La genèse de L'Inondation
Émile Zola écrit L'Inondation pour qu'elle soit publiée dans Le Messager de l'Europe, une revue russe francophone dont il est correspondant.
En 1875, au début de l'été, la Garonne déborde en amont de Toulouse. Les journaux rendent compte de cette crue exceptionnelle, et Zola s'en inspire pour composer sa nouvelle. Voici ce qu'il indique au rédacteur en chef du Messager de l'Europe, le 13 juillet : « J'ai choisi pour sujet les inondations qui ont désolé nos départements du Midi. Ce sera une sorte de nouvelle, dans laquelle je grouperai les épisodes les plus dramatiques et les plus touchants. » Ce sont en effet les journaux qui vont servir de source documentaire à l'écrivain. En témoignent ces quelques extraits de la presse de l'époque, dans lesquels le lecteur reconnaîtra certains faits marquants du récit de Louis Roubieu :
Pont d'Empalot, à Toulouse, détruit lors des inondations de 1875.
Rue de Cugnaux [à Toulouse], un malheureux ouvrier maçon, du nom de Jacques Heurtat, a péri d'une mort atroce. Il s'est trouvé les pieds broyés et pris sous une poutre, lors de la chute de sa maison. Cramponné à un barreau de fer, il a réussi durant quelques minutes à conserver une position presque verticale. Pendant ce temps, un bateau, à bord duquel se trouvait sa femme, essayait vainement de s'approcher de la maison. Lui, il voyait cela. Sentant enfin que la mort venait, et que les efforts seraient inutiles, « Adieu, Marie, cria-t-il à sa femme. Élève bien les enfants ! » Et il se renversa, en arrière, en lâchant son barreau. À la maison des fous, la scène avait un caractère d'horreur tout particulier. Les aliénés, qu'on faisait précipitamment déménager, ne comprenaient pas ce qui se passait et ne voulaient pas se laisser emmener. Dans la cour, une vieille femme dansait de joie en criant : « L'eau, l'eau. Je vais aller aux bains ! » Un autre fou se sauvait en hurlant « Pas d'eau ! Assez de douches ! » Quatre d'entre eux ont été noyés.
Le Figaro, 29 juin 1875.
Dans une maison de la rue Saint-Joseph, un jeune homme, dans l'écroulement du bâtiment, eut les jambes engagées dans quelques poutres projetées au travers et resta suspendu par les pieds. Mais la tête plongeait dans l'eau jusqu'au cou. Il dut se débattre avant de mourir, raidir son corps, faire des efforts inouïs pour tenir sa tête hors de l'eau.
L'Illustration, 10 juillet 1875.
Il est d'ailleurs bien rare qu'un cadavre soit seul, et la plupart du temps on en trouve plusieurs ensemble, se tenant étroitement serrés dans une dernière étreinte.
Le Rappel, 3 juillet 1875.