13 - Serions-nous sans feu ni lieu

Elle

De me savoir sans appartenance aucune, on dirait que le temps m’aveugle, qu’il se rue dans mon cœur!

Lui

Moi aussi, j’ai souvent ce sentiment d’étrangeté. Toujours cette vieille question de l’origine : suis-je l’étranger ou la Terre est-elle une terre étrangère? Si elle est mon lieu d’exil, c’est que je suis d’un autre monde.

Elle

Et ce serait d’aussi loin que nous viendrait la passion de créer? Ce lien rompu avec le début de l’Univers explique peut-être notre hantise de la totalité qui nourrit la passion de créer, de vivre à chaque seconde, dans chacune des cellules de notre corps, ce rêve démesuré d’aimer et d’être aimé.

Lui

Il n’y a rien à faire. Tout est absurde.

Elle

Tu sais, maintenant, parfois, je pleure de savoir si mal aimer.

Lui

Serions-nous sans feu ni lieu?

Elle

Toi et moi, nous le savons : il n’y a pas de pays. Mais comment errer sans se disperser?

Lui

Au fond, si nous sommes là, c’est une affaire de proton. Nous sommes des êtres accidentels.

Elle

Pourtant, j’y crois, la trace de la trace est en chacun de nous.

Lui

Chaque fois que j’éprouve le vide, j’ai l’impression de survenir en étranger…

Elle

Je vois ce que tu veux dire. Pour moi aussi, c’est comme si j’étais là par surcroît… Comme la grâce?