LES TROIS SŒURS

Mon amour à la robe de phare bleu,

je baise la fièvre de ton visage

où couche la lumière qui jouit en secret.

J’aime et je sanglote. Je suis vivant

et c’est ton cœur cette Etoile du Matin

à la durée victorieuse qui rougit avant

de rompre le combat des Constellations.

Hors de toi, que ma chair devienne la voile

qui répugne au vent.

I

Dans l’urne des temps secondaires

L’enfant à naître était de craie.

La marche fourchue des saisons

Abritait d’herbe l’inconnu.

La connaissance divisible

Pressait d’averses le printemps.

Un aromate de pays

Prolongeait la fleur apparue.

Communication qu’on outrage,

Ecorce ou givre déposés;

L’air investit, le sang attise;

L’œil fait mystère du baiser.

Donnant vie à la route ouverte,

Le tourbillon vint aux genoux;

Et cet élan, le lit des larmes

S’en emplit d’un seul battement.

II

La seconde crie et s’évade

De l’abeille ambiante et du tilleul vermeil.

Elle est un jour de vent perpétuel,

Le dé bleu du combat, le guetteur qui sourit

Quand sa lyre profère : “Ce que je veux, sera.”

C’est l’heure de se taire,

De devenir la tour

Que l’avenir convoite.

Le chasseur de soi fuit sa maison fragile :

Son gibier le suit n’ayant plus peur.

Leur clarté est si haute, leur santé si nouvelle,

Que ces deux qui s’en vont sans rien signifier

Ne sentent pas les sœurs les ramener à elles

D’un long bâillon de cendre aux forêts blanches.

III

Cet enfant sur ton épaule

Est ta chance et ton fardeau.

Terre en quoi l’orchidée brûle,

Ne le fatiguez pas de vous.

Restez fleur et frontière,

Restez manne et serpent;

Ce que la chimère accumule

Bientôt délaisse le refuge.

Meurent les yeux singuliers

Et la parole qui découvre.

La plaie qui rampe au miroir

Est maîtresse des deux bouges.

Violente l’épaule s’entrouve;

Muet apparaît le volcan.

Terre sur quoi l’olivier brille,

Tout s’évanouit en passage.