La vie prend parfois un chemin différent de ce à quoi nous nous attendons. Nous montons dans le train et, bien assis dans notre siège, nous regardons les images défiler. Chacun a son banc, sa vue sur le paysage et les émotions qui s’y attachent. Quelquefois, un voisin nous invite à l’accompagner brièvement dans son histoire. Il nous demande notre avis ou se sert simplement de notre épaule pour dormir. Le train de la vie nous transporte vers notre destin. Nous ne savons pas d’avance quel chemin il prendra, mais nous contemplons par les fenêtres la beauté du panorama que nous offre le trajet. Nous apercevons des événements heureux ou tristes. Nous sommes accompagnés autant par des personnes qui nous sont chères que par de parfaits inconnus. Parfois, le compartiment est bondé de gens qui verront les mêmes images que nous, mais qui les vivront à leur façon. À d’autres moments, il est vide et nous sommes seuls.
Il y a plusieurs trains, des centaines de wagons, des milliers de chemins de fer, donc des milliards d’histoires. Quelque part se trouve la nôtre. Notre famille et nos amis voyagent à bord du même train que nous. Ils nous suivront tout au long de notre aventure ou descendront à la prochaine station. Parfois, des accidents surviennent et des personnes disparaissent. Des individus que nous ne connaissons pas montent occasionnellement à bord et ne passent que quelques instants dans notre vie. Par leurs paroles, ils changeront peut-être notre vision de ce qu’elle est. Notre vie est meublée d’épisodes, remplie d’embûches et d’obstacles. Nous développons de grandes amitiés et de romantiques histoires d’amour. Nous ne savons pas d’avance avec qui nous ferons le voyage. Qui sait? Nous détesterons peut-être notre voisin.
La vie est ainsi faite. Une chose est certaine : chacun de nous a son histoire. On livrera différemment deux anecdotes identiques, parce que chaque être est unique. On y racontera nos victoires et nos échecs. Il n’y a pas de pire expérience que la nôtre. On y entendra des éclats de rire ou d’interminables chagrins. Il y aura des naissances et des histoires heureuses. Malheureusement, les meurtres, la guerre et l’imbécillité humaine en feront partie. Nous ne pouvons y échapper. Moi, je souhaite vous faire part de mon histoire, de mon bout de chemin à bord de mon wagon. À présent, le voyage que je m’apprête à faire risque d’être long et dur, mais jamais je ne pourrai dire pénible, car il s’agit de ma vie et de tout ce qu’il m’a été donné de plus cher. Je me prépare à partager avec vous ce que je garde au plus profond de mon être depuis des années. Je vous offre un siège près du mien.
Loin de moi la prétention de me considérer comme une écrivaine. Par contre, le désir d’écrire a été très présent tout au long de ma vie. Tout le bien que l’écriture m’apporte m’a poussée avec le temps à développer mon talent dans ce domaine.
Je me nomme Mélanie St-Germain. Les gens qui me côtoient quotidiennement et qui m’ont fréquentée connaissent mon histoire au premier degré. Ceux qui ne me connaissent pas me voient comme la femme qui a perdu deux enfants. C’est mon nouveau statut, ma nouvelle identité. La mort reste, encore aujourd’hui, un sujet affecté par un tabou tenace. Personne ne veut se risquer à en parler. Ceux qui en parlent le font souvent parce qu’ils ne peuvent plus tolérer de garder toutes leurs émotions à l’intérieur d’eux.
Depuis plusieurs années, je survole la réalité. C’est un peu la raison pour laquelle j’ai décidé, moi aussi, d’écrire cette histoire : pour prendre le recul dont j’ai besoin pour revenir au présent. Mettre tout ça sur papier me donne aussi la certitude de savoir où je suis rendue et qui je suis. C’est comme si je me racontais ma propre histoire. Cette vie qu’on m’a offerte fait de moi ce que je suis aujourd’hui et je ne la changerais pour rien au monde, contrairement à ce que bien des gens pourraient croire.
Je me risque donc, je me mouille afin de briser ce tabou qu’est la mort. À tous ceux qui ont le courage de me suivre dans mon monde et dans ma tête, bienvenue à bord.
Il ne faut pas oublier… à chacun son histoire.
M. St-G.