Je ne voulais pas voir ça !

De retour chez Bobby, j’entreprends un projet peu commun pour moi : prendre un bon bain chaud. Non mais, on a eu très froid, un spa aurait été génial, mais de spa il n’y a pas ! Bobby propose de se joindre à moi. Hish… dangereux pour notre défi. Voilà une bonne façon de tester nos limites ! Comme Matt Damon (son gérant qui sort toujours avec la pétasse… euh… la charmante et adorable attachée de presse Nathalie Gingras) appelle, je me charge de remplir la baignoire et de faire mousser légèrement l’eau. À défaut d’avoir le produit adéquat (dans une maison de gars, on oublie ça), j’utilise mon gel douche personnel. Ça sent la fille un peu, mais il n’y verra que du feu. Après son appel (qui dure des lunes, sans grande surprise), il me rejoint à la salle de bain. Je suis déjà enfoncée dans la baignoire, immergée jusqu’au cou. Il commence à se déshabiller en me racontant avec ferveur les détails de la conversation.

— Sacré Mathieu ! Cibole, il me dit : « Tu sais le spectacle à telle place la semaine prochaine, je suis con, j’avais planifié un show corporatif le même soir, donc là, il faut le changer de date… »

Je le regarde de côté pendant qu’il me parle, étant donné que la baignoire longe le mur du fond, juste à côté de la toilette. Une fois nu, il continue de m’expliquer cette histoire de vendredi soir trop chargé, avant de faire quelque chose de complètement absurde : il s’assoit tout bonnement sur la toilette ! QUOI ? Vous avez bien lu ! Je suis totalement « flabbergastée » !

Je lui coupe la parole en gueulant sans ménagement :

— CALVAIRE ! QU’EST-CE QUE TU FAIS LÀ ?

— Quoi ? Chez moi, je fais pipi assis ; il paraît que c’est mieux pour la prostate parce que…

— VOYONS ! que je m’exclame de nouveau avec stupéfaction, puis je tourne la tête dans la direction opposée (c’est-à-dire vers le mur).

Que ce soit mieux pour la prostate ou pas, je m’en balance. Je viens de voir mon chum assis sur une toilette pour la première fois de ma sainte vie ! Simonaque ! Je ne voulais pas le voir dans cette position, ou plutôt, je n’étais pas prête à voir ça ! Croyez-le ou non, je n’ai jamais vu Bobby faire pipi devant moi (même debout). OK, parfois en forêt, il urine contre un arbre et je ne suis pas très loin, mais jamais AUSSI PRÈS de lui. Écoutez, je me trouve en ce moment à moins d’un mètre de la foutue cuvette ! De toute façon, dans ma vie (surtout de couple), je ne veux rien savoir des histoires de toilettes de qui que ce soit (sauf dans le cas de Sacha, qui ne peut pas s’empêcher de toujours fournir des détails inutiles sur le sujet parce qu’elle a, selon moi, stagné au stade anal…). Le pire dans tout ça, c’est que mon chum a toujours été très prude sur le sujet également. C’est quoi, ce soir, cette grande aisance soudaine ?

— Mali ? Tu capotes pour vrai ?

— Ça y est ! Notre vie de couple est terminée ! Fini l’amour ! Dans ma tête, je viens de te voir en train de… Ark, ark, ark !

— Bien voyons donc ! Tu me niaises ?

— Non, non, rien ne sera plus JAMAIS pareil…

Bon, je joue la comique avec mon air théâtral scandalisé et j’exagère les faits, mais honnêtement, j’ai une image peu virile de mon chum en ce moment. Mon big buck masculin, guerrier et puissant… assis sur le bol ! Moi, les couples qui se voisinent allégrement pendant que l’un ou l’autre est aux toilettes, je trouve ça fascinant ; j’en ferais même un sujet d’étude pour une maîtrise en psychologie relationnelle !

— Donc, ça m’a fait plaisir d’être en couple avec toi. C’est vraiment triste que nos chemins se séparent si abruptement, après tant d’années de bonheur et de complicité…

Sans faire mine d’écouter mon discours débile, il met une jambe dans la baignoire après avoir actionné la chasse d’eau. Je peux au moins retourner la tête.

— C’est chaud…

— Je vais ramasser mes affaires et on pourra se dire qu’on aura tout donné, qu’on sera allés jusqu’au bout, pour que ça fonctionne entre nous deux ! Le destin en a malheureusement décidé autrement…

Je me redresse dans la baignoire pour faire semblant de quitter les lieux. Il me tire vers lui un peu brusquement. Son geste a pour conséquence d’éclabousser quasiment la moitié du plancher.

— Eille ! Tu vas inonder le premier étage !

— Oups !

Il se déplace plus en douceur pour tenter de s’emparer d’une serviette. Comme il est trop loin du comptoir (et qu’il est trop paresseux pour sortir de la cuve), il se met à genoux dans la baignoire pour l’atteindre. Je me retrouve donc avec sa raie des fesses presque dans le visage.

— C’est super le fun ! Après ta scène sur la toilette, me voilà le nez quasi dans ton derrière ! De mieux en mieux !

— Je l’ai ! Bah ! Mali, arrête de chialer, t’aimes ça !

— Tellement envie de toi présentement, j’ai le goût d’annuler notre défi sur-le-champ.

En continuant d’essuyer le plancher dans cette position (son postérieur me regardant toujours droit dans les yeux), il se tourne la tête, tout content :

— Pour vrai ?

— T’es malade ! Après ce soir, notre vie sexuelle est officiellement anéantie. On peut être amis, c’est tout. Ces images-là vont revenir me hanter pour le reste de ma vie…

— Bon, déluge au premier étage évité, annonce-t-il en se replongeant doucement dans l’eau. Qu’est-ce qu’on disait ? Ah oui, que tu te mourais d’envie pour moi et que tu voulais me faire une pipe sous-marine !

— Oh que non ! Tu ne m’écoutes pas pantoute, hein !

Je lui lance un peu d’eau au visage. Comme il essaye de me ramener vers lui toujours sans aucune précaution, l’eau déborde une fois de plus sur le plancher de céramique.

— Câlice ! blasphème-t-il en se redressant de nouveau.

Je ris de bon cœur. Décidément, je crois qu’on est un peu grands pour prendre un bain à deux ! Il me remet son derrière (légèrement velu) en plein visage pour éponger le plancher une seconde fois. Re-wow !