XXV.
L’expérience psychédélique

« Huxley, il s’en souviendrait toujours, avait paru indifférent à la perspective de sa propre mort : mais il était peut-être simplement abruti ou drogué297 ».

Michel Houellebecq. Les particules élémentaires.

 

Maria, dans une note à Grâce Hubble qui doit relire les épreuves, trouve l’épilogue des Diables de Loudun très beau, donnant bien le sens de ce livre et reflétant tout à fait son mari et ses sujets de prédilection. Les hommes essayent « de s’évader de leur conscience torturante de n’être simplement qu’eux-mêmes », de la misère de leur moi isolé et comme ils ont une répugnance naturelle à prendre la route vers le haut, ils prennent celle du bas : l’alcool, les narcotiques, les barbituriques, « la sexualité élémentaire, à laquelle on s’adonne pour elle-même, et séparée de tout sentiment d’amour » et surtout « la réunion en masse », « le poison du troupeau », « le délire des foules », beaucoup plus dangereux que la débauche ou l’intoxication mais souvent soutenus par les dirigeants politiques ou religieux qui peuvent ainsi, selon leurs intérêts, amener les individus à « un état infra-personnel de suggestibilité rehaussée » aussi bien qu’à la violence démente. A ces moyens pour « s’évader de l’état du moi isolé », on peut ajouter le mouvement rythmique associé au son rythmique ainsi que la pénitence corporelle dont l’histoire des religions est chargée.

La plupart des hommes choisissent un dépassement horizontal de leur moi en s’identifiant à quelque chose d’un peu plus large que leurs intérêts immédiats, quelque chose qui reste malgré tout de l’ordre des activités sociales courantes mais qu’ils investissent intensément avec dévouement et générosité. Ce dépassement horizontal est nécessaire à la civilisation, sans lui il n’y aurait ni arts, ni sciences, ni civilisation mais il n’y aurait pas non plus de guerres, d’intolérance, de persécutions. L’identification du moi à ce qui est humain doit être accompagnée d’un effort conscient pour réaliser la transcendance vers le haut, dans la vie universelle de l’Esprit, sinon les biens réalisés seront toujours mêlés de maux qui les détruiront.

Parfois, la voie descendante en faisant voler en éclats « la coquille du moi » confronte le sujet aux différentes sortes de non-moi auxquels il est associé et ainsi lui ouvre la voie spirituelle ascendante. Toutefois,

 

« … le fait qu’une telle chose se produise parfois ne saurait jamais justifier l’emploi de méthodes chimiques de transcendance du moi » car le cas est rare et le prix à payer peut-être trop élevé : « pour l’habitué de la drogue, l’instant de conscience spirituelle (si tant est qu’il se produise) fait place bien vite à une stupeur, une démence ou une hallucination infrahumaines, suivies de séquelles lugubres298 ».

 

Pourtant, un an plus tard, Huxley, en contradiction avec ses propos, décide de tenter l’expérience de la mescaline. Il prend contact avec Humphry Osmond un psychiatre anglais qui effectue au Canada des recherches sur la schizophrénie et qui expérimente la mescaline dans l’espoir de mieux comprendre cette psychose. C’est Osmond qui a inventé le terme de psychédélique, signifiant mind-revealing ou mind-expanding (révélateur de la conscience ou élargissement de la conscience). Dans la lettre qu’il lui adresse le 10 avril 1953, Huxley reprend l’hypothèse bergsonienne selon laquelle

 

« … le cerveau associé à son moi normal, agit comme un dispositif utilitaire qui limite et opère une sélection dans l’énorme monde possible de la conscience et canalise l’expérience dans des voies biologiquement avantageuses299 ».

 

Cette conception du cerveau s’inscrit dans une conception plus large de l’homme et de sa conscience. Si le cerveau doit jouer ce rôle de filtre qui nous rend inconscients de la plupart de nos activités physiques et mentales, c’est que nous devons concentrer notre attention sur ce qui est nécessaire pour vivre. Que filtre le cerveau ? Une conscience cosmique, universelle. Nous survivons donc grâce à cette fermeture mais nous pourrions devenir omniscients en nous ouvrant à cette conscience cosmique. Et cette conscience cosmique universelle, nous pouvons aussi la trouver au fond de nous où elle est également présente. Elle est notre moi profond et l’Orient l’appelle l’Atman-Brahman. Nous pouvons constater qu’il s’agit là de la même conception de la nature humaine que nous avons déjà évoquée à plusieurs reprises dans le chapitre sur la parapsychologie.

La mescaline peut-elle bloquer le rôle de filtre du cerveau et donc nous ouvrir à cet Autre Monde qui est à la fois universel et au plus profond de chacun ? Tout comme l’illumination mystique ou d’autres expériences (choc émotionnel, maladie, expérience esthétique), chacune selon des modalités qui leur sont propres, peuvent en inhibant l’activité du moi dans le cerveau en ouvrir les portes, le « faire naître à la conscience ». Cet Autre Monde, c’est « le monde de l’expérience sans limite... sous-jacent… au monde de l’utilité biologique et du bon sens ». Comment tirer le meilleur parti qui soit de ces deux mondes ? Voilà le premier problème de l’éducation pense Huxley. Le 4 mai 1953, Huxley, sous la supervision d’Osmond et accompagné de Maria, expérimente sa première prise de mescaline.

Comment expliquer ce revirement de Huxley, ce nouvel intérêt qu’il va porter au psychédélisme et qui durera jusqu’à la fin de ses jours ? Voilà 15 ans maintenant que Huxley étudie les textes sacrés et pratique la méditation, qu’il s’est mis en quête de l’illumination, de la connaissance du Fondement Divin. Cet engagement lui a apporté une certaine paix mais pas ce qu’il recherche qui est beaucoup plus radical spirituellement. A-t-il connu ce moment de grâce avant d’entrer dans cette longue nuit de l’âme que connaissent les mystiques et espère-t-il que l’expérience de la mescaline et du LSD lui permettra d’en retrouver le souvenir ? Ou bien n’a-t-il pu l’atteindre et fatigué des efforts d’annihilation du moi croit-il pouvoir trouver avec ces produits un raccourci lui évitant la poursuite d’un chemin interminable ? Le monde de la survie biologique, de la vie dans l’économie et la société est un monde si terriblement désenchanté qu’il trouvait salutaire de prendre conscience qu’il n’est pas le seul univers qui existe.

Du monde de l’inconscient, celui de nos profondeurs, pour peu que nous y soyons attentifs, peuvent surgir bien des grâces, au travers, entre autres, des expériences visionnaires que les substances psychédéliques peuvent stimuler. Et il y a enfin, ce troisième monde, « celui de l’Esprit qui sous-tend et interpénètre les deux autres ».

Les drogues psychédéliques peuvent-elles en donner la clé ? La question fait débat entre Huxley et quelques personnalités religieuses. En tout cas, ces drogues doivent au moins permettre de ne pas rester enfermé dans le monde de l’espace-temps, des limites matérielles, humaines et sociales et d’ouvrir le monde de l’expérience visionnaire.

En janvier 1952, Maria Huxley a été opérée d’un cancer qui a resurgi après six mois d’un premier traitement. Huxley s’enferme dans un déni de l’état de santé de son épouse presque tout le temps que durera sa maladie et il n’en admet la gravité que quelques jours seulement avant son décès en février 1955. Un épisode est significatif à cet égard : en août 1954, Aldous et Maria arrivent à Paris, de retour d’Italie et du Moyen-Orient, presque au terme d’un voyage qui dure depuis avril. En Italie, Maria peine à se nourrir, elle est très mince et pâle, son cou est très douloureux, elle est épuisée mais s’efforce d’accompagner Aldous car elle sait que ce sont ses dernières vacances avec lui. Mais lui ne le sait pas. Un peu plus de deux ans auparavant, en janvier 1952, Maria a subi une ablation du sein qui l’a énormément fatiguée et lui a rendu la mobilité de la tête très difficile pendant quelque temps ; à la fin de l’année 1953, des séances de rayons ont été nécessaires. De nouveaux symptômes l’inquiètent au cours du voyage et elle profite de son passage dans la capitale française pour consulter le professeur Mondor qui lui conseille de retourner le plus vite possible aux Etats-Unis pour se faire soigner auprès de ses médecins habituels et ne lui cache pas, du fait de sa demande très claire de vérité, son état. Mais il faut attendre trois semaines le bateau pour les Etats-Unis. Que fait alors son époux ? Il en profite pour filer à Londres rendre visite à son frère. Il discute à Londres avec Russel de la recherche parapsychique. Elle reste trois semaines seule à Paris à l’hôtel, dans un état de grande angoisse, n’ayant pour toute visite que celle de sa sœur Sophie lorsque son travail lui en laisse la disponibilité. De retour chez elle, Maria doit affronter de nouvelles séances de rayon tandis que Huxley continue à vaquer à ses occupations ; il part fin septembre en conférence à Washington et New York pour une durée de presque deux semaines. Maria le décrit alors comme calme, stimulé et optimiste. Le 10 janvier 1955, il écrit à ses amis Roger et Alice Godel que Maria a toujours un lumbago persistant et douloureux et le 30 janvier à son fils et à sa belle-fille que les rayons vont se terminer la semaine prochaine et que Maria va aller beaucoup mieux. Il est de tout cela convaincu. Ce n’est que le lendemain, à l’occasion d’une nouvelle hospitalisation de Maria, qui sera d’ailleurs la dernière, qu’il prend conscience alors de la gravité de son état. Le 3 février, il écrit à Humphrey son immense tristesse. Dès son retour de l’hôpital chez eux le 7 février, Huxley reste constamment auprès d’elle jusqu’à son terme pour l’aider à rejoindre la lumière. Elle décède le 12 février à six heures du matin. Maria avait toujours cherché à minimiser ou même à cacher autant qu’elle le pouvait son état à son mari. Elle lui dissimulait sa fatigue, l’avait laissé ignorant de son entretien avec le professeur Mondor. Maria protégeait et même surprotégeait son mari et, souffrante et angoissée, son premier souci était qu’il n’en paraisse rien à ses yeux tant il lui semblait, à tort ou à raison, qu’il pouvait être la proie du désarroi.

Deux raisons peuvent donc expliquer l’utilisation des drogues psychédéliques par Huxley à cette époque : d’une part la difficulté d’aboutir là où il l’espérait de sa quête mystique et d’autre part la fuite d’un monde dont il dira souvent qu’il est un monde de douleur et qui était rendu encore plus insupportable par la perspective du décès de Maria qui ne devait pas être malgré tout refoulée très profondément dans son subconscient.

Dans Les Portes de la Perception qu’il rédige en juin-juillet 1953 et qui paraît en février 1954, Huxley fait un récit détaillé de sa première expérience psychédélique. Il s’attendait à ce que la mescaline lui ouvre un monde de visions à l’instar de celui de Blake mais ce ne fut pas le cas. Quelques couleurs et formes géométriques défilèrent certes devant ses yeux mais, surtout, il vit le monde qui l’entourait « comme Adam avait vu le matin de sa création, le miracle, d’instant en instant, de l’existence dans sa nudité300 ». Les fleurs disposées dans le vase étaient transfigurées, elles étaient l’Etre. Les livres, les meubles, les plis de son pantalon de flanelle gris « tout brillait de la lumière intérieure et était infini dans sa signification ». Le temps était suspendu, Huxley était les objets qu’il contemplait ou plus exactement il était son « non-moi dans le non-moi » qu’étaient ces objets. Ordinaires, banals, on aurait pu dire qu’ils étaient présents avec la même intensité que les godillots de Van Gogh dont Hervé Clerc dit :

 

« Pourquoi est-ce si important ? Parce qu’ils sont là, les godillots, et qu’ils ont une manière d’être là, et même drôlement là, profondément là – d’une profondeur qui coïncide avec l’apparence – qui s’impose à quiconque sait voir. Ils brillent par leur simplicité. Ils n’en rajoutent pas. C’est la chose même qui nous est donnée à voir301. »

 

Quel est donc cet Autre Monde dont la mescaline lui ouvre les portes ? Ce n’est pas un monde irréel, produit d’une imagination stimulée. Ce n’est pas non plus un monde parallèle, un monde de l’au-delà, une autre réalité objective que celle de notre réalité quotidienne. C’est le monde devenu « expérience sans limites », perçu sans limites, dans tout l’éclat de sa présence intensifiée au plus haut degré car la mescaline en reléguant le moi déchire le voile « de l’utilité biologique et du bon sens » qui l’étiole, l’obscurcit, le réduit au service de nos intérêts et passions. Elle l’a révélé comme un révélateur photographique rend visible l’image latente. C’est le monde contemplé et non plus le monde terrain d’action. Ses propos dans un entretien avec le Paris Review en 1960 confirment bien cette interprétation :

 

« sous l’influence de la drogue on a des intuitions pénétrantes sur ceux qui vous entourent ainsi que sur sa propre vie... elle montre que le monde dans lequel on vit habituellement n’est qu’une création de cet être conventionnel, étroitement conditionné que l’on est et qu’il existe bien d’autres espèces de mondes en dehors302. »

 

Au cours d’une conférence sur l’expérience visionnaire en 1961, Huxley cite le dialogue du Phédon dans lequel Socrate parle de « l’autre terre », ce « monde posthume où vont les hommes bons après leur mort ». Huxley ne parvient pas, à la lecture du dialogue, à savoir si cette « autre terre » est un paradis ou bien le monde des Idées mais c’est un monde qui est « une vision de saints spectateurs » dit Socrate et Huxley retrouve dans la description de Socrate le monde qu’il connut lors de sa première prise de mescaline, « tout est plus brillant, plus clair et plus réel que dans notre monde303 ».

Deux ans plus tard, paraît Le Ciel et l’Enfer en février 1956, qui peut être lu comme une rationalisation très documentée de son besoin personnel d’expériences visionnaires et de sa recherche de la lumière intérieure qui ont pu naître ou être stimulés par son état de quasi-cécité. Huxley décrit l’utilisation et les recherches par l’homme de stimulants pour susciter des visions : objets qui ont ce pouvoir sur celui qui les contemple comme les pierres précieuses, les bijoux, les vitraux, les porcelaines, certaines peintures, des procédés comme la lampe stroboscopique mise en marche devant les yeux fermés, suspensions de souffle augmentant la concentration de gaz carbonique dans le sang et les poumons, mais aussi exercices respiratoires des yogis, psalmodies, cris et chants répétés, hypnose, jeûne, auto-flagellation, spectacles comme les feux d’artifice, les démonstrations d’apparat, etc. L’art, les bijoux,

 

« … des objets ensoleillés rappellent au subconscient ce qu’il y a, aux antipodes de l’esprit, et ainsi, il part loin du monde ordinaire et se tourne vers l’expérience visionnaire, tombant en transe au cours du processus304 ».

 

Mais le procédé le plus efficace, celui qui transporte l’esprit le plus loin, c’est la drogue. Dans Le Ciel et l’Enfer, Huxley explique qu’il y a dans l’esprit des régions inexplorées, lointaines, habitées par des créatures invraisemblables autonomes et indépendantes. Ces régions sont bien au-delà du subconscient, bien au-delà de ce qu’il appelle l’âme végétative et l’inconscient collectif, elles appartiennent au monde de l’expérience visionnaire. Les choses vues dans ce cadre, nous ne les avons pas imaginées et nous avons tort de les attribuer à notre créativité poétique. Elles nous apparaissent invraisemblables parce qu’elles nous sont étrangères. Mais un rideau a été soulevé pour que nous puissions les voir quand « les portes de la perception ont été nettoyées ». Aussi invraisemblables soient-elles, ces visions obéissent à des lois. Elles ont en effet des traits communs : elles sont illuminées et semblent briller d’une lumière intérieure alors que la plupart des rêves sont sans couleur. Huxley construit à partir de là le syllogisme suivant :

a) ce qui est réalité nous est donné coloré (le monde extérieur) et ce qui est construit par notre intellect et notre imagination est non coloré (les rêves),

b) les visions sont colorées,

c) donc les visions sont bien celles d’une réalité. Et si leurs couleurs ont cette qualité de brillant, de pureté, c’est parce que ces visions se situent au-delà du langage, que nous les percevons « hors du système de la pensée conceptuelle » et qu’elles conservent ainsi « toute l’intensité nue d’expériences qui n’ont jamais été assimilées à des abstractions sans vie305 ».

Un monde illuminé, indicible, invraisemblable, un monde merveilleux et au plus profond de nous. Un monde qui ressemble fort à l’Atman du védantisme. Quand on l’a trouvé, le monde est transfiguré. Quand on sait le reconnaître, toute chose, tout être brille comme un soleil. C’est l’universel dans chacun, l’éternité qui se voit.

Huxley s’interroge :

 

« Et si comme je le crois personnellement, les expériences visionnaires viennent à notre conscient en provenance de quelque part, « là-bas » dans l’infini de l’Esprit en général, quelle sorte de motif neurologique ad hoc est créé pour elles par le cerveau récepteur et transmetteur306 ? »

 

L’Esprit en général ! Ne s’agit-il pas là de la conscience cosmique, l’Absolu, le Fondement Divin du monde, l’Ame universelle ? La mescaline peut donc être très utile en nous donnant l’occasion de voir le monde intérieur et le monde extérieur, non pas tels qu’ils apparaissent à un animal obsédé par la survie ou à un être humain obsédé par les mots et les idées mais tels qu’ils sont appréhendés par l’Esprit en Général. Qu’entend Huxley par « l’Esprit en général » ? L’être humain est un être amphibie qui vit dans plusieurs univers : d’une part le monde de ses propres productions et créations, qu’il soit individuel ou social, de la matière ou de l’esprit ou de l’âme, et d’autre part le monde créé par Dieu « de la nature et de la grâce307 » qui est le monde de l’Esprit en général, qui nous est transcendant mais peut nous être présent si nous le sentons et l’éprouvons, si nous appréhendons que nous y appartenons et que nous y participons. C’est cela être illuminé, c’est avoir conscience en permanence de ce monde à la fois transcendant et immanent tout en restant dans la condition d’un être humain vivant dans le monde des préoccupations, des intérêts et des activités propres à l’homme.

L’expérience psychédélique est-elle différente de la connaissance mystique ? Huxley a certes toujours affirmé qu’il considérait bien comme différentes les expériences visionnaires et mystiques, les secondes étant au-delà du domaine des opposés à la différence des premières qui y restent. L’expérience psychédélique est une grâce gratuite, c’est-à-dire une intuition partielle et passagère de la réalité infinie dont la drogue fournit l’occasion. Au même titre qu’une expérience spontanée d’unité avec le monde, telle que celles décrites par C. Millot ou JC. Bologne308, elle est susceptible, pense Huxley, d’aider celui qui la reçoit et de lui laisser une marque indélébile même si elle ne lui garantit pas « l’illumination permanente » ou « un progrès durable » de la conduite. Ainsi le peyotl, le champignon hallucinogène des Indiens du Nord-Ouest mexicain, permet une expérience de transcendance « en introduisant le sujet dans l’Autre Monde de l’expérience visionnaire et en lui donnant un sentiment de solidarité avec ses camarades de culte, avec les êtres humains en général et avec la nature divine des choses309 ». De même, le LSD ou la mescaline administrée dans des conditions adaptées, Huxley en est convaincu, permettent « une authentique expérience religieuse ».

Il n’y a pas de raison de s’offenser, affirme-t-il, qu’une pilule puisse être utilisée pour vivre une expérience religieuse : les exercices de mortification des ascètes (jeûne, veille forcée, autopunitions corporelles, isolement volontaire des ermites), les techniques respiratoires des yogis, les méditations longues et intenses modifient eux aussi la chimie du cerveau pour faire advenir l’expérience mystique, nous mettre en contact avec les régions, au plus profond de nous, réceptives à l’Esprit cosmique. Les chercheurs ont en effet remarqué d’une part que les compositions chimiques de l’acide lysergique, de la mescaline et de l’adrénaline sont proches et que d’autre part un des composés de cette dernière, l’adrénochrome, produit des effets identiques à ceux de la mescaline. La mescaline diminue l’apport en sucre dans le cerveau par son action sur certains enzymes ; le moi alors affaibli se détourne de l’action sur le monde, les rapports spatiaux et temporels si utiles en temps ordinaires perdent alors de leur importance et laissent la place à d’autres perceptions comme une intensification des couleurs, la volonté anémiée détourne le sujet de ses tourments habituels et le laissent ainsi éprouver des « choses meilleures ». Ainsi la mescaline peut révéler

 

« … la splendeur, la valeur infinie et la richesse de signification de l’existence nue, de l’événement donné et non conceptualisé310 ».

 

Mais ces actions sur la physiologie qu’il s’agisse d’agents chimiques ou de pratiques ancestrales « ne sont pas la cause de l’expérience spirituelle ; ils n’en constituent que l’occasion ».

 

« Je ne suis pas assez sot pour égaler ce qui se produit sous l’influence de la mescaline ou de toute autre drogue … à la prise de conscience de la fin et du but ultime de la vie humaine : l’illumination, la vision de la béatitude.311 »

 

C’est peut-être même sa propre expérience qui a définitivement convaincu Huxley que le seul produit psychotrope ne peut conduire à l’illumination. Il s’est rendu compte que la mescaline lui a permis une vue transfigurée du monde extérieur mais qu’en ce qui concerne son monde intérieur, il n’a perçu que son propre esprit et non le Corps-Dharma, le Fondement Divin312. Durant l’expérience il ne pouvait faire autre chose que contempler car les fleurs, les meubles, le pantalon de flanelle étaient d’une telle splendeur qu’il était impossible de se tourner vers les préoccupations du « monde des « moi », des jugements moraux et des considérations utilitaires313 ». Il avait connu là une contemplation bien supérieure à celles qu’il peut arriver de connaître dans l’art, la nature, la méditation mais il savait que ce n’était pas la contemplation dans sa plénitude. Celle-ci est réservée au

 

« … contemplatif actif, au saint, à l’homme qui, comme l’a dit maître Eckart, est prêt à descendre du septième ciel afin de porter un verre d’eau à son frère malade314 ».

 

Il rapproche aussi l’expérience visionnaire de l’expérience posthume pour montrer que son déroulement est déterminé par l’individu et non par le produit qui n’en est qu’une condition ou un catalyseur. Après le décès de Maria en février 1955, il fait l’hypothèse, dont quelques éléments nous donnent à penser qu’il y adhère avec assez de conviction, au moins pendant une certaine période, de la survie de la conscience après la mort corporelle. Cette survie peut s’effectuer à différents niveaux, explique-t-il, celui de l’expérience individuelle quotidienne, celui de l’expérience visionnaire ou celui de l’expérience mystique. Parmi les âmes des défunts récents une infinitésimale minorité est capable d’« une union immédiate avec le Fondement Divin ». La plupart se replient devant « la splendeur intolérable de la réalité ultime » dans un monde semblable à celui que fut leur monde de l’existence quotidienne ordinaire et qu’elles construisent avec leurs désirs et leurs souvenirs.

 

« De ce monde, il est sans doute possible de passer, quand les conditions nécessaires ont été réalisées, à des mondes de félicité visionnaire ou à l’illumination finale315 ».

 

Certaines ont la vision du Ciel comme expérience très positive, source d’un état de félicité, d’autres comme une expérience dantesque affreusement douloureuse. Huxley remarque que, dans l’état terrestre, on retrouve cette dualité de l’expérience visionnaire décrite à l’état posthume : béatitude, révélation de l’immanence divine, sentiment de « désindividuation » et parfois même de sortie du corps dans les expériences positives ou, au contraire, révélation d’un monde sinistre et brutal, sentiment d’enfermement et d’étouffement, individualisation intensifiée dans les expériences visionnaires négatives comme celles de schizophrènes ou de prise de mescaline par des malades hépatiques. A l’état posthume, comme dans l’état terrestre, les expériences visionnaires peuvent être merveilleuses ou infernales. L’expérience visionnaire ne préfigure plus seulement l’expérience mystique mais une expérience posthume. A cette époque, Huxley a vraiment basculé dans l’Autre Monde. L’expérience psychédélique pourrait donc être selon lui une étape vers l’expérience authentiquement religieuse et d’élargissement de la conscience mais à condition que l’individu y ait été préparé et comprenne qu’elle n’est pas une fin mais un stimulant de la quête spirituelle, qu’elle n’est pas l’expérience mystique mais ne permet que de l’entre-apercevoir.

Même avec ces restrictions et ces réserves, la position de Huxley souleva de nombreuses critiques contre lui. Le swami Prabhavananda qui avait initié Huxley à l’hindouisme désapprouva ce choix : selon lui « les drogues ne pourraient jamais vous transformer la vie ou vous donner le sentiment de paix et d’amour que vous apportent les visions spirituelles. Les drogues ne font que vous étonner, après quoi, vous perdez la foi316. » Elles ne peuvent donc amener aux expériences mystiques. L’émerveillement des consommateurs de drogues psychédéliques est une activité passive, le voyage accompli, ils ne peuvent le retrouver que par une nouvelle consommation, leur volonté d’araser l’égo est rapidement menacée de disparaître. Krishnamurti qui avait l’habitude de parler de la question avec Huxley trouvait « tout cela dénué de sens » et inutile de s’appesantir sur les perturbations de la conscience que pouvait provoquer, ne serait-ce qu’une boisson alcoolique317. Quand Les Portes de la Perception fut publié en Angleterre, un philosophe R.C Zaehner lança une campagne pour le réfuter à propos de la proximité qu’il établissait entre expérience psychédélique et expérience mystique. Lui-même reconnaissait que sa propre expérience n’avait pas été concluante et que l’espèce de transcendance du moi dont parle Huxley se produit bien mais est

 

« … une transcendance dans un monde d’une absurdité grotesque … Le monde était bien Un mais c’est au sens que toute chose, vue de mon état d’homoncule, était également risible… Je ne souhaite pas prendre de la drogue une nouvelle fois … plus l’expérience s’estompe dans le passé, plus il me semble clair que le principe de l’interférence artificielle avec la conscience est, sauf pour des raisons médicales, mauvais318 ».

 

Dans un article paru dans Fate Magazine en 1961, Huxley répondit directement à Zaehner, en s’appuyant sur les expériences avec le protoxyde d’azote de William James soutenu par Bergson contre ses détracteurs, en expliquant que ce n’est pas la substance chimique qui a fait émerger ce qui a émergé : elle n’a été qu’une clé pour ouvrir la porte, comme peuvent aussi l’être la flagellation ou les exercices respiratoires. Et la clé ne fait pas ce qu’il y a derrière la porte, ce n’est pas la clé qui détermine la nature de l’expérience psychédélique.

Mais indépendamment même de ce rapprochement de l’expérience psychédélique et de l’expérience religieuse, Huxley fut très critiqué tout simplement pour son usage de la drogue et ce qui fut interprété comme son apologie. « Les Portes de la Perception » fut mal accueilli en Angleterre et mit sa famille mal à l’aise à l’exception de son frère Julian fasciné par le livre mais toujours distant des hallucinogènes par crainte de leurs effets possibles sur sa vulnérabilité à la dépression. Huxley renonça à faire des conférences sur le sujet en Angleterre. Aux Etats-Unis, l’expérimentation des drogues était avec le communisme et l’homosexualité l’un des trois grands épouvantails symbolisant le mal et à Los Angeles il fut aussi dénoncé publiquement. Aussi et malgré des soutiens dans l’abondant courrier reçu, il refusa de participer à une émission de télévision avec Osmond sur la mescaline considérant que la mescaline et les aspects les plus étranges de l’esprit sont des sujets qui doivent être écrits pour un public restreint et non débattus à la télévision en présence d’une large audience dans laquelle on trouve des baptistes, des méthodistes et des extrémistes fanatiques. Huxley ne voulait pas devenir un croisé des visions induites par la drogue. Il subit toutefois toute la gamme des critiques depuis celles allant des réactions aussi violentes que celles qu’il avait connues à propos de son obstination pacifiste jusqu’au reproche amical en passant par la franche hostilité. Certains de ses amis furent décontenancés : Peggy Kiskadden dit avoir été effarée par ses prises de drogue : « C’est la pire des choses à faire que de se mettre ainsi sur cric, de se monter sur un vérin, ce n’est pas la réalité que vous voyez, la came est un non-sens. » Jack Zeitlin319 considéra que non seulement c’était « imprudent mais aussi incohérent avec l’idée de mysticisme qu’il admire tant….je lui ai dit que je pensais que c’était une impasse et que c’était encourager tous ceux qui souhaitaient s’y livrer ». La critique de Thomas Mann fut très dure. Des Portes de la Perception, il écrit :

 

« … c’est la plus audacieuse forme de fuite, d’évasion de Huxley que je n’ai jamais pu apprécier en tant qu’auteur. Le mysticisme tant qu’il était un moyen de cette évasion était, néanmoins, raisonnablement honorable. Mais qu’il en arrive maintenant aux drogues, je trouve cela assez scandaleux... encouragés par la persuasive recommandation d’un auteur célèbre de nombreux jeunes anglais et américains d’essayer de les expérimenter... un livre irresponsable qui peut seulement contribuer à la stupeur du monde et à sa difficulté à rencontrer les questions capitales avec intelligence320. »

 

Plus d’un critique fut rebuté par les termes du livre. Ils pouvaient sembler vagues et confus à des critiques épris de rationalisme comme celui du New-Yorker du 12 mars 1954 :

 

« L’essentiel (du livre), c’est la vieille et lassante danse des abstractions ayant pour nom Not-Self, Eternity, Mind at Large, Suchness et the Absolute. »

 

Mais ces mots relativement mystérieux, Huxley, lui, au contraire, affirmait les comprendre, pour la première fois non pas intellectuellement, comme à distance, mais d’une façon précise, complète, vécue.

L’expérience de la mescaline était donc pour lui, comme l’expérience mystique, irréductible au langage, indicible et seul le vécu permettait de donner vraiment la signification des mots chargés de le traduire.

Huxley a-t-il une responsabilité dans l’usage abusif des drogues qui s’est développé à cette époque ? Doit-on le voir comme ayant joué un rôle majeur et irresponsable dans la vague de toxicomanie qui atteint la jeunesse ? Ou bien est-ce sa célébrité qui a contribué à construire, avec les présentations simplificatrices de ses adversaires, la légende d’un Huxley apologiste des drogues psychédéliques ? Aurait-il pu mieux s’informer sur les dangers des drogues à une époque où des psychiatres espéraient trouver avec elles des remèdes à l’alcoolisme ou à la schizophrénie et où de prestigieuses universités avaient fait de l’expérience visionnaire un objet d’étude examiné avec la plus grande bienveillance ? Quand paraissent Les Portes de la Perception et Le Ciel et l’Enfer, depuis déjà plus d’une dizaine d’années des publications scientifiques traitent des différents aspects médicaux du LSD. Huxley n’expérimente et n’écrit que sur des produits psychotropes, des hallucinogènes, dont beaucoup pensent à l’époque qu’ils ne sont pas des stupéfiants générant une addiction ou d’autres conséquences sanitaires dangereuses. La mescaline est extraite d’un cactus mexicain, le peyotl. Albert Hofmann a isolé la psylobicine dans un champignon mexicain, le teonanacatl, en 1958, et également fabriqué par synthèse en 1943, l’acide lysergique diéthylamide (LSD) à partir de l’acide lysergique contenu dans l’ergot de seigle, à l’occasion de recherches pour mettre au point un stimulant circulatoire et respiratoire. Dans les années 50, on le prescrit à des psychotiques, à des alcooliques et à des mourants. Sandoz, où travaille Hofmann, le commercialise sous le nom de Delysid à l’attention des médecins. Les militaires américains s’y intéressent aussi mais dans un tout autre but : ils envisagent un plan d’attaque lysergique contre Cuba. Au cours des années 60, le mouvement psychédélique se popularise, porté par la musique et la contestation. Le LSD sort de la communauté scientifique et des laboratoires, les fabrications artisanales se multiplient jusqu’à son interdiction en 1966.

Avant même que leur traitement chimique n’en multiplie la puissance, les Indiens avaient compris que les effets sur la conscience de ces produits étaient déjà suffisamment élevés pour en limiter et réserver la consommation à des individus préparés à les recevoir à l’occasion de rites sacrés. C’est parce qu’ils donnent cette possibilité d’explorer l’Autre Monde que Huxley s’est intéressé à ces produits. Il a d’ailleurs limité sa consommation à eux exclusivement. Il n’était donc pas un toxicomane mais un expérimentateur agissant dans le cadre d’une recherche spirituelle excluant tout usage récréatif. Ernst Junger, à la même époque, explorait, lui aussi avec Hoffman, le domaine des expériences visionnaires. En 1961, en réponse aux questions du journaliste J. Chandos, Huxley affirme n’avoir pris de la mescaline que deux fois et du LSD environ cinq fois. Sybille Bedford et sa seconde épouse Laura pensent qu’il a pris des psychédéliques environ douze fois dans sa vie, de sa première prise de mescaline en 1953 à son décès en 1963. Sur lui, les effets ont toujours été positifs et ils duraient environ huit heures. Une prise environ tous les six mois lui semblait un rythme bénéfique et raisonnable.

Les Portes de la Perception devint un objet de culte et inspira tant Jim Morrison qu’il en fit le nom de son groupe The Doors. Huxley fut triste de voir qu’il avait contribué au lancement du culte des psychédéliques car ce que recherchaient les usagers était plus le divertissement que l’illumination. Il fut tenu pour un des responsables des drames personnels provoqués par l’engouement pour les drogues qui, au cours des années 60, asservissait la jeunesse adolescente au principe de plaisir immédiat. Or, Huxley avait toujours insisté pour que ces produits ne fussent pas délivrés à n’importe qui mais toujours utilisés avec beaucoup de précautions : le consentement d’un médecin ayant contrôlé l’état de santé physique et mentale, un relatif état de paix intérieure, une réflexion préalable, la présence d’amis sages, une vigilance pour éviter les produits trafiqués. Les recherches psychédéliques menées dans les années 50 par Huxley et ses amis comme Heard ou des psychiatres comme Osmond concernaient une petite coterie à l’intérieur de laquelle, « la théorie dépassait de loin la pratique ; tous étaient gens prudents, sérieux, d’un grand sérieux intellectuel et non des chercheurs de sensations en goguette » proclame Isherwood. Mais le mouvement psychédélique auquel elles ouvrirent la voie devait suivre une tout autre dynamique.

L’épisode avec Leary est à cet égard significatif. En octobre 1960, alors qu’il donne une série de conférences au MIT, Huxley reçoit un coup de téléphone de Timothy Leary qui vient d’être recruté à Harvard au centre de recherche sur la personnalité. Leary avait publié au cours de l’année Le Diagnostic interpersonnel de Personnalité qui avait été salué par certains critiques de la profession comme le livre le plus important de l’année. Quand Aldous arriva, Leary préparait des expérimentations avec la psilocybine. D’autres chercheurs (Richard Alpert, Ralph Metzner, etc.) travaillaient sur les effets psychoactifs de la marijuana, du LSD et d’autres substances. A la fin de l’année, les expérimentations commencèrent et Huxley y fut associé. Il avait apporté avec lui les récits de Théophile Gautier sur l’utilisation, à l’époque de ce dernier, du haschisch à Paris. Par sa réputation et ses nombreux contacts, Huxley se retrouva au centre d’un réseau de chercheurs dont il devint un des pivots. Les divergences entre Leary et Huxley ne tardèrent pas à se manifester. Huxley tenta de dissuader Leary de faire des psychédéliques un phénomène de masse. Plus jeune que Huxley, arrogant, il sous-estima la chasse aux sorcières que cela pourrait soulever. Huxley voyait bien que le public américain n’était pas prêt pour leur utilisation responsable. Il avait d’ailleurs déjà décidé de ne plus communiquer sur les drogues psychédéliques en dehors des réunions scientifiques. A l’époque, il rédigeait Island pour défendre sa thèse que ce que l’on peut apprendre des psychédéliques ne peut être séparé d’une éducation à la non-violence et au mysticisme. Mais Leary était beaucoup moins discret, patient et prudent. Huxley lui rappela que dans de nombreuses cultures, les substances transcendantales restaient ésotériques, en dehors de la vue du public. Mais les sociétés doivent savoir, répondait Leary. Huxley, insistant, lui écrivit :

 

« LSD et champignons devraient être utilisés selon les bases de l’idée tantrique d’un yoga de totale conscience, conduisant à l’illumination à l’intérieur du monde de l’expérience quotidienne321. »

 

Il lui expliqua que sur les sujets qui sont matière à évolution, qui ne peuvent pas être précipités, il faut travailler en privé, initier des artistes, des poètes, des écrivains, des musiciens de jazz, qu’il faut se contenter de stimuler l’évolution car les forces de résistance des directeurs de conscience et de leurs institutions sont fortes. Sous l’influence d’Allen Ginsberg, Leary trouvait trop élitiste la position de Huxley de réserver les psychédéliques à de distingués artistes et auteurs et se fit le chantre de la démocratisation à outrance de l’expérience psychédélique, du droit de chacun à l’élargissement de sa conscience, n’hésitant pas à utiliser le langage de la publicité pour son prosélytisme :

 

« Ecoutez ! Réveillez-vous ! Vous êtes Dieu ! Vous avez le plan divin gravé dans le script cellulaire à l’intérieur de vous ! Prenez le sacrement ! Vous verrez ! Vous aurez des révélations ! Ça changera votre vie. Vous renaîtrez ! »

 

Des propos aussi irréfléchis et viscéraux bouleversèrent Huxley. Quand Leary lui fit remarquer qu’il n’avait encore jamais mentionné l’effet stimulant sur le plan sexuel des drogues psychoactives, il lui rétorqua :

 

« … nous avons créé assez de troubles en suggérant que les drogues pouvaient stimuler des expériences esthétiques et religieuses. Je vous demande instamment de ne pas laisser la question sexuelle sortir du sac322. »

 

C’en était trop pour Huxley qui se sépara de Leary au printemps 1962. Huxley avait initié Leary aux spiritualités orientales et à la possibilité d’y associer les drogues psychédéliques mais le personnage était fantasque et en acceptant un partenariat avec lui, Huxley n’avait peut-être pas fait preuve de la plus grande perspicacité s’il voulait donner un crédit universitaire à la recherche psychédélique. Leary, après s’être fait une réputation en tant que spécialiste des tests de personnalité, enseigna à Harvard dont il fut exclu en 1963 pour n’avoir pas respecté les principes aussi bien déontologiques que scientifiques de l’Université. Il poursuivit une carrière d’agitateur du mouvement hippie, théoricien et propagandiste de l’expérience psychédélique, guru du LSD, grand laudateur de ses effets aphrodisiaques, apôtre de la révolution sexuelle. Son slogan Turn on, tune in, drop out qui signifie qu’on doit se brancher sur le monde, vibrer spirituellement et déserter le système contribua à mobiliser une jeunesse qui refusait le racisme, la guerre du Vietnam, l’hégémonie croissante de l’économie sur la société mais qui la conduisit aussi rapidement dans une impasse. Aussi son aura commença à décliner, en même temps que le mouvement de Haight-Hasbury : à la fin de l’été 1967, à San Francisco, il arriva qu’on brûlât alors son effigie. Ses aventures rocambolesques par la suite, son évasion de prison, sa fuite à l’étranger avec l’aide d’un groupe d’extrême-gauche (The Weather underground organization) dont il contribuera au démantèlement par sa collaboration avec le FBI après son arrestation pour écourter son nouvel emprisonnement, le firent apparaître aux yeux de beaucoup comme un irresponsable manipulateur d’une jeunesse trop naïve mais sincère dans sa quête. Leary n’a rien vu, ni rien anticipé ou peut-être est-il resté indifférent aux dégâts des drogues dures qui proliféraient, des maladies vénériennes, des infections, de la violence dont était victime une jeunesse en voie de clochardisation pour avoir gobé le mythe du transcendant psychédélique.

Huxley était convaincu depuis déjà longtemps que malgré les préjudices importants qu’elles peuvent causer à leur santé physique ou mentale, les hommes sont portés à la consommation de drogues pour échapper artificiellement à « la prison de leur personnalité » et à leur environnement. Ils idolâtrent certes leur moi mais aussi se « trouvent parfaitement ennuyeux » quand ils ne se détestent pas profondément. Ils se savent petits, vulnérables et limités jusqu’à en éprouver au fond d’eux-mêmes un besoin de transcendance. C’est à ce besoin que

 

« … nous devons la théologie mystique, les exercices spirituels et le yoga, à lui aussi que nous devons l’alcoolisme et la drogue ». Et Huxley citait William James : « L’empire de l’alcool sur l’humanité est sans conteste dû à son pouvoir de stimuler les facultés mystiques humaines. »

 

Et, il poursuit, dans son article du Saturday Evening Post, sur l’inefficacité des politiques répressives à l’égard des drogues : elles n’ont jamais réussi et sont vouées à l’échec, elles ne peuvent éradiquer ce besoin de transcendance ou...de fuite. Mais si la prohibition totale est non seulement irréaliste et crée plus de problèmes qu’elle n’en résout, la tolérance complète et la vente libre sont encore plus catastrophiques comme le montra l’exemple de la détaxation du gin en Angleterre, au début de la révolution industrielle, avec le slogan « ivre pour un penny, ivre mort pour deux » qui « menaça la société d’une démoralisation complète ». Aussi, bien avant l’heure, Huxley préconisait une politique de limitation des risques au lieu d’une politique d’interdiction. Taxations, obligation d’une ordonnance médicale, par exemple, permettent que « le problème reste contenu dans des limites qu’on peut maîtriser. On ne saurait affirmer qu’il est résolu ».

Il voyait aussi les dangers politiques des stupéfiants. Dans Le meilleur des Mondes, il avait imaginé une drogue, le soma, en fait un narcotique, que les citoyens étaient conditionnés à prendre pour étouffer spleen, doute, insatisfaction. C’était une institution politique, un instrument de domination du pouvoir pour éviter toute contestation sociale en plongeant les individus dans une douce euphorie et cela sans troubles physiques ou psychiques. Quand paraît Retour au meilleur des Mondes en 1958, les progrès de la pharmacologie ont abouti à de nouveaux produits. Outre, le LSD qui intensifie les perceptions et procure des visions, des tranquillisants (le Miltown ou méprobamate, la chlorpromazine, la réserpine), des stimulants (le Deaner, l’Iproniazide) très actifs sur la chimie du cerveau ont été mis au point et qui ne causeraient pas, estimait Huxley, de dommages. La pharmacologie nous rapprocherait ainsi du jour où le soma pourrait être réellement créé323. Ces nouveaux modificateurs chimiques de la conscience pourront donc être utilisés par les pouvoirs politiques pour calmer ou stimuler les populations et alors même que des découvertes sont aussi à venir de produits augmentant la suggestibilité et diminuant la résistance psychologique. Ce sera l’avènement de ce que Huxley appelle la Révolution Ultime. Pour transformer l’individu, en faire un homme nouveau ou régénéré ou libéré, les révolutions agissaient sur son environnement sans d’ailleurs parvenir à leurs fins. Mais maintenant, il sera possible de le faire en agissant directement sur l’être humain lui-même grâce à de nouveaux produits. Huxley avait déjà exprimé ces craintes dans Le meilleur des Mondes mais alors qu’il pensait qu’elles se concrétiseraient dans cinq siècles, il constatait avec effroi qu’elles pourraient l’être à beaucoup plus court terme et que, dans à peine une génération, les individus aimeraient leur servitude et serait alors instaurée « une dictature sans larmes ».

Mais Huxley attendait aussi des progrès à venir de la pharmacologie l’arrivée de produits susceptibles de faciliter la recherche du Fondement Divin ou de fournir une esquisse de l’extase mystique à ceux dont la quête par les voies de la discipline personnelle n’aboutissait pas. Le LSD et la mescaline préfiguraient selon lui ces drogues d’un avenir proche, peu toxiques, fabriquées par synthèse (pour ne pas concurrencer les cultures vivrières, idée très moderne !), produisant des modifications des états de conscience plus enrichissants pour l’individu que ceux obtenus par celles habituellement utilisées. Ainsi les hommes pourront-ils connaître la joie, la paix, la sérénité, la beauté, la transfiguration du monde extérieur qu’ils ne pouvaient connaître auparavant qu’au moyen d’exercices spirituels, douloureux et aux effets incertains. C’est là, de la part de Huxley, une tentation transhumaniste, dans son versant pharmacologique, d’un homme augmenté, capable de mysticisme grâce aux progrès scientifiques. Ces nouveaux produits seront utilisés massivement, pensait-il, tant les hommes ont besoin de se dépasser : les expériences mystiques et prémystiques seront nombreuses et non plus rares, les religions traditionnelles en pâtiront car ceux qui les auront vécues ne se retrouveront pas dans leur fonctionnement et à terme, il se produira un approfondissement de la vie spirituelle dans la société qui sera un facteur d’apaisement de la vie sociale et politique. Huxley émettait aussi le vœu que l’on découvrît « une drogue capable d’accroître l’énergie psychique » car « l’intelligence généralisée et la vivacité mentale sont les ennemis les plus puissants des dictatures et constituent en même temps les conditions de base d’une démocratie réelle ». En 1959, six ans après qu’il ingurgita sa première fraction d’un gramme de mescaline, Huxley écrivait au Père Thomas Merton, qui avait contesté en novembre 1958 la validité d’une expérience mystique provoquée par la drogue, une lettre qu’il concluait en ces termes : « Il y a, très clairement, là un champ d’expérimentation sérieuse et à considérer avec respect324. » Huxley croyait vraiment dans la possibilité d’une drogue élargissant la conscience et applicable à plus grande échelle. Comme on s’en approche, il incite à ce que l’on commence à réfléchir à ses conditions d’utilisation de manière à éviter toutes les dérives possibles liées à une consommation de masse sans garde-fous. Il nous faut rappeler qu’il n’était pas le seul dans cette perspective à cette époque et qu’aujourd’hui encore des chercheurs y travaillent. Hoffman fut assez rapidement convaincu que le LSD était « l’aide pharmaceutique la plus précieuse et la plus efficace pour étudier la conscience humaine » et il le pensait encore en 2006 à l’occasion de son centième anniversaire325. D’autres scientifiques ont repris des recherches en ce sens326 : le professeur R. Griffiths de Baltimore estime avoir démontré que la psilocybine actualise les capacités du cerveau à connaître l’état mystique, induit des sensations d’unité avec le monde et d’amour infini semblables à celles décrites par les religieux et dont les effets positifs sont durables au dire même de ceux qui ont participé à ses expériences menées à partir de 2006. Faut-il encore qu’elles soient menées dans des conditions adéquates : choix des sujets, environnement sécurisant, présence d’accompagnateurs. On retrouve là des conclusions similaires à celles de Huxley suite à ses propres expériences. Des travaux sur la psilocybine sont menés aussi en France, en Suisse, aux Etats-Unis à des fins plus médicales. Gordon Wasson avait fait l’expérience au Mexique, au cours d’un rituel indien, en 1957, de champignons hallucinogènes identifiés plus tard comme des psilocybes. Il leur donnera le nom d’enthéogène qui signifie « qui engendre le sens de Dieu en soi ». Ceux-là mêmes qui l’éprouvent connaissent alors une générosité, une compassion, un amour universel dont ils ne se savaient pas dotés. Griffiths pense qu’il faut que les hommes les développent pour ne pas s’autodétruire et détruire la vie, tout comme Huxley qui était convaincu, car c’est ainsi qu’il l’avait vécu, que le produit psychédélique, en permettant l’expérience de dépassement de soi et de solidarité avec l’univers ainsi que des aperçus de l’Autre Monde, ouvre la voie pour agir avec amour et intelligence dans les affaires de « Ce monde ». Aujourd’hui, des chercheurs comme René Quirion spécialiste de haut niveau des neurosciences et de pharmacologie, attaché à l’Université McGill de Montréal ou des transhumanistes sont convaincus que la personnalité est essentiellement biochimique et que lorsqu’on en aura décrypté les formules, il sera alors possible de la contrôler mais aussi et surtout de l’améliorer. Déjà, les psychotropes sont d’un usage répandu. Une personne sur huit aux Etats-Unis en consomme pour soigner la dépression, la timidité, le trac, le manque de concentration, le manque d’attention et l’hyperactivité mais aussi traverser les périodes difficiles de la vie comme le deuil. Ce ne sont pas là vraiment des maladies qui sont soignées mais plutôt des difficultés d’adaptation à une organisation sociale qui, elle, mériterait d’être corrigée. L’objectif premier des transhumanistes n’est d’ailleurs pas de soigner le cerveau mais d’en augmenter sa puissance. Ils comptent sur les travaux concernant les smart-drugs, produits dont l’objectif est d’améliorer les performances intellectuelles. Il ne s’agit plus de partir à la découverte de l’Autre monde comme dans les années 60 mais plutôt de s’adapter au monde dans lequel nous vivons, sans stress et avec une efficacité accrue327. Récemment, on aurait d’ailleurs découvert un neuropeptide, l’ocytocine, qui participe à la confiance et diminue le stress, envahit le corps pendant l’orgasme et dont la prescription « selon certaines études pilotes » serait adaptée « au traitement de la dépression, des phobies sociales et de l’autisme ». Bref, « la molécule du bonheur ». « Plus naturelle que les anxiolytiques et les antidépresseurs, l’ocytocine ouvrira-t-elle enfin la voie au remède miracle de l’âme…... à l’instar du soma de Huxley328 ». Au cours des dix dernières années de sa vie, Huxley a consacré beaucoup de son temps à la question des produits psychédéliques, à la parapsychologie ainsi qu’à des techniques d’investigation de la personnalité comme l’hypnose, l’E-thérapie ou la dianétique et d’ailleurs tenté d’établir des ponts entre elles. Au début de sa quête spirituelle, le but de Huxley était l’abnégation personnelle, l’annihilation du moi pour connaître Dieu, le Fondement Divin de toute chose, de toute vie, de tout esprit. Il était alors pour lui exclu d’utiliser un quelconque produit psychédélique :

 

« Il n’y a aucun raccourci magique qui permette d’aller facilement de notre état naturel d’incomplétude à la santé spirituelle et à la perfection. La voie de la sainteté est longue et laborieuse. Elle se fonde sur la vigilance et la prière, elle exige une vigilance incessante du cœur, de l’esprit, de la volonté et de la langue, grâce à l’attention exclusive et remplie d’amour portée à Dieu et que cette vigilance seule rend possible329. »

 

Viser la sainteté, voilà ce qui était son plus noble idéal : le thème était omniprésent ces années-là chez lui. Dix à quinze ans plus tard, quand paraît Le Ciel et l’Enfer, Huxley semble surtout à la recherche de visions qui feraient briller un monde trop sombre, trop sombre au sens propre et au sens figuré du terme, trop sombre pour qui comme lui considère que « la manière de survivre est un problème dont la gamme d’urgence s’étend du chroniquement ennuyeux au douloureusement torturant330 », trop sombre pour celui qui souffre de l’obscurité dans laquelle une quasi-cécité le plonge et qui décrit l’Autre Monde d’abord comme un monde de lumière.

A John Chandos, il déclare :

 

« … une expérience par son intensité entièrement différente de l’expérience ordinaire mais d’un autre côté, ça ressemble aux expériences spontanées que certains artistes ou religieux ont incontestablement eues.....C’est une immense intensification, une transfiguration du monde extérieur en une beauté et une signification incroyables331. »

 

Laura Huxley raconte comment était Huxley sous influence du LSD : écoutant le IVe Concerto Brandebourgeois de Bach, c’est la lumineuse béatitude qu’il vit en regardant les cheveux de Laura, « il y voit précisément le mystère et la merveille de la vie »332. A Osmond, il explique qu’essayant lors d’une prise de mescaline, les procédures dianétiques pour faire remonter des souvenirs, il eut

 

« … la prise de conscience (pas un savoir car ce ne fut ni abstrait, ni verbal) mais la connaissance directe, totale de l’intérieur pour ainsi dire de l’Amour comme fait cosmique premier et fondamental333 ».

 

Il a pu aussi, lors d’une expérience à la psilocybine, vivre l’état incorporel de l’après-mort où la conscience survit mais non le corps tel que nous le connaissons,

 

« … cet autre état d’existence … où il y a des sentiments et des pensées mais pas de perceptions, de sens, ni de formes solides comme celles auxquelles nous sommes habitués334 ».

 

On reconnaît la référence au Bardo, au Livre tibétain des Morts qu’il a lu à Maria durant son agonie pour l’aider à entrer dans un état de conscience plus large. Depuis son décès, Huxley a redécouvert le bouddhisme Mahayana et au début des années 60, il est devenu plus bouddhiste qu’hindou. Que cherche-t-il alors ? Est-il encore à la recherche de Dieu ? ou depuis la maladie de Maria n’erre-t-il pas dans un monde de l’illusion pour échapper à ce monde qu’il ne supporte plus, même s’il sait y faire bonne figure, comme le lui apprit son éducation de gentilhomme britannique qu’il reste malgré tout par son élégance vestimentaire, sa délicate courtoisie, son anglais si distingué ? Une errance, une évasion qu’il couvre et recouvre de ces mots dont il déplore tant combien ils peuvent nous tromper, s’interposer entre nous et la réalité. Pour King Dunaway, « Huxley a pris le tourisme parmi les visions pour de la transcendance » et le Huxley de 1944 aurait condamné la recherche de la transcendance sans but spirituel alors qu’en cette deuxième moitié des années cinquante, il laisse entendre que la transcendance est la destination335. N’est-ce pas là la preuve de la validité des arguments de ceux qui avaient désapprouvé le choix de Huxley d’utiliser l’expérience psychédélique à des fins de salut ? A Chandos, il déclare : « Et il y a l’idée qu’en dépit de tout, et je suppose que c’est cela la conviction mystique ultime, en dépit de l’horreur, de la mort, l’univers va bien », tout comme il répond au Père Merton, cet ecclésiastique qui lui avait reproché de confondre expérience mystique et expérience esthétique, que ces expériences lui avaient procuré « un ineffable sentiment de gratitude pour le privilège d’être né dans cet univers ». Il reconnaît, à propos des termes mêmes qu’il utilise pour parler de son expérience psychédélique, que « les mots, bien entendu, possèdent une sorte d’indécence et doivent nécessairement sonner faux, évoquer le caquetage ». Huxley s’est-il laissé prendre par la magie des mots ? S’est-il laissé prendre au piège du langage dont il disait qu’il servait aux hommes de grille pour encager le monde plutôt que pour le comprendre ?


297  Houellebecq (Michel), op. cit. p 105.

298  Huxley (Aldous), Les Diables de Loudun. op.cit. p 374.

299  Huxley (Aldous), Letters, op. cit. p 668, lettre du 10 avril 1953 au Dr Humphry Osmond.

300  Huxley (Aldous), Letters, op. cit. p 668, lettre du 10 avril 1953 au Dr Humphry Osmond.

301  Clerc (Hervé), Dieu par la Face nord, Paris, Albin Michel, 2016, p 237.

302  Huxley (Aldous), Moksha, Monaco, Rocher, 1982, p 219.Textes de Aldous Huxley réunis par Michael Horowitz et Cynthia Palmer.

303  Huxley (Aldous), Ibid., p 233.

304  Huxley (Aldous), Letters, op. cit. p 712, lettre du 16/9/1954 au Dr H. Osmond.

305  Huxley (Aldous), Letters, op. cit. p 712, lettre du 16/9/1954 au Dr H. Osmond.

306  Huxley (Aldous), Letters, op. cit. p 712, lettre du 16/9/1954 au Dr H. Osmond.

307  Huxley (Aldous), La Philosophie indienne de la Paix, texte réuni avec Les Portes de la Perception, op. cit. p 253-260.

308  Millot (Catherine), op. cit. et Bologne (Jean-Claude), op.cit.

309  Huxley Aldous, Moksha, op.cit. p 183-195, article du Saturday Evening Post de 1958.

310  Huxley (Aldous), Les Portes de la Perception, op.cit. p 27.

311  Huxley (Aldous), Ibid., p 64.

312  Huxley (Aldous), Ibid., p 42.

313  Huxley (Aldous), Ibid., p 34.

314  Huxley (Aldous), Ibid., p 39.

315  Huxley (Aldous), Le Ciel et l’Enfer, op. cit. p 67 à 74.

316  Isherwood (Christopher), op. cit. p 220.

317  Bedford (Sybille), Aldous Huxley, a Biography, Volume 2, op. cit. p 336.

318  Bedford (Sybille), Ibid., p 332-333.

319  Vendeur de livres et négociant en manuscrits à Los Angeles. Il s’était rapproché de Huxley grâce à Frieda Lawrence.

320  Dunaway (David King), op. cit. p 302.

321  Huxley (Aldous), Letters, op. cit. p 928-929, lettre à T. Leary du 11 février 1962.

322  Dunaway (David King), op. cit. p 370-371.

323  Huxley (Aldous), Retour au meilleur des Mondes, op.cit. p 91-101.

324  Huxley (Aldous), Letters, op. cit. p 862, lettre du 10 janvier 1959, p 862.

325  e monde du 15/1/2006.

326  Le monde du 29/10/2011.

327  Robitaille (Antoine), op. cit. p 41-57.

328  Le Monde du 23 janvier 2010.

329  Huxley (Aldous), Dieu et moi, op. cit. p 31.

330  Huxley (Aldous), Les Portes de la Perception, op.cit. p 43.

331  Bedford (Sybille), Aldous Huxley, a Biography, Volume 2, op. cit. p 338.

332  Huxley (Laura), op. cit. p 145.

333  Huxley (Aldous), Letters, op. cit. p 768, lettre du 24 octobre 1955 au Dr H. Osmond.

334  Huxley (Aldous), Moksha, op. cit. p 269.

335  Dunaway (David King), op. cit. p 327.