Mot de l’auteure

Une femme et un homme autrefois amants, se retrouvent. Tout se passe comme si leur lien n’avait jamais cessé de se dénouer et de se renouer. Une passion amoureuse se joue du temps et de l’espace.

Un échange tout en questionnement où les réponses esquissées ne sont souvent qu’incertitudes, impasses et paradoxes. Un amour offert de part et d’autre reste pourtant insaisissable. Toujours ce décalage entre ce que l’on porte en soi d’amour et ce que l’on arrive à offrir. Partout le désir d’une transfiguration amoureuse mais aussi l’évidence implacable de l’impossible rencontre, ou encore, la promesse d’une rencontre sans cesse répétée dans ce lieu que fonde la double présence de soi à l’autre. Survenance est une sorte de huis clos qui force l’ouverture.

Mais comment quitter l’immédiat du cœur, car on le sait, l’émotion trouble toujours opaque rend difficile l’expression des surcroîts de vie et de mort, et quasi insoutenable, le visage-à-visage. D’abord, il y a le désir ultime de rejoindre l’invisible de l’autre; puis, du même coup, le deuil envisagé de la rencontre absolue, avec la croyance néanmoins, qu’en raison de cette rencontre non finita (paradoxe d’où génère l’espérance), un souffle émanant d’elle, jusqu’à la mort et par delà, nourrira l’âme de l’un et l’autre.

Dans le mystère de soi, de l’autre, et de l’Autre, à travers l’alliance et les mésalliances, comment s’ouvrir à la réciprocité des présences? Un dialogue, deux voix. La première, la voix physique; puis une seconde voix, plus difficile à percevoir, celle de l’autre en soi. Et si par pure folie, on avait soudainement foi en une voix tierce qui, comme un souffle, nous éveillerait à l’invisible entre nous?

Pourquoi cette aspiration à vivre un amour submergé par le tout de la vie et le tout de la mort? L’amour « parfait », pense-t-on, chasserait la peur. La peur de vivre. La dernière réplique prononcée d’une voix grave et cassée, ce « je t’aime » isolé contraste avec la rengaine chantée dans les rires et à l’unisson. On dirait qu’avoir foi en cet étrange amour rend indissociables le léger et le grave et que seule leur alternance permet à l’échange d’avoir lieu.

« Arrivée de partout, tu t’en iras nulle part » a écrit Rimbaud. Survenance dans tous les sens : apparition d’un visage; survenante, survenant, ou l’étrangère, l’étranger que nous sommes avant toute forme d’attachement, et qu’à bien des égards, nous restons jusqu’à la fin; survenir ou venir par surcroît comme le don; soudaineté ou la venue sans préméditation de la grâce…

Sommes-nous des nomades du cœur? L’amour, toujours en exode, en exil, en arrivée, en départ, en devenir. Est-ce que cette sorte de miracle qu’est la Survenance nous révèle que l’amour n’est possible que dans l’attente, au seuil de la rencontre, dans sa promesse toujours renouvelée, et qu’en somme, l’amour est errance? À tout moment et n’importe où, ce visage-à-visage sans point de fuite, se trouve ici et là, même dans l’absence, lorsqu’il y a présence véritable à l’autre. Comme l’amour, la Survenance serait parole d’une joie migrante tel le poème, toujours en devenir, est jaillissement de l’incréé.

Andrée Lacelle