Vacances de février en Martinique. Je travaille M pendant des mois sur le sujet. Il me propose de passer dix jours dans la maison d’un pote dans le Finistère Sud. Il pourra écrire, moi je pourrai ne rien faire. Attendre dans le salon qu’il arrête de pleuvoir. Il ne s’arrêtera jamais de pleuvoir. Je lui demande, très sérieusement, s’il ne se fout pas de ma gueule. Je suis allergique à l’humidité et à la Bretagne. Avec un peu de chance, son copain sera dans la maison. Il acquiesce. Là, c’est clair, il se fout de ma gueule.

Il ajoute que son ami a un sauna. Ah ! S’il a un sauna, ça change tout ! M se mettra des mines au calva ; moi et sa fille de cinq ans, on fera des saunas.

T’as raison M. T’as toujours raison de toute façon.

 

Il cherche à me convaincre. Il ne fera pas froid, il fait toujours beau dans le Sud. J’éclate de rire. Il est sérieux, c’est le pire. Quelle mauvaise foi ! Dans Finistère Sud, il y a certes Sud mais il y a aussi Finistère. Je veux partir aux Caraïbes, lui en Bretagne. En plein hiver. Il n’a qu’à me proposer la Normandie tant qu’on y est.

M lève les yeux au ciel, il adore la Normandie.

Je disjoncte. Je veux lui casser quelque chose sur la tête. Je ne trouve rien. J’aime ma lampe de chevet. Alors je gueule. Il m’écoute, avec son petit sourire. Parle toujours, tu es folle. Je crie plus fort. Je suis folle ; lui est hypocrite. C’est un genre qu’il se donne. L’image du type qui écrit dans une maison isolée, dans la tempête au coin d’un feu de cheminée. Ce type n’est pas compliqué, aime les choses simples. Une boîte de sardines et un petit peu de calva dans une tisane. Ce type n’est pas M. Ce type n’est pas mon mari. Ce type va gentiment retourner dans sa cabane bretonne. Nous allons prendre l’avion, en famille. Daisy va jouer dans le sable, pendant que nous picolerons des punchs au bar et tremperons les acras dans la sauce piquante. Voilà le plan. Il n’y en a qu’un.

 

M, tu m’as promis…

Tu n’aimes même pas les sardines.

 

M me trouve exigeante. Je le trouve égoïste.

Je ne céderai pas. Je préfère rester m’ennuyer ici, m’asseoir sur ce tapis, regarder des émissions culinaires, vider des caisses de rhum. Mes Caraïbes à moi.

Bonnes vacances ! L’été prochain, une cirrhose au foie…

Je suis déçue, profondément déçue.

Je vais vomir. Je vomis tout. Je fais du bruit.

Tout donner. Ne rien recevoir. Ne rien mériter. Je ne gagne pas d’argent, j’ai compris. Je ne suis rien, je suis folle. Je bois et je vomis.

 

M, mon amour. Regarde-moi. Je veux la première place. Juste une fois. Regarde-moi. Je change M. Je suis en colère. Tout le temps. Je me lève seule, la colère dans la bouche. Sale goût. Puis, la frustration. Profond sentiment d’injustice que je noie dans des verres vides qui ne le restent jamais. Je remplis, je vide. Je suis seule, M.

 

M, mon amour. Regarde-moi.

 

Ne jamais cesser de me regarder. M’aimer. Me donner tout ce dont j’ai toujours manqué. Souviens-toi. S’il te plaît… Souviens-toi.

Tu m’avais promis.

 

Je pleure. M me prend dans ses bras.

Mon amour, serre-moi fort.

Donne-moi tes lèvres.

 

Il descend à son bureau, pour remonter une heure plus tard avec trois billets d’avion.