moutons d’une montagne, certains de mort naturelle, tous confondus, un commun, tous, la poésie faite.
Avec eux, pour longtemps, un Ducasse de légende :
A dix ans il aimait les combats de coqs du cirque Santa Teresa del Pantanoso. Il dormait peu, ou bien tout le jour. Il ouvrait les bouteilles à coups de revolver. Il est mort ou bien dans son lit trempé de fièvre maligne, ou bien assassiné par la police secrète, ou bien sous le poison de la belladone.
En Amérique du Sud on tient pour avéré que ceux qui ont cherché à obtenir, en enquêtant dans les familles ou les bibliothèques, des renseignements sur lui sont morts de mort violente, comme les découvreurs du Pharaon.