Daisy naît à minuit et des poussières de minute. Suite à trois mois alitée ; une journée passée dans un bain, les jambes écartées ; une césarienne ; la peur de ma vie.

Daisy, mon ange, me prouve que j’avais tort.

J’avais une idée bien précise de ce que j’allais ressentir. J’avais établi un plan d’amour, de place, un équilibre entre M et moi.

Daisy sort de mon ventre et, il fallait s’y attendre, chamboule tout. Je deviens mère en une fraction de seconde. Il n’y a pas d’équilibre, il n’y en a de toute façon jamais eu. J’avais l’espoir qu’elle serait le remède à ma folie. Daisy ne fait que l’accentuer.

Il n’y a pas d’ordre, pas de calme. Mais une tempête qui me bouleverse. Je m’envole et ne cherche pas à m’accrocher.

Il y a ma fille et moi dans une chambre d’hôpital. Ses yeux encore fermés, sa main autour de mon doigt. Il y a un amour sans limites qui ne se mesure pas, tant il est grand et puissant. Il y a ce sentiment d’absurde qui s’évapore. Daisy est sur mon cœur. Elle est le sens, la cicatrice au bas de mon ventre. Son poids sur ma poitrine, Daisy existe.

Petit ange, je n’ai jamais eu aussi peur, je ne me suis jamais sentie aussi forte.

J’ai le droit. J’ai le droit de l’aimer ainsi car je suis sa mère.

J’ai le devoir de la suivre. La porter. De détester ceux qui la blessent. J’ai le droit de tuer. De lui prouver que le monde est beau. De lui donner l’envie et les armes. De lui apprendre à aimer fort. À se battre.

Pour aimer, il faut se battre.

 

Ne t’inquiète pas, je serai avec toi. Devant toi. Derrière toi. Je te donnerai mon air, ma bouche. Tu ne seras jamais seule. Alors, n’aie pas peur.

 

Ouvre les yeux.

 

M la porte, lui embrasse le front et lui chante une berceuse. Je les observe. Ma famille. C’est ce que je me répète. Nous sommes une famille. Nous sommes liés. Personne ne partira. J’ai sommeil mais je lutte pour garder les yeux ouverts. Garder cette image un peu plus longtemps. La laisser me caresser, m’envahir, me remplir. Mon mari et ma fille. La paupière s’alourdit. Mon mari et ma fille rapetissent. Je m’endors avec ma pensée. Nous sommes une famille.