Épilogue

ÉPILOGUE : Conclusion d'un ouvrage littéraire. Conclusion d'une histoire, d'une affaire. Voilà la définition que donne Larousse de ce mot, traduit du grec epilogos. Bien humblement, pourrais-je me permettre d'en ajouter une autre, plus adéquate, il me semble, à cette histoire, comme : le bout d'un chemin ? Car, ne l'oublions pas, c'est bien sur le chemin des délices que cette jeune et jolie bourgeoise au prénom accrocheur voulait s'aventurer, coûte que coûte. Eh bien, non. Tout simplement parce que si ce chemin emprunté d'un pas allègre, en compagnie de son pervers amant pornographe, se termine bel et bien pour celui-ci, il n'en est pas de même pour elle. Je devrais donc écrire : demi-épilogue. Enfin, soit !

Oh ! bien sûr, il n'est pas question d'une fin très brutale pour ce cher Gil ! Par contre, brutale, elle l'est pour Édouard de la Molinière, mari de Rebecca et P.-D.G. d'une grande banque luxembourgeoise. Les engrenages les mieux entretenus, les mieux huilés, finissent toujours par s'arrêter, bloqués qu'ils sont par un grain de sable venu d'on ne sait où, apporté par on ne sait quel vent de malheur. Et ça, Gil aurait dû s'y attendre, lui qui avait l'imagination si féconde. Mais quand on vit dans le plaisir permanent, ou quasi-permanent, on n'imagine pas que cela puisse s'arrêter un jour, c'est humain. On ne pense surtout pas à ce fichu grain de sable qui pourrait vous empêcher de continuer à connaître des plaisirs peu communs, avec une maîtresse encore moins commune à l'esprit diabolique. Diaboliques, ces amants le sont assurément. Pour eux, rien n'est insurmontable pour satisfaire leur besoin de débauche, pour trouver sans cesse de nouvelles jouissances dans des plaisirs interdits, où la bassesse le dispute à l'humiliation, la soumission à l'orgie. Pour eux, le vice n'a pas de prix, il faut le satisfaire, c'est tout.

*

Ce grain de sable porte un nom : Gontran von Heidelberg. Ancien copain de lycée de Gil, il était aussi devenu directeur commercial dans la banque du sieur Édouard de la Molinière. Le hasard fait parfois étrangement les choses. Fort étrangement, même. Gil et Gontran, s'ils ne se voyaient plus, s'écrivaient de temps à autre. Gil envoyait toujours à son ancien condisciple les bouquins tombés de sa plume, et Gontran n'hésitait pas à lui transmettre ses appréciations, toujours positives au demeurant.

Il se fait que, pour récompenser ses compétences, la banque luxembourgeoise d'Édouard a confié la gérance de sa succursale de Nancy à Gontran, qui a invité son copain Gil au cocktail inaugural. Et Gil s'est donc présenté, mais accompagné de Rebecca, que Gontran connaissait bien entendu comme l'épouse de son P.-D.G. La tension provoquée par cette situation fut rapidement dissipée par Gil, qui trouva les mots qu'il fallait pour ramener illico la bonne humeur dans cette soirée qui se devait festive. Gontran, lui, n'avait d'yeux que pour le décolleté ravageur de Rebecca, sa robe de cuir moulante et fendue sur l'avant, laissant apercevoir furtivement un bout de jarretelle tendant le bord brodé des bas noirs à couture. Par la suite, Gil s'arrangea pour rencontrer secrètement Gontran dans une brasserie. Et là... ! Et là, il lâcha le morceau, le gros morceau : il était l'amant de Rebecca, il était même son maître ès-sexe, elle était une véritable chienne en chaleur, depuis ses seize ans. Il alla jusqu'à confier les tendances perverses qu'ils avaient tous deux, sans oublier tout le profit que lui-même en retirait, y compris sur le plan financier. Son P.-D.G. de mari, tout aussi pervers, approvisionnait régulièrement le compte de Gil pour les photos qu'il lui envoyait de sa femme en pleine séance de débauche. Gontran n'en avait pas perdu une miette et avait tout simplement mis Gil au pied du mur : il voulait sa part du gâteau ! À savoir : il voulait devenir le seul maître et amant de Rebecca, et ce sans témoin. Pas de photos, pas d'enregistrements ! Sinon, il lâchait tout dans la presse à sensations. Néanmoins, pour avoir amené Rebecca à Gontran, celui-ci promettait à Gil une compensation financière. Gil regretta amèrement d'avoir formulé de tels aveux, mais il était trop tard pour faire marche arrière. Il essaya de se consoler en pensant qu'après tout, pour Rebecca et lui, ce n'était qu'une étape supplémentaire dans leur recherche de plaisirs hors-norme, et que ce Gontran ne ferait que passer, comme les autres. Ce qui ne fut pas du tout le cas.

La première rencontre intime entre Rebecca et Gontran fut, en effet, marquante quant à la poursuite de sa recherche de plaisirs nouveaux, toujours plus intenses. Certains diraient même « la poursuite de sa lente descente aux enfers ». Mais l'enfer n'est-il pas pavé de bonnes intentions ? Et puis, après tout, pour Rebecca, les plaisirs, de quelque nature soient-ils, ne sont jamais l'enfer, n'est-ce pas. Toujours est-il qu'après cette rencontre avec Gontran, la belle bourgeoise se fit plutôt discrète vis-à-vis de Gil, qu'elle chérissait pourtant, ne lui dévoilant pas, ou très peu, le véritable contenu de cette relation nouvelle, ce que son nouvel amant et maître projetait de faire avec elle. Tout ce qu'elle finit par lui avouer, c'est que ce Gontran lui apportait des joies nouvelles, qu'il était bien plus pervers encore que Gil lui-même, qu'il lui faisait connaître des plaisirs auxquels elle-même n'osait croire, mais sans jamais apporter la moindre précision. D'ailleurs, que ce soit avec Gil ou avec Clotilde, Rebecca se rendait compte qu'elle ne jouissait pas comme lorsqu'elle était avec Gontran. La jouissance avec Gil et Clotilde, qui lui étaient pourtant si chers, n'avait plus aucune saveur. Elle attendait quelque chose d'autre. Il fallait donc prendre une décision.

Une fois de plus, les circonstances interviennent en sa faveur, lui apportant ce petit coup de pouce dont elle a besoin pour faire un pas de plus sur son chemin des délices avec Gontran von Heidelberg. Car elle le sent au fond d'elle-même, c'est bien lui le vrai maître capable de l'amener à l'extrême jouissance, celle à laquelle elle aspirait sans en être tout à fait consciente. Comme le dit Gontran, tout ce qu'elle a fait jusque maintenant avec Gil était plutôt mièvre et d'une déplorable banalité.

*

Dès le début décembre de cette année, après un an de tractations financières rondement menées, la fusion est établie entre la banque que dirige Édouard de la Molinière à Luxembourg et la plus grande banque de Nassau, aux Bahamas. Machiavélique dans l'âme, le mari de Rebecca intervient auprès des différents comités d'administration afin que le choix du nouveau directeur de la succursale insulaire se porte sur Gontran von Heidelberg lui-même. Édouard, que Gil avait bien entendu mis au parfum à propos de la relation étrange qu'entretenait Rebecca avec ce gérant à Nancy, ne supportait pas, lui non plus, de ne plus rien savoir des excès extra-conjugaux de son épouse. Plus de photos de ses scènes de débauche ! Plus le moindre mot, le moindre soupir, entendus par portable interposé au cours de ses relations crapuleuses ! En éloignant Gontran à des milliers de kilomètres, à l'autre bout de l'Atlantique, la vie reprendra son cours, et il ne sera plus privé d'images salaces l'aidant à se masturber en cachette !

Ce vendredi douze décembre, tout heureux de la prochaine nomination de Gontran aux Bahamas, Édouard rentre donc à Strasbourg l'esprit guilleret. Il y retrouve sa belle Rebecca, qui s'est d'ailleurs apprêtée pour le recevoir. Outre sa mini-robe de cuir fort décolletée, sous laquelle elle a enfilé ce soutien-gorge en lanières de cuir lui entourant la base des seins et le string de cuir largement ouvert sur l'avant, laissant voir son pubis rasé et sa vulve, elle a particulièrement soigné sa nouvelle coiffure rousse et son maquillage. Après un apéritif, doublé pour la circonstance, on passe à table. À la fin du repas, au cours duquel l'un et l'autre n'ont parlé que de banalités, Édouard annonce fièrement la réussite de la fusion de sa banque avec celle de Nassau. Rebecca est tout sourire, elle attend l'essentiel, qu'elle connaît d'ailleurs déjà.

— Et pour le poste de direction, le comité d'administration a nommé Gontran von Heidelberg, qui dirigeait la succursale de Nancy. Je pense que tu le connais... très bien même. Mais que veux-tu ? Les affaires sont les affaires, n'est-ce pas, Rebecca.

C'est ce qu'attendait la belle bourgeoise pour couvrir une dernière fois, et à sa manière, son cher Édouard de tout le mépris qu'elle ressent à son égard. Après une gorgée de café fort suivie d'une lampée de cognac, elle se lève et se dresse devant lui, à un mètre à peine. Lentement, elle ouvre de haut en bas la fermeture Éclair de sa robe de cuir, en écarte les pans, l'ôte et la laisse tomber à ses pieds. Perchée sur des talons aiguilles noirs de douze centimètres, elle est superbe dans sa nudité presque totale, dans cette tenue qui doit n'avoir été créée que pour elle, seins gonflés par les étroites lanières de cuir qui les enserrent à la base, bas-ventre et vulve rasés et exposés par ce string de cuir entièrement ouvert, bas noirs à couture accrochés à un nouveau porte-jarretelles constitué d'une lanière de cuir autour de la taille et de chaînettes d'acier pour retenir le bord brodé des bas. Édouard a la gorge nouée, son front perle de transpiration en entendant les propos provocateurs et méprisants de Rebecca, propos qu'elle accompagne de gestes obscènes et excitants à la fois. Se caressant les seins, se pinçant les mamelons, elle déclare :

— Regarde bien une dernière fois ces beaux gros nichons, Édouard, et ces gros bouts que tu suces si mal ! Tiens, passe ta main sur mon bas-ventre rasé de frais, pince donc ma grosse vulve que ta langue ignore trop souvent. Et mon clitoris, hein ?

Sous le regard ébahi d'Édouard, Rebecca pince son gros bouton, l'étire, le triture, le fait gonfler.

— Ah ! Celui-là non plus, tu ne le verras plus. Mais l'as-tu déjà vu convenablement une seule fois ? En quinze ans, me l'as-tu sucé réellement à m'en faire pâmer ? Eh bien, tout ça, ça va filer... aux Bahamas ! Tout ça appartient désormais à mon nouveau maître, mon vrai !

— Mais... Rebecca, tu deviens folle ! Dis-moi que tu plaisantes !

Tout en transpiration, mains tremblantes, Édouard saisit son verre et avale une gorgée de cognac. Emportée par l'excitation de ses propres propos et gestes, Rebecca fait de même. Puis, elle insiste, enfonce le clou :

— Pour maître Gontran, je ne serai plus qu'une simple poupée, une vulgaire chienne à qui il pourra faire subir les pires sévices. Ce que j'ai fait jusqu'à présent n'est rien à côté des plaisirs qu'il me fera découvrir. Lui, c'est un véritable expert en la matière. Il m'apprendra à souffrir par amour... Allez ! Tiens ! Je t'offre une dernière fois mon cul. Après ça, tu n'auras plus que tes souvenirs pour te branler !

Même si le ton de son épouse est des plus méprisants, Édouard est terriblement excité tant par ses paroles que par ses gestes obscènes. Elle s'est mise à quatre pattes sur le tapis persan, face à la grande cheminée où brûlent quelques bûches de chêne. En un éclair, il ôte pantalon, chemise et slip. En un éclair, il s'agenouille entre les jambes de Rebecca, lui saisit les hanches et enfonce sa bite raide dans le con trempé de sa bourgeoise. Une bourgeoise qui semble atteindre le sommet dans son art de la provocation. Elle glousse, halète un peu sous les quelques glissades de son époux. Entre deux coups de boutoir, elle en rajoute pour faire endêver Édouard de la Molinière, son époux :

— Et... tu sais quoi, Édouard ?... Gontran est celui qui me provoque les... plus intenses orgasmes... surtout quand je pense à ce qu'il va me faire subir... aah...

C'en est trop pour de la Molinière. Il ahane en secouant son épouse, envoie tout son jus, pour la dernière fois, dans ce con pervers, dans l'antre de cette femme démoniaque. Rebecca halète, ricane même entre deux gloussements, elle jouit aussi, mais plus en imaginant la scène qu'elle vient d'évoquer que par plaisir de se donner à son mari qu'elle quittera sous peu.

*

Nassau, le 5 janvier 2009

 

Mon cher Gil, mon auteur adoré, mon amant chéri,

Oui, je t'appellerai toujours ainsi car sans toi je ne me serais jamais épanouie autant. Sans toi, j'en serais toujours à jouer seule dans mon bain. Toujours, et je l'écris en majuscules, TOUJOURS, je te serai reconnaissante d'avoir réveillé ma sexualité endormie. Grâce à toi, j'ai découvert le plaisir, la jouissance dans des actes que la morale réprouve. J'en ai retiré de folles jouissances, tant physiques que spirituelles. Avec toi, j'ai connu des moments merveilleux, inoubliables, et je me dois de t'en remercier du fond du cœur. Sache, mon très cher Gil, que je t'aimerai toujours pour tout cela, que tu occuperas dans mon cœur la place qui te revient. Mais comme tu dois l'avoir compris, j'étais arrivée au terme de ce chemin que nous avions décidé d'emprunter tous les deux, le cœur léger. Tous ces actes pervers, si débauchés soient-ils, ne m'apportaient plus grand-chose. Mon esprit et mon corps, souffrant toujours de cette insatiabilité sexuelle, avaient besoin de quelque chose d'autre, de sensations bien plus fortes, dont je ne parvenais pas moi-même à définir la nature. Ce quelque chose, c'est ton ancien copain Gontran qui me l'a fait découvrir. Et c'est toi qui m'as amenée à Gontran, n'est-ce pas. Tout s'explique en ce bas monde, il n'est point de hasard. Pour toi, mon chéri, pour nous deux donc, la boucle est bouclée. Mon chemin pervers va devenir rude, très rude même, j'en ai déjà goûté quelques parcelles, mais la jouissance qu'il m'apporte est indéfinissable. Et, cerise sur le gâteau, l'amour est aussi au rendez-vous. N'aie crainte, mon cher Gil, je t'écrirai souvent pour te raconter les péripéties de cette nouvelle voie de déchéance que j'emprunte cette fois avec Gontran. Et ce qui ne gâte rien, c'est que c'est au soleil des Bahamas, et plus sous la grisaille du nord-est de la France.

Quant à toi, je sais que tu trouveras ton bonheur avec cette chère Clotilde. Elle t'aime beaucoup sans jamais te l'avoir dit. Et comme tu as pu t'en rendre compte toi-même, mon beau salaud, elle aussi est une fameuse jouisseuse, n'est-ce pas ! Vous êtes faits pour vous entendre, l'écrivaine érotique et le pornographe. Elle aussi est prête à te satisfaire dans tous tes désirs. Alors, je te souhaite beaucoup de bonheur avec elle. Je sais que vous penserez souvent à moi, comme je penserai à vous.

À bientôt, mon Gil chéri. Je t'embrasse très fort, et je signe comme tu aimes...

 

Ta petite bourgeoise salope