Chantier no 8  UNE FISCALITÉ SOLIDAIRE ET ÉCOLOGIQUE

 

Le discours habituel défend toujours la baisse des impôts. Il vise à orienter le débat public et la colère sociale vers la « pression fiscale excessive » en occultant les véritables causes de l’appauvrissement social : la crise, l’austérité salariale, le pouvoir des grandes entreprises et de la finance, le creusement des inégalités de revenus et de patrimoines. Le néolibéralisme a ainsi organisé le délabrement des finances publiques par la baisse de la progressivité de l’impôt sur le revenu, par la prééminence accordée aux impôts proportionnels comme la TVA et la CSG, par le basculement vers la fiscalité locale, comme par l’amenuisement progressif des cotisations sociales considérées comme des charges pesant sur les entreprises. L’objectif fondamental est de limiter le périmètre de l’intervention publique et de la protection sociale.

Il est indispensable de réhabiliter l’impôt. Chacun juge légitime de payer sa nourriture. Il doit être tout aussi évident qu’il convient de payer des impôts et des cotisations pour éduquer nos enfants, nous soigner, faire vivre dignement les retraités ; finalement, pour vivre ensemble, pour construire une société. Pour être socialement admise, la fiscalité doit cependant être juste et efficace.

Pour une fiscalité solidaire et écologique

Dans une société solidaire et écologique, la fiscalité est fondamentale pour atteindre trois objectifs.

Payer les dépenses publiques

Une part importante des besoins des ménages doit être assurée socialement : santé, éducation, retraite, assurance chômage, garde et soin des jeunes enfants, aide aux plus pauvres. Il faut financer les transports collectifs, le logement social, la culture, le sport et, de plus en plus, la reconversion écologique et la transition énergétique. Dans tous ces domaines, l’intervention publique est plus juste et plus efficace que le marché.

Redistribuer les revenus

La hiérarchie initiale des revenus n’est pas satisfaisante. Certains, par héritage ou par prédation, ont des revenus excessifs ; d’autres, du fait de leur naissance ou des malheurs de la vie, sont dans la misère. Dans la période récente, les inégalités de revenus et de patrimoines se sont accrues. Les impôts, conjointement aux prestations sociales, doivent contribuer à réduire les inégalités. Les plus riches ont de plus fortes capacités contributives et profitent davantage de l’organisation sociale et de certaines dépenses publiques ; il est légitime qu’ils en paient le prix. Certes, l’idéal serait que la répartition initiale des revenus soit plus égalitaire et que la hiérarchie des salaires se réduise dans les entreprises. Tant que cela n’est pas le cas, c’est par la fiscalité que les inégalités peuvent être réduites.

Encourager les comportements socialement utiles (économies d’énergie) et aider certains secteurs (presse, livre)

La fiscalité doit décourager les comportements socialement coûteux des ménages (consommation de tabac ou d’alcool) comme des entreprises (activités polluantes, transports inutiles de marchandises, licenciements).

Dans la période récente, la fiscalité a été affaiblie par la mondialisation et la liberté de circulation des capitaux. Les entreprises multinationales et les contribuables les plus riches peuvent ainsi choisir le lieu où ils sont imposés ; les États se sont lancés dans une coûteuse concurrence fiscale pour les garder ou les attirer. L’Europe doit promouvoir un modèle social dans lequel des impôts progressifs financent un niveau élevé de dépenses publiques. La France et l’Europe doivent refuser la logique de la concurrence fiscale et supprimer tous les dispositifs qui permettent d’échapper à l’impôt.

Pour une fiscalité des ménages plus juste

Tous les revenus des ménages doivent être soumis à l’impôt. Étant le plus juste et le plus progressif, l’impôt sur le revenu doit monter en puissance. Sa progressivité doit être renforcée, en appliquant le taux de 45 % à partir d’un revenu de 100 000 euros et en créant des tranches supplémentaires de 50 et 60 %.

Les dispositifs tenant compte de la situation particulière du ménage (taille de la famille, invalidité, dépendance) ou de charges effectivement supportées (pensions alimentaires, dons, cotisations syndicales) doivent être maintenus, mais les dépenses fiscales (ou « niches fiscales » dans le langage courant) et les mesures dérogatoires doivent être supprimées. Certaines doivent être remplacées par des subventions. Par exemple, un service public de la petite enfance doit assurer les soins des très jeunes enfants sans charge financière pour leurs parents. Les aides à l’investissement locatif doivent être remplacées par des subventions aux logements sociaux.

Les impôts proportionnels pèsent trop sur les plus pauvres et doivent être diminués. La TVA doit être réduite en exonérant les services de transport collectif et en abaissant le taux maximal.

Les inégalités de patrimoines se sont fortement accrues ces trois dernières décennies. Aussi, les droits sur les successions et sur les donations doivent être augmentés. Le produit de la hausse permettrait de financer les études des enfants des classes populaires. Le creusement des inégalités salariales dans les entreprises nuit au travail collectif ; il faut pérenniser la taxation à 75 % des salaires exorbitants, l’appliquer dès qu’une rémunération est équivalente à 20 fois le Smic et l’étendre aux retraites-chapeaux.

Tous les revenus du capital doivent être taxés. Il faut supprimer les dispositifs d’exonération (PEA, assurance vie) et ceux qui permettent aux plus riches d’échapper à l’impôt sur les plus-values.

Refondre la fiscalité locale

La France a un fort niveau d’impôts locaux. Archaïques et peu progressifs, ceux-ci sont plus inégalitaires que les impôts nationaux ; les riches paient peu dans les communes riches et les pauvres paient beaucoup dans les communes pauvres. Tant sur le plan de l’efficacité que de la justice sociale, il faut inverser l’évolution récente qui a réduit le poids de l’impôt sur le revenu au profit des taxes locales. La décentralisation augmente les dépenses des collectivités locales, ce qui risque d’aggraver encore les disparités.

Il est nécessaire de réduire la taxe d’habitation et de créer un supplément à l’impôt sur le revenu dont le produit sera redistribué aux collectivités locales sur la base de leurs besoins (population, enfants à scolariser, personnes en difficulté).

Lutter véritablement contre l’évasion et la fraude fiscales

Le coût annuel de la fraude fiscale est important. Le Parlement européen l’évalue à 1 000 milliards d’euros pour l’Union européenne ; les estimations pour la France sont de l’ordre de 60 à 80 milliards, soit la quasi-totalité du déficit public de 2013. La France devrait imposer aux Français résidant à l’étranger, comme le font les États-Unis pour leurs ressortissants, de faire une déclaration de revenus et de patrimoine au fisc français et de payer la différence entre les impôts dus selon la réglementation française et les impôts effectivement payés. Il faut amplifier la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales. La France doit établir une liste rigoureuse des paradis fiscaux et interdire à ses banques et à ses entreprises d’y établir des filiales ou d’y déclarer des bénéfices, et proposer cette liste à ses partenaires européens. L’Union européenne devrait demander aux pays membres de supprimer tous les mécanismes qui permettent l’optimisation fiscale des grandes entreprises multinationales. Les accords bilatéraux d’imposition avec les pays à faible taux d’imposition doivent être revus.

Faire contribuer les entreprises au financement des dépenses publiques et évaluer l’efficacité des aides publiques

Bénéficiant de travailleurs formés et en bonne santé, d’infrastructures publiques de qualité, les entreprises profitent largement de l’action publique. Il est légitime qu’elles contribuent à son financement. La France doit rénover l’impôt sur les sociétés, en utilisant une assiette plus large de façon à taxer les intérêts versés et les redevances (qui, versées à l’étranger, permettent d’échapper à l’impôt français), en décourageant les distributions excessives de dividendes et en taxant spécifiquement les entreprises à taux de profit exorbitants. Les libéraux insistent pour que la dépense publique soit évaluée. Nous y sommes favorables : les aides aux entreprises sont aujourd’hui colossales et l’efficacité de certaines (le crédit d’impôt pour les dépenses de recherche, les exonérations généralisées sur les bas salaires) est clairement sujette à caution. Il faut un audit des aides aux entreprises pour vérifier leur efficacité. De même, l’Europe doit mettre en place une véritable taxation des transactions financières pour décourager la spéculation.

Cette nouvelle fiscalité, plus juste et plus simple, supprimera les activités parasitaires de défiscalisation. Elle réduira les inégalités tout en résorbant une partie du déficit public en ponctionnant des revenus généralement épargnés. Avec la restauration de la progressivité de l’impôt, les entreprises cesseront de distribuer de coûteux dividendes ou des « salaires » excessifs à une mince couche de dirigeants, car ces avantages seraient immédiatement sanctionnés par l’impôt.

Voilà ce que devrait être une vraie réforme fiscale !

NOS PROPOSITIONS

Réaffirmer le principe républicain selon lequel chaque ménage doit payer des impôts sur l’ensemble de ses revenus, selon ses capacités contributives.

 

Rendre plus progressive la fiscalité des entreprises et des ménages.

 

Démanteler systématiquement tous les mécanismes d’optimisation fiscale des grandes entreprises et des ménages fortunés.

 

Développer la fiscalité incitative : taxer les activités nuisibles (pollution, spéculation), inciter aux économies d’énergie.