14 - Nos peines en rien comparables

Elle

À chaque rupture, il fallait que je traverse ma peine et qu’elle me traverse.

Lui

Je reconnais bien là ton courage, ta rigueur… Et je sais, tu me crois blindé. Mais si, de mon côté, je confessais ma lâcheté ou ma… pudeur. Parce que vois-tu, moi…

Elle

Tu te souviens, un soir, à Sienne?

Lui

Oui, on marchait dans les rues, main dans la main… Et tu m’annonças à brûle-pourpoint…

Elle

Que désormais tu serais une partie de moi…

Lui

Même si on ne devait plus se revoir…

Elle

Oui. Tout, au fond, était dit.

Lui

« Les paroles que sont-elles? Une larme en dirait plus », aurait dit Schubert.

Elle

Ah! tiens, oui, c’est ça, bonne idée! Parlons des larmes!

Lui

Tu dois bien le savoir : j’ai peur d’admettre que j’ai peur et je ne sais pas pleurer.

Elle

Pour toi, les larmes sont une déroute, un aveu, et puis, surtout, tu voudrais pouvoir contrôler ta peine…

Lui

Tu sembles parfois insinuer qu’à chacune de nos ruptures, ta souffrance était plus insupportable que la mienne. Mais si je ne dévoile rien ou presque, et si, en fuyant, je n’offre aucune résistance, c’est peut-être parce que… je souffre plus?

Elle

Oh là! Ma rigueur, ta pudeur! Écoute, au total, tous ces plus sont superflus! Et ce qui reste, nos peines, en rien comparables.