2 - Chaque rendez-vous, un commencement

Lui

Avant de venir à ce rendez-vous…

Elle

Étrange rendez-vous. Comme moi, tu ne pensais pas que ce fût une bonne idée?

Lui

Nos bonnes idées ont-elles jamais coïncidé?

Elle

C’est vrai que nos vies se tissent l’une sans l’autre…

Lui

Il faut dire que nous sommes particulièrement habiles à en couper le fil…

Elle

Malgré tout, elles se tissent bien serrées entre nos légendes dorées, les seules…

Lui

Vraies.

Elle

Ou presque. Je ne sais pas, je ne sais plus. J’ai toujours cru vivre pleinement quand plus personne n’est là. Quand personne ne me voit, que je suis sur le point de disparaître de la bonne façon. Quand, dans une sorte d’état second, je m’éloigne de moi, en amoureuse…

Lui

En amoureuse?

Elle

Oui, quand je m’oublie et que j’écris. Quand plus rien n’embarrasse ma table, et qu’au milieu de ma chaise, je respire enfin : pleine du monde, je rayonne, seule avec mes chats.

Lui

Je te suis et j’aime te savoir ainsi. Je connais aussi des états singuliers qui, contrairement aux tiens, m’enchaînent et m’étreignent… tant. Car alors, tout ce qui m’entoure, m’accable, m’oppresse, je respire mal, et puis, je ne respire plus… une sorte d’état catatonique.

Elle

Tu imploses… et j’explose.

Lui

Joli bal! Joyeuse bombe! Quel beau ménage nous aurions fait! Tes légendes dorées, mes histoires bien noires seraient nos uniques vérités?

Elle

Il y en a peut-être d’autres… Si c’était plutôt une affaire d’éclosion. Comme l’énergie du grand commencement.

Lui

Oui, chacun de nos rendez-vous était un commencement.

Elle

Oui, et chaque fois, le vertige virginal de la première caresse laissait hors de nous une trace que rien n’effaçait…

Lui

Hum… Gymnastique périlleuse!

Elle

Seule l’inconscience permettait à nos amours de survivre.

Lui

L’inconscient est un pays noir…

Elle

Oui, d’un noir délirant et lumineux… Nous nous sommes aimés de loin en loin.

Lui

Gare aux cœurs qui se dévorent à distance!

Elle

Petits animaux flairant leurs traces, chaque fois, fous, offerts, intenses.

Lui

À vrai dire, l’amour ne console pas.

Elle

Tu as raison. L’amour est trop… éblouissant.