De la prison au CPE

Je travaille encore pour le cégep de Lanaudière, mais présentement je n’enseigne pas. Vous vous souvenez que l’année dernière je supervisais des stagiaires en prison ? J’avais adoré ça, mais comme ce stage n’a lieu qu’une fois par année, ma patronne m’a offert de nouvelles supervisions de stage dans un tout autre domaine : en technique d’éducation à l’enfance. Pourquoi ? Comme mon baccalauréat en psychologie fut au départ orienté en développement de l’enfant, je réponds aux exigences d’embauche pour ce programme. Bien différent comme monde, pour ne pas dire à l’opposé ! Au lieu de parler avec mes étudiants de l’importance de bien cerner les comportements antisociaux ou les indices de consommation de drogues injectables chez les détenus, je discute de la façon d’intervenir lorsqu’un enfant vole l’ourson en peluche d’un autre et de la rapidité avec laquelle on doit injecter une dose d’EpiPen en cas de symptômes d’allergie. Quand même !

En visitant mes milieux de stage, j’ai dû (de façon radicale) troquer ma voix grave de fille sûre d’elle, pas du tout impressionnée par le bras droit de la mafia italienne, contre la voix douce et charmante de Passe-Partout. Re-quand même ! Qu’est-ce que je préfère ? Je ne sais pas. J’aime les deux. Dans ma recherche constante de « non-routine », ça fait bien mon bonheur de devoir gérer les deux types de milieu de stage en alternance durant l’année scolaire. Avec la grossesse de Sacha en plus, j’avoue que de me retrouver entourée d’enfants tous les jours me fait étrange ; j’ai tellement hâte de voir le bout du nez de bébé !

Cela dit, j’ai aussi dû adapter mon attitude de superviseure face aux étudiants. Stage en prison = gars. Stage en garderie = filles. Vous comprenez ? Avec mes « ga-gars », j’avais tendance à laisser mes gants blancs de côté pour leur faire part de mes observations assez directement. Avec mes « fe-filles », j’en mets deux paires, une par-dessus l’autre, et ce, dans chaque main. Eh oui, je me suis même remise en question la fois qu’une étudiante a fondu en larmes après mes trois premiers commentaires (peut-être un peu trop directs, avais-je réalisé), mais maintenant, je crois avoir trouvé un équilibre. Personne n’est parfait ; et s’il y a quelqu’un qui reconnaît ça dans la vie, c’est bien moi (avec maintenant deux cahiers de deux cents pages remplis de commentaires relatifs à ma santé mentale précaire, voire douteuse…).

Parlant de mon livre de thérapie, il comporte toujours deux parties bien distinctes : la mienne et celle du cher big buck. Deux thérapies en parallèle, l’une étant fondée sur un processus thérapeutique rigoureux (avec ma psy), l’autre sur la simple base d’observations et de spéculations. Je vous jure qu’il ne faudrait jamais (au grand jamais) qu’il feuillette ce livre un jour. Misère !