XXVI.
Un citoyen du monde

« Certaines choses sont, je crois, irréversibles. Tout ce que la science peut permettre sera réalisé, même si cela modifie profondément ce que nous considérons aujourd’hui comme humain, ou comme souhaitable. J’ai mis longtemps à l’admettre, mais la philosophie relève de la littérature, et ce n’est pas la littérature qui dit la vérité. Seule la science dit la vérité. Et sa vérité s’impose. Mais, profondément, je pense que tout cela est irréversible. Et qu’il est inimaginable que cela ne produise pas non seulement des états dépressifs, mais de terribles névroses. Dont certains n’aiment pas que je fasse le constat. »

Michel Houellebecq. Le Monde du 21/22 août 2005.

 

Les voyages intérieurs de Huxley vont paradoxalement s’accompagner d’un intense souci du monde. A côté de ses interrogations mystiques, psychédéliques et parapsychologiques, viennent maintenant celles du citoyen préoccupé du sort de l’humanité et de la planète. En ce sens, pourrait être confirmée l’idée qu’il a toujours défendue qu’on revient de l’expérience mystique avec un sentiment de responsabilité accrue vis-à-vis du monde dont on s’est extrait et en portant sur notre prochain un regard de compassion ou d’amour. Comment ce changement d’attitude s’est-il opéré ? Peut-être pas du fait d’une expérience mystique forte dont il n’est pas certain qu’il en ait connu une mais plutôt du travail d’amélioration de soi qu’il a effectué pour y parvenir ou peut-être aussi de ses expériences psychédéliques dont il était convaincu que si, effectivement, elles n’étaient pas assimilables à des expériences mystiques, elles pouvaient en fournir certains des fruits.

Huxley ne travaille pas en vase clos. Il est en permanence à l’affût de nouvelles rencontres, de nouvelles sources d’information et d’expériences, surtout si elles proviennent de francs-tireurs de la recherche. Sa sensibilité à l’état du monde a toujours été grande mais il était resté le plus souvent dans une attitude de retrait ou même de repli, affichant résignation ou pessimisme. Son engagement pacifiste d’avant la seconde guerre mondiale fut le seul engagement militant au cours de sa vie. Il ne dura pas longtemps, son enthousiasme actif céda assez rapidement devant la force des faits mais il maintint sa conviction qu’il fallait refuser la guerre, jusqu’à se retrouver dans une situation d’extrême isolement. Au cours des dix dernières années de sa vie, il manifeste une volonté évidente d’apporter sa part à l’inflexion de la marche du monde. Les perspectives sont certes sombres, mais au lieu de se laisser porter au défaitisme, il s’empare des sujets les plus divers pour dénoncer et proposer analyses et solutions : l’éducation, le potentiel humain et le développement personnel, la guerre et l’armement, l’écologie, la science, les voies de transformation de la société.

Et surtout, il est soucieux de transmettre les savoirs qu’il a engrangés, les conclusions auxquelles il est alors parvenu. Aussi bien les livres, dont en particulier Île qu’il mettra six ans à écrire, que les articles et les conférences ont pour objet de rassembler et transmettre sa pensée. Il met sa prodigieuse capacité de travail, malgré une santé qui parfois le lâche, au service de cet objectif. Huxley ne pouvait plus gagner sa vie en tant que scénariste. La concentration dans l’industrie du cinéma et la chute du nombre de spectateurs avaient contribué à dégonfler les effectifs de la profession. En 1958, le public est tombé à son plus bas niveau depuis 1922, de 90 millions dix ans plus tôt à 39,6 millions. En 1945, il y avait 490 scénaristes dans le personnel des studios, il n’en restait qu’une dizaine en 1960. Huxley était un scénariste à succès. La critique avait particulièrement loué ses scénarios de Marie Curie, Pride and Prejudice et Jane Eyre. Mais les problèmes n’étaient pas qu’économiques. Les studios de Hollywood avaient mis à l’écart tout travail un tant soit peu littéraire, comme si les producteurs américains avaient décidé, par leur offre de films, de prolonger l’adolescence de la génération du baby-boom bien au-delà de la puberté. A cela s’ajoutaient les délires et les persécutions maccarthystes. Comme Chaplin, il est surveillé par le FBI. Le 23 mai 1951, il est déclaré, par la commission du Congrès, compagnon de route des communistes et Chaplin est accusé d’être un membre dissimulé du parti communiste, accusation qui ne reposait que sur des ragots d’échotiers et des dénonciations calomnieuses que rien ne permettra jamais de prouver. Le nom de Huxley est dans les dossiers du FBI, depuis son arrivée en 1937, dans la rubrique subversion, du fait de ses prises de position pacifistes et y revient à plusieurs reprises à cause soit des annotations suspectes aux yeux d’un agent du FBI sur un exemplaire du Meilleur des Mondes, soit d’une interprétation gauchisante de Science, Paix et Liberté par un autre agent ou de son amitié avec Salka Viertel soupçonnée elle aussi d’espionnage. Il était aussi victime d’attaques du très droitier magazine Counterattack qui traquait, avec une obsession maladive et sans aucun égard pour la vérité, les communistes, leurs compagnons de route, leurs sympathisants et tous ceux soupçonnés de l’être. La carrière de Huxley dans le cinéma s’effondra car ce journal le plaça en tête de liste, à l’automne 1952, des auteurs dupes des communistes et qui croyaient encore à la coexistence pacifique. Il avait en effet signé une déclaration en ce sens avec André Maurois, Christopher Fry, Edith Sitwell, ainsi que l’appel du Friends of international Freedom. Ainsi, son projet de film sur Gandhi ne put aboutir faute de financement. Huxley avait cherché comme scénariste un complément aux revenus tirés de son activité d’écrivain. Ils étaient en effet insuffisants pour assurer les dépenses de sa famille et l’aide qu’il apportait très généreusement à plusieurs personnes de sa belle-famille. Les portes des studios se fermant devant lui, il trouve dans les conférences une nouvelle source de revenus. Ce sont des raisons économiques qui l’orientent au départ dans cette direction mais rapidement il trouve là un vecteur tout à fait adapté à ce qu’il veut transmettre. Dans une lettre écrite en 1945, il rappelait ces quatre âges que les hindous distinguent dans une vie :

 

« … celui de l’écolier, de l’homme marié vivant dans le monde ; de l’homme mûr qui se retire dans la forêt et tâche de comprendre la nature des choses et de sa propre essence ; de l’homme âgé qui se détache complètement du désir et, quoique vivant corporellement, habite l’éternité qu’il perçoit dans les choses mêmes du temps », précisant juste après : « Quant à moi je commence à pénétrer dans la forêt336. »

 

Cela signifiait, en toute bonne logique, qu’il allait maintenant consacrer le reste de son temps aux exercices de détachement et de

 

« … mortification ascétique du moi, à la fois physique, émotive, éthique et intellectuelle », conditions incontournables pour parvenir « à la prise de conscience de l’immanence et de la transcendance divines337 ».

 

Mais en fait, les choses n’allaient pas se dérouler ainsi. Huxley oriente alors une grande partie de son activité vers l’extérieur et cela comme il l’a rarement fait dans le passé. Il va voyager sans cesse à travers les USA et le monde, de conférences en colloques. Il fait preuve d’un souci vertueux pour l’avenir du monde humain et il sait rester à l’écart des passions qui agitent les hommes et les éloignent de ce qu’il a considéré dans ses écrits religieux comme le but de la vie, la quête de la réalité ultime. Bref, dans les dix dernières années de sa vie, il est un homme sage, toujours avide de savoir, d’écrire, de transmettre. La quête de spiritualité est certainement chez lui toujours vive et la curiosité intellectuelle pas moindre. Mais il n’est certainement pas encore cet homme complètement détaché du désir et contemplant l’éternité au fond de sa forêt comme en témoigne son remariage avec Laura Archera, un an après le décès de Maria. Leur liaison naquit dans les semaines qui suivirent celui-ci et n’était certainement pas exempte d’une dimension sensuelle affirmée. Huxley vit dans le siècle et en épouse les menaces ; la faim, l’écologie, les progrès de la science. Il est bien certain qu’il a renoncé à devenir un saint. C’est à Palo-Alto et au Collège de femmes de Mills en novembre 1953, qu’il initie une décennie de conférences et de déplacements. Jusqu’à ce que la maladie ne l’enferme dans sa chambre, peu avant son décès, il parcourt les Etats-Unis en long et en large, prend la parole devant des psychiatres et des médecins, lors de rencontres de parapsychologie, au temple védantiste d’Hollywood, à l’Académie des sciences de New York, dans diverses institutions artistiques comme l’Institut d’art moderne de Washington, la société de musique de chambre de Californie ou l’Académie des arts et des lettres et surtout dans de nombreuses universités sur tout le territoire américain. Plusieurs le nomment Visiting Professor, et non des moindres, comme celles de Santa Barbara et de Berkeley en Californie ainsi que le MIT. La ferveur des étudiants va grandissant : les amphithéâtres sont bondés, l’attention est soutenue et silencieuse, les discussions nombreuses autour de l’orateur avec des étudiants chaleureux et curieux de son savoir338. Les conférences données à l’étranger sont aussi des succès : en juillet-août 1958 au Pérou et au Brésil, en novembre 1958 en Italie. En mai 1960, un diagnostic de cancer de la langue oblige Huxley à une interruption. Il refuse la chirurgie, une ablation partielle de la langue qui le protégera mieux, selon les médecins, d’une récidive mais bien sûr entravera considérablement ses activités de conférencier. Les soins se limiteront donc à un traitement au radium. Il n’est pas encore terminé que Huxley reprend ses déplacements à un rythme qui semble accéléré comme si la maladie l’avait rendu impatient de délivrer le maximum aux générations plus jeunes et de donner le plus possible de lui-même à l’amélioration du monde. Dès le 24 juin, à Tecate, il préside un Congrès sur les potentialités humaines puis il reprend ses conférences dans les universités. En juillet 1961, il est à St Paul de Vence pour débattre des expériences d’ESP sous LSD. En novembre 1961, il est reçu avec un immense respect au Congrès du centenaire de Tagore à New Delhi. Isaiah Berlin qui l’accompagnait se souvient du « silence de mort » qui régnait dans la salle « quand il se leva, distingué et embarrassé ». 600 ou 700 étudiants l’attendaient pour lui rendre hommage et obtenir un autographe339. Au fil du temps, ses centres d’intérêt se redessinent mais toujours dans la suite de ses explorations précédentes comme le montrent les réunions auxquelles il participe. En août 1961, il est à Copenhague pour une conférence sur la psychologie appliquée, en 1962 à Bruxelles, à la rencontre de la World Academy of arts and sciences qui réunit de nombreux prix Nobel pour prôner une utilisation raisonnable de la science. Durant le trimestre du printemps 1962, en plus de cours à Berkeley, il effectue vingt-deux déplacements au travers des Etats-Unis en tout juste onze semaines. Mais en juin-juillet, la maladie réapparaît sous la forme d’une glande maligne au cou qui sera traitée par une opération mineure suivie d’un traitement au cobalt. En mars 1963, il participe à Rome à la session de la FAO et est reçu en audience par le Pape Jean XXIII. Une nouvelle tumeur au cou est découverte en avril qui est traitée au radium du 13 juin au 2 juillet. Il retrouve assez de forces pour aller à Stockholm où il intervient avec ardeur pour persuader les membres de la World Academy d’entreprendre l’étude du potentiel humain. A la suite de quoi, elle le charge, ainsi que Humphrey Osmond, de travailler à la réalisation d’un volume sur les ressources humaines. Dès son retour à Los Angeles, il se met à la tâche mais Osmond voit que le cancer qui le ronge a maintenant déposé sur son visage les traces de son action souterraine alors que la vigueur de son esprit est intacte. Il a compris que pour Huxley, c’est trop tard. Le projet ne pourra aboutir. Les sujets de ses conférences ont été très variés : le contrôle de l’esprit, l’écriture et la création littéraire, l’hypnose, la musique, le védantisme, l’éthique médicale, la nature de l’art, l’individu dans sa relation à l’histoire, les différentes conceptions de la nature humaine, les potentialités de l’homme, la religion en tant que système symbolique et l’expérience spirituelle, les rapports entre les symboles et l’immédiateté de l’expérience, l’expérience visionnaire dans la ligne des Portes de la Perception et du Ciel et l’Enfer, le pillage des ressources naturelles, la croissance démographique, les avancées de la technologie et la logique suicidaire des nationalismes, la difficulté à vivre dans la société et la recherche par les individus des moyens de transcender leur ego pour échapper à leurs conflits internes, la révolution pharmaceutique et les souffrances qu’elle permettra à l’homme d’éviter. A Palo-Alto, en novembre 1953, au cours de sa première prestation, il traite d’un des sujets qui lui tient alors de plus en plus à cœur : l’éducation non verbale et la formation par des moyens psychophysiques, sujet dont il fera aussi le thème de son discours le 22 avril 1961 à l’occasion du 100e anniversaire du MIT. Il parle entre autres de la méthode Alexander, de celle de Bates, de l’art zen du tir à l’arc et de diverses techniques d’éveil des sens, en référence aux méthodes orientales de maîtrise de soi, pour en venir ensuite aux exercices spirituels. Tous ces sujets ne sont, en fait, que des angles d’attaques différents du même problème qui ne cesse de l’interroger, celui de la condition humaine, comme le montrent les titres des deux plus importants cycles de conférences qu’il donna : The Human Situation à Santa Barbara au printemps 1959 et What a Piece of Work is Man ? au MIT à l’automne 1960. Huxley est devenu un intellectuel engagé dans le siècle et un penseur attaché à la réalisation de l’homme. A la différence de la décennie précédente, son engagement est enraciné dans la réalité du monde et non plus exclusivement assis sur des considérations religieuses et morales comme le fut son pacifisme. Quant à ce qu’on pourrait appeler son humanisme, s’il n’exclut pas la quête de l’Autre Monde et donc les dimensions religieuses, psychédéliques et parapsychologiques, il s’appuie beaucoup sur les sciences de l’homme et les sciences médicales. Trois thématiques sont au centre de la pensée et de l’activité de Huxley au cours de cette dernière décennie : le développement du potentiel humain, les ponts à jeter entre les différents champs et modes de connaissance, l’amélioration de l’état du monde. Les deux premières sont d’ailleurs des nécessités pour relever le défi de la troisième. Nous nous souvenons que déjà, au cours des années 20, Huxley était souvent revenu sur le thème des personnalités tronquées dont une part avait été sacrifiée sur l’autel de l’efficacité et de la réussite sociale. Au cours de cette dernière décennie de son existence, la préoccupation centrale de Huxley est le potentiel humain. Comment donner à l’homme la pleine mesure de ses ressources pour qu’il puisse accomplir ce à quoi il est destiné, pour en finir avec la violence et pour acquérir une sagesse à la hauteur des capacités d’action sur le monde que lui confère la technique ? Comment protéger les potentialités de l’homme de ce qui les écrase ? Comment les développer ? Par un enseignement utilisant des méthodes psycho-physiques, c’est-à-dire approchant l’individu dans sa globalité. Plusieurs facteurs entravent le plein épanouissement de l’individu : les approches réductrices de l’homme, le poids des routines et des habitudes, le rôle stérilisant du langage, la mainmise sur les esprits des états, des foules, de la publicité. Huxley s’est beaucoup intéressé à la maladie mentale et le freudisme est pour lui l’exemple même d’une de ces approches réductrices. Il visite, à l’occasion des conférences qu’il donne à la Menninger Foundation dans le Kansas en mars-avril 1960, le grand hôpital moderne psychiatrique. Autant il apprécie les soins apportés aux malades à la fois par un régime alimentaire, des séances de gymnastique et une thérapie psychologique parce qu’ils représentent une approche globale de la personne, autant il est très choqué que les psychiatres traitent leurs patients privés sur le modèle de la cure freudienne comme s’ils n’étaient « que bouche et anus », « dépourvus de corps ». Il reproche aussi au freudisme de nier les dimensions organique et génétique. Huxley refuse les explications monistes : au niveau humain, tout est d’une extrême complexité et aucun phénomène ne peut s’expliquer par un seul facteur.

 

« Je suis de plus en plus fortement convaincu que nous devons adopter une démarche organique globale. Nous devons voir la chose comme une totalité, nous devons faire de notre mieux non seulement dans chaque monde mais dans l’ensemble de ces mondes… L’homme est un amphibie multiple qui vit sur environ vingt mondes à la fois. Si quelque chose doit être fait pour améliorer son plaisir de vivre, pour lui ouvrir le chemin par lequel il accomplira ses potentialités souhaitables... nous devons l’attaquer sur tous les fronts à la fois340 ».

 

Il en déduit que les théories de Freud ne peuvent pas s’appliquer à la schizophrénie qui est sans doute une maladie organique dont on viendra à bout par des traitements chimiques. L’homme est un être plusieurs fois amphibie, répète Huxley. Il entendait par là qu’il est un être complexe vivant dans plusieurs univers à la fois.

 

« Simultanément ou alternativement, nous habitons beaucoup d’univers différents et même incomparables… l’homme est un esprit dans un corps... il est aussi un membre timide et égocentrique d’une espèce sociable. Nous vivons en nous-mêmes et pour nous-mêmes : mais en même temps, quelque peu à contrecœur, pour le groupe social nous entourant. Qui plus est, nous sommes à la fois les produits de l’évolution et d’une compétition d’hommes qui se sont faits eux-mêmes. En d’autres termes, nous sommes simultanément des sujets de la Nature et les citoyens d’une société strictement humaine341 ».

 

Il faut donc prendre en compte ces réalités parfois antagonistes : nature et culture, individu et société, esprit et corps et en tenter une approche globale, articulée, cohérente. Nous avons à notre disposition pour cela le langage grâce auquel nous accumulons la connaissance conceptualisée de nos aînés, grâce auxquels en les imitant, en élaborant des manières d’être, nous nous humanisons, nous nous transformons et devenons des personnes. Les mots sont nécessaires car sans eux nous serions des rustres, il n’y aurait ni théories scientifiques, ni philosophie, ni lois. Mais ils sont aussi des obstacles à la réalisation de soi et à la compréhension. La véritable compréhension passe pour Huxley par un contact direct, sans intermédiaire, avec l’expérience. Il nous faut donc nous libérer de la tyrannie des mots, des réflexes conditionnés et des conventions sociales. Le plus grand paradoxe de notre existence est que nous devons d’abord acquérir tout un bagage intellectuel et émotionnel dont il nous faut ensuite nous débarrasser pour une compréhension plus profonde. De cette nature ambivalente du langage, Huxley déduit des règles en matière d’enseignement et d’éducation. D’abord, il faut affirmer l’importance de la transmission, du travail qui est nécessaire pour une connaissance à la mesure des enjeux. Il déplore que des éducateurs professionnels pensent que les enfants ne peuvent pas être soumis à des exigences de concentration, de travail soutenu ou difficile.

 

« Chaque fois que les méthodes d’éducation sont basées sur cette hypothèse, les enfants n’acquerront pas en fait beaucoup de connaissances et si elles sont poursuivies pendant une génération ou deux, la société qui les tolérera se retrouvera en plein déclin342 ».

 

Apprendre est un dur travail et demande du temps car il nous faut apprendre non seulement les résultats de l’expérience de nos ancêtres mais aussi la science dont l’ignorance de ses résultats et de ses méthodes est aujourd’hui l’assurance d’un désastre national. Quant à l’éducation classique, elle est un « puissant facteur de maturation » : les littératures de la Grèce et de Rome donnent à celui qui les connaît, comme le dit Emerson, un sentiment de longévité, un regard sur l’homme contemporain marqué par l’inscription dans la suite de cet héritage fondamental. Et Huxley de rappeler que « Cicéron nous dit sans fard cette vérité : ceux qui n’ont pas de connaissance de ce qui s’est passé avant eux devront pour toujours rester des enfants ».

Les méthodes d’enseignement doivent être aussi modifiées car il faut équilibrer l’héritage de ce patrimoine abstrait, cérébral, conceptuel par des méthodes non-verbales, par des techniques pour redécouvrir « à l’intérieur de nous-mêmes un non-esprit vierge capable de réaction à l’expérience immédiate ». Ces techniques sont celles que l’éducation officielle néglige et méprise mais qui pourtant permettent d’éduquer notre personnalité dans toutes ses dimensions, caractère, corps, sensibilité, et nous procurent « la santé psycho-physique ». Ce sont des méthodes qui s’attachent à traiter le body-mind, à ne pas dissocier le corps de l’esprit en prenant en compte leurs interrelations. Huxley se souvient bien sûr de ce que lui ont apporté Alexander et Bates, l’hypnose, le Yoga et il est aussi un lecteur de John Dewey. Il se souvient aussi de sa propre scolarité :

 

« Regardant en arrière mes années de scolarité, je peux voir les énormes déficiences d’un système qui ne pouvait faire mieux pour mon corps que le football obligatoire ou le Sweedish drill, rien de mieux pour mon caractère que des prix, punitions, leçons de morale et discours d’encouragement et rien de mieux pour mon âme qu’un cantique avant l’heure du coucher accompagné à l’harmonium. Comme n’importe qui, je fonctionnais à seulement une fraction de mon potentiel343. »

 

Huxley ne trace donc pas une opposition entre le professeur et le pédagogue, entre le contenu et la méthode, entre l’éducation et l’enseignement, entre le cérébral et le sensible, entre l’esprit et le corps. Tous ces aspects sont complémentaires et il n’y a pas à accorder une priorité, ou même pire une exclusivité, de l’un par rapport aux autres. Il sait, par son expérience personnelle, le rôle essentiel de l’héritage culturel à l’échelle familiale mais il sait aussi l’importance anthropologique de sa transmission. Mais, et c’est là un aspect très singulier de son travail et de sa recherche, il a pensé qu’il fallait aussi savoir s’en détacher, prendre appui dessus mais pour le dépasser. Ainsi s’explique pourquoi il est souvent sorti des sentiers balisés par la pensée orthodoxe, parfois pour le meilleur, parfois avec moins de réussite.

Après le plein développement de la personnalité, voyons la deuxième thématique importante de ces dix dernières années : l’établissement de ponts entre les différents champs de la connaissance. Huxley est modeste et il sait prêter attention aux contre-argumentations à ses positions, réunissant ainsi parfois même les outils d’une autodérision. A propos d’un objectif aussi ambitieux, il est bien sûr tenté d’exercer son sens de l’ironie vis-à-vis de lui-même et de son rêve de savoir total qui y est sous-jacent. Ainsi dans L’éternité retrouvée il met en scène un personnage, Paul de Vries, auquel il attribue le patronyme du savant botaniste hollandais. Ce jeune homme est un peu ridicule du fait de l’excitation dans laquelle le met son rêve intellectuel, semblable à celui de Huxley, et dont il ne semble pas bien entrevoir la démesure. Fasciné par la révolution einsteinienne dont il pense que la compréhension devrait affecter les valeurs et les conduites, son ambition est de mettre en place, avec le concours des personnalités universitaires les plus marquantes d’Europe et d’Asie, « un clearing-house international des idées, un état-major général de synthèse scientifico-religioso-philosophique pour la planète entière ». Il se réserve dans cette vaste entreprise un modeste rôle de « constructeur de ponts » entre les différents univers de la connaissance. Il a déjà rencontré des chercheurs qui se sont engagés dans une démarche pluridisciplinaire ou peut-être même interdisciplinaire. Il aimerait aussi jeter de ces ponts « entre les phénomènes du spiritualisme et les phénomènes de la psychologie et de la physique » de façon à ce qu’un jour on puisse dégager une vaste synthèse, une des difficultés venant de l’enfermement des philosophes dans leur champ académique qui leur interdit de considérer les faits avérés du spiritualisme et de la parapsychologie344. Afin d’établir des ponts entre les différents domaines et les différents modes de connaissance pour approcher la complexité du monde et de l’homme et éviter les explications monistes ou spécialisées toujours réductrices, Huxley préconise ce qu’on appelle aujourd’hui la pluridisciplinarité et même mieux l’interdisciplinarité. Il en fait, dans ses conférences regroupées sous le titre What a Piece of Work is Man, « un grand projet impossible mais qui vaut d’être entrepris, même de manière inadéquate, comme antidote à la spécialisation académique et à la fragmentation du savoir et de la recherche »345. Le MIT a alors cette particularité, parmi les plus grandes universités des Etats-Unis et du monde, d’avoir un département d’humanités et de sciences sociales à l’intérieur duquel tous les étudiants, même s’ils voulaient devenir mathématiciens ou ingénieurs, doivent passer au moins 25% de leur temps d’étude. C’est dans ce cadre qu’il y est nommé, pour l’Automne 1960, Visiting Professor pour donner ce cycle de sept conférences et participer au Séminaire Supérieur des Humanités. Il introduisit ainsi sa première conférence le 5 octobre :

 

« N’y a-t-il pas de l’impertinence pour un homme encyclopédiquement ignorant de venir parler devant des gens extrêmement instruits. C’est que les gens très instruits sont inhibés par leur vaste somme de connaissances pour s’égarer au-delà des frontières de leur province particulière de connaissances et c’est peut-être la fonction de l’homme littéraire largement intéressé pour aller marauder … et regarder ici ou là, et essayer de donner une image cohérente de tout le système élaboré de compartiments qui s’est développé dans nos mondes académiques346. »

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Il est également invité à parler au centenaire de l’institution. En 1959, à Santa Barbara, en préambule à une conférence sur la technologie, il ressentit le besoin de justifier que lui, l’homme de lettres, s’exprime devant une assemblée de savants et de techniciens. Qu’a-t-il à leur dire, lui le non-spécialiste qui survole de larges champs de la connaissance, à ces spécialistes de haute volée ? Il fait alors référence à son grand-père qui, lorsqu’il fut chargé de réformer le système d’instruction britannique, modernisa l’enseignement supérieur en y introduisant des départements spécialisés car il se rendait compte que c’était nécessaire pour aller plus avant dans la connaissance scientifique. Mais 20 ans plus tard, Thomas-Henri Huxley constatait les dangers de cette spécialisation, la nécessité de « faire sortir les professeurs de leur petite alvéole », de les faire se rencontrer et échanger pour confronter leurs découvertes aux problèmes du monde. Aldous Huxley était convaincu que l’homme de lettres peut aider à « créer un pont entre la science et le monde en général », par exemple, un pont entre l’éthique et la science puisque « bien des vérités éthiques découlent très naturellement et simplement de faits scientifiques ».

Il donne une illustration de cette thèse, en anticipant ce qui est devenu aujourd’hui une brûlante actualité et dont on n’a pas encore tiré toutes les conséquences en matière d’enseignement comme il le suggère de le faire : il faudrait réformer l’instruction publique pour montrer le plus tôt possible aux enfants qu’il faut bien traiter la nature :

 

« Si vous commencez à détruire la nature, la nature vous détruira et ce précepte moral de base est fondamental dans notre connaissance actuelle de l’écologie et de la conservation. Ce que nous savons désormais de l’écologie souligne le fait que la nature existe dans l’équilibre le plus délicat et que tout ce qui tend à rompre l’équilibre produira des conséquences d’un caractère parfaitement inattendu et souvent d’un caractère tout à fait désastreux347. »

 

La science nous révèle la fragilité des équilibres de la nature et notre dépendance à leur égard et nous indique de ce fait les comportements à suivre vis-à-vis d’elle. Cette question des rapports entre la science et la littérature était cruciale pour Huxley. Peut-être d’abord pour des raisons familiales et affectives. Son grand-père paternel Thomas-Henry Huxley, apôtre de la liberté de pensée et du droit au doute, prit pour cible Matthew Arnold, son grand-oncle maternel dans une conférence intitulée Science et Culture prononcée à Birmingham en 1880. Celui-ci se disait favorable à l’examen critique, celui de la droite raison, celle à laquelle on parvient par le perfectionnement intérieur et qui coïncide d’ailleurs avec la volonté divine, mais pas celui de notre moi ordinaire aux aspirations égoïstes et étroites. Il répondit à T. H. Huxley dans l’article Littérature et Science paru en avril 1884. C’est le titre qu’Aldous Huxley donne à son essai qui parut en septembre 1963, quelques semaines avant sa mort, dans lequel il tient à réconcilier ces deux disciplines, les littéraires et les scientifiques. Littérature et science ont des objets tout à fait différents : la science établit des généralisations abstraites à partir d’une classe de phénomènes et l’écrivain ouvre sur l’universel à partir d’un fait particulier, d’une expérience intime. Alors que l’écrivain doit enrichir le langage commun pour dire l’expérience humaine complexe et ineffable, « donner un sens plus pur aux mots de la tribu » ajoute Huxley citant Mallarmé, à l’inverse, l’homme de science purifie le langage de la tribu pour ne dire qu’une chose à la fois et sans ambiguïté348. Malgré cela, Huxley ne les oppose pas mais les considère comme complémentaires : tout comme Thomas-Henry Huxley partisan d’« une éducation principalement scientifique tempérée par beaucoup d’histoire, de sociologie, de littérature anglaise et de langues étrangères » et de Matthew Arnold partisan lui « d’une éducation essentiellement humaniste et plus spécifiquement classique, tempérée par suffisamment de science pour permettre à ceux qui la reçoivent de comprendre le monde singulièrement peu hellénique dans lequel ils sont appelés à vivre349 ».

La littérature ne se tourne pas assez ou pas comme il le faudrait vers la science. Elle intègre certes ses applications techniques, traite des réactions émotives face à ces dernières, de leurs conséquences sociales et psychologiques mais se détourne des théories et des scientifiques, « de la science, même, en tant qu’élément nécessaire à la formulation d’une philosophie soutenable de la nature et de l’homme, en un mot à la science en tant que science350 ». Or, l’écrivain ne peut pas ignorer comment les connaissances et les modes de pensée scientifiques touchent toutes les expériences humaines car la littérature a pour but de donner un sens à nos expériences intimes qui sont aujourd’hui vécues et pensées en relation avec des mondes extérieurs qui ont été traduits par la science avec des mots précis et un discours logique. Ainsi l’écologie remet en cause l’hubris que les Grecs refusaient et qui ignore le respect des êtres vivants351 et ouvre ainsi aux écrivains la réflexion pour penser des rapports entre l’homme et la nature débarrassés de l’outrecuidance odieuse de cette humanité civilisée. L’autre exemple de connaissance scientifique porteur d’une remise en cause philosophique radicale, rappelle Huxley en citant Heisenberg, est celui de la physique atomique qui fait

 

« … que nous ne devons plus considérer les éléments constitutifs de la matière…comme des choses « en soi » … l’objet de la recherche dans les sciences de la nature n’est plus dans la nature elle-même mais dans la nature soumise à l’interrogation de l’homme352 ».

 

L’écrivain qui s’intéresse à l’expérience la plus intime de l’homme ne peut ignorer cette remise en question des notions d’intérieur et d’extérieur, d’objectif et de subjectif, à laquelle des expériences mystiques ou poétiques ont également abouti. Connaissance rationnelle et compréhension intérieure profonde peuvent ainsi se rejoindre. Rappelons que, dans Les Particules élémentaires, l’un des deux principaux personnages, Michel, qui a passé sa vie dans son laboratoire et dans ses calculs, finit ses jours en Irlande dans un état d’acceptation du monde dont la beauté lui a été révélée par ses recherches. Un travail doit donc être mené en coopération entre

 

« … le scientifique intelligent qui accorde de l’attention à ses expériences et qui a lu ce que d’autres ont raconté au sujet des leurs » et « l’écrivain intelligent qui s’intéresse à ce que le savant a à dire des rapports de l’homme avec le monde extérieur353 ».

 

Un autre thème dont la littérature devrait se saisir est celui des folies barbares auxquelles les hommes se sont presque toujours livrés et qui, au XXe siècle (et au XXIe), se poursuivent mais avec des moyens incomparablement plus destructeurs. Alors que les sauvageries passées se faisaient au nom de représentations théologiques ou métaphysiques, celles de la modernité se font au nom de la Nation ou du Parti et la science qui, avec la technique, leur a donné les moyens de se déchaîner ne fournit, elle, aucune justification.

Huxley estime qu’en ce début des années 60, si les romanciers ont intégré les résultats de la linguistique, de l’histoire et des sciences sociales, ils ont négligé les acquis de la génétique et de la biologie et donc l’importance des facteurs héréditaires, se privant ainsi d’éléments essentiels à la compréhension de notre destin individuel aussi bien que collectif. On retrouve là, ce qui fut une constante de sa pensée, l’importance de l’inné, même s’il ne refuse pas de reconnaître à l’action du milieu un rôle qui toutefois reste impuissant à la remettre en cause. Il éprouve d’ailleurs un goût pour les classifications s’appuyant sur cette importance de l’inné. En 1927 déjà, dans un essai Le plus sot Animal, il en énonce plusieurs susceptibles de fournir bien des clés de tels ou tels aspects du comportement humain : entre extra et introvertis, entre visuels et non-visuels, entre doués et non-doués, entre géomètres et analystes. Il fut ainsi un adepte enthousiaste de celle qu’avait élaborée Sheldon354 et dont il fit souvent l’éloge pour expliquer les différences de comportement et de tempérament entre les individus et jusque dans Littérature et Science, quelques semaines avant sa mort, non seulement il la rappelle mais il cite aussi diverses études établissant des corrélations entre délinquance et traits physiques. La science nous a apporté beaucoup d’éléments concernant la nature humaine. Elle nous a permis d’en avoir une représentation plus complexe et subtile. Ni la science, ni la littérature ne pourront percer le mystère du monde mais unies elles nous permettront d’avancer toujours plus loin dans l’inconnu.

Mais ce n’est pas seulement entre les diverses disciplines intellectuelles que Huxley souhaite jeter des ponts. Comme son personnage, Paul de Vries, il souhaite aussi le faire entre les différents modes de connaissance. Comme Michel, le savant des Particules élémentaires, y était peut-être aussi parvenu en se transformant au terme de ses recherches scientifiques : le savant inhibé, solitaire et introverti qu’il était a pu alors, peut-on imaginer, vivre l’expérience de la connaissance mystique ou poétique. Huxley, quand il loue la coopération entre la science et la littérature pour nous fournir des représentations plus fournies, plus riches, mieux structurées du monde, n’en oublie pas moins de rappeler, qu’à côté de la philosophie globale produite l’analysant, « la réalité restera toujours d’une seule pièce, entière et indivisible ». Les progrès de la connaissance intellectuelle se heurteront toujours à cette limite car la vraie connaissance est d’une autre nature. Au Congrès de psychologie appliquée de Copenhague, en août 1961, Huxley présente l’expérience visionnaire comme le complément essentiel à la compréhension verbale et intellectuelle. Dans Le Ciel et l’Enfer, il essaie de montrer que

 

« … l’aspirant au mysticisme devrait se tourner, pour obtenir de l’aide technique, vers les spécialistes en pharmacologie, en biochimie, en neurologie, en physiologie, en psychologie, en psychiatrie et en parapsychologie. Et, de leur côté, bien entendu, les spécialistes (s’il en est parmi eux qui aspirent à être des hommes de science véritables et des êtres humains complets) devraient s’adresser, quittant leurs spécialisations respectives, à l’artiste, à la sibylle, au visionnaire, au mystique, à tous ceux, en un mot, qui ont eu l’expérience de l’Autre Monde355 ».

 

En 1925, Huxley se posait déjà cette question des ponts entre les divers univers et dans des termes quasiment identiques. Dans Marina di Vezza, un personnage du nom de Calamy, observant attentivement sa main, constatait :

 

« … qu’elle existe simultanément dans une douzaine de mondes parallèles. Elle existe en tant que charge électrique, en tant que molécules chimiques, que cellules vivantes ; elle est partie constituante d’un être moral, un instrument du bien et du mal : elle existe dans le monde physique et dans l’esprit. Et l’on en vient alors, inévitablement, à se demander quelle est la relation entre ces différents modes de l’être. Qu’y a-t-il de commun entre la vie et la chimie... entre un agrégat de cellules et la perception d’une caresse ? C’est ici que s’ouvre un abîme356 ».

 

Calamy espérait alors pouvoir peut-être combler l’abîme. A condition de penser longtemps à l’énigme et surtout de le faire en pleine liberté. « L’esprit doit s’ouvrir, pur de toute chose hors de propos, dépouillé, calme. Il n’y a pas de place pour la pensée dans un esprit à demi-fermé, agité357 ». Il faut trouver le silence en soi, se défaire de ce qui encombre l’esprit, être disponible pour accueillir de nouvelles pensées, méditer avec assez de concentration et assez longtemps. Trente-cinq ans plus tard, Paul de Vries et Huxley sont toujours à la recherche de ce savoir absolu, total que Calamy espérait atteindre dans Marina di Vezza. Il se disait persuadé que si l’on a la force de ne pas se laisser détourner et distraire de cette méditation, de s’y concentrer avec suffisamment de force et de constance « on en viendrait à bout, on arriverait de l’autre côté des ténèbres358 ».

Ces ponts entre gens de lettres et scientifiques ne sont pas seulement nécessaires au savoir mais aussi pour répondre à un but pratique, politique : éviter l’asservissement technologique, éviter que se renouvelle ce qui s’est produit avec le système des fabriques qui a plongé des millions d’êtres humains dans l’enfer industriel. Selon Huxley, des rencontres entre gens de lettres, scientifiques et représentants du grand public, des conférences entre représentants des administrations, des affaires, des religions permettraient d’anticiper les conséquences des innovations technologiques. Il propose aussi des « réunions d’esprit » pour réfléchir aux politiques à mener dans divers domaines (éducation, droit, administration) eu égard au puissant processus de technicisation. Nous voyons que ces dispositifs, s’ils ont déjà été mis en place dans certains domaines sous la forme de comités d’éthique, de hautes autorités, de panels de citoyens ou de grands débats publics sont encore loin d’avoir le poids suffisant pour infléchir la logique du progrès technique en fonction de critères extérieurs à son champ et à celui de la rentabilité.

Huxley est devenu un intellectuel qui cherche non pas seulement à interpréter le monde mais à apporter sa contribution à la recherche des solutions aux problèmes de la famine et de la croissance démographique, de la destruction des équilibres naturels, des nationalismes et des menaces de guerre avec en toile de fond les progrès non maîtrisés de la science et de la technique. Il n’est pas le maître-penseur, idéologue des lendemains qui chantent et des ruptures avec le système. Il est un homme inquiet, inquiet parce qu’il est informé des progrès de la science et de leur utilisation malveillante, inquiet parce qu’il a compris que l’homme dans son état actuel n’est pas à la hauteur des puissances matérielles qu’il a engendrées, qu’il lui faut pour maîtriser les énergies considérables qu’il a captées, avec l’atome au plus intime de la matière ou avec le pétrole dans les sédiments accumulés pendant plusieurs millions d’années, « un supplément d’âme » comme le disait Bergson.

Il est inquiet des menaces qui pèsent sur les libertés individuelles et alors qu’il pensait à l’époque de la rédaction de son roman Le meilleur des Mondes que ses anticipations mettraient cinq ou six cents ans à advenir, il reconnaît dans une interview à John Lehmann à la télévision le 12 octobre 1958 à Londres que « seulement 27 ans plus tard, un sacré nombre de ces prévisions étaient déjà réalisées et réalisées très fortement359 » et que les dictateurs potentiels disposent maintenant d’un arsenal de moyens beaucoup plus efficaces qu’auparavant.

Il est inquiet de l’application de la technique, non pas seulement à la société en général mais à l’individu en particulier. La propagande qui vise à « court-circuiter le choix rationnel » pour produire des comportements réflexes, les procédés publicitaires qui visent à agir sur l’inconscient et sont utilisés aussi bien à des fins commerciales que politiques, bénéficient des progrès de la technique jusqu’à mettre en péril la liberté individuelle. Et demain, le pouvoir pourra utiliser les dernières découvertes de la pharmacologie pour asservir totalement les individus et annihiler à l’intérieur d’eux-mêmes toute résistance à la soumission ou désir de liberté.

Il est inquiet et aussi révulsé par l’accumulation des stocks d’armement. En mai 1952, il sort de la visite de la station de recherches navales de China Lake à 300 km de Los Angeles, avec un sentiment de certitude que « la race humaine avait pris la décision de se détruire360 ».

Il est inquiet de l’avidité avec laquelle nous absorbons les ressources naturelles et donc sacrifions l’avenir au présent.

Lors de sa conférence à Santa Barbara en 1959, il met l’accent sur le rôle des États comme moteur de la technicisation pour accroître leur contrôle sur la société. Ainsi donne-t-il l’exemple de la Révolution française qui dut, afin de permettre le grand développement technologique qui suivrait, détruire les institutions du Moyen-Age, les guildes, les corporations qui avaient bien d’autres objectifs que celui de l’efficacité. Pour permettre au système technologique à grande échelle de s’installer, il fallut atomiser, désintégrer la société. Huxley est donc un de ces auteurs pour qui ce ne sont pas les formes de propriété des moyens de production qui sont déterminants mais les techniques utilisées. La distinction essentielle n’est pas entre socialisme ou communisme et capitalisme mais entre société industrielle et les autres. Il attribuait l’accent mis sur le régime de propriété à la mythologie soviétique. La technologie se développant selon les lois de sa propre logique, nous serons poussés en Occident à emprunter, pensait-il, la même route que les Soviétiques en sachant que ceux-ci n’ont pas les mêmes scrupules que nous pouvons parfois avoir quant à la disparition de libertés individuelles et des espaces de démocraties. Ces auteurs ont eu l’intuition qu’à terme les deux sociétés se ressembleraient de plus en plus : certes des spécificités historiques et culturelles subsistent entre elles et peuvent même se traduire par des antagonismes politiques ou expliquer des différences socio-économiques mais les unes et les autres sont caractérisées par une centralisation étatique qui permet au pouvoir de disposer ainsi de masses d’informations sur la société et sur chacun de plus en plus considérables et une centralisation économique qui réserve le pouvoir à des grands groupes oligarchiques. A cela, Huxley, toujours sensible à la question démographique, ajoute que le nombre croissant de la population et les problèmes d’organisation qui s’en suivent impliquent une intervention accrue de l’autorité publique dans les affaires qui jusque-là relevaient de l’initiative privée.

Huxley est une des premières consciences écologistes modernes. Ses descriptions de la dégradation de l’état de l’environnement et de la responsabilité de l’homme sont saisissantes et encore très rares à son époque. Bélial,

 

« dès le début même de la révolution industrielle, avait prévu que les hommes seraient gratifiés d’une présomption tellement outrecuidante pour les miracles de leur propre technologie qu’ils ne tarderaient pas à perdre tout sentiment de la réalité... A polluer les rivières, à tuer tous les animaux sauvages, au point de les faire disparaître, à détruire les forêts, à délaver la couche superficielle et à la déverser dans la mer, à consumer un océan de pétrole, à gaspiller les minéraux qu’il avait fallu des époques géologiques pour déposer. Une orgie d’imbécillité criminelle. Et ils ont appelé cela le Progrès361 ».

 

Dans ses articles pour la revue Esquire entre 1955 et 1957, dans Adonis and the Alphabet ( titre anglais, le titre américain étant Tomorrow and Tomorrow and Tomorrow en référence à Macbeth où le héros exige une prophétie des étranges sœurs) publié en 1956, il dénonce la dilapidation des richesses limitées de la planète en regard de la magnifique région qui va des forêts et des montagnes du Washington jusqu’aux déserts et aux dattiers du Sud de la Californie et qui exerce sur lui une véritable fascination :

 

« Nous vivons comme des navigateurs ivres, comme les héritiers irresponsables d’un oncle milliardaire. A un rythme toujours accéléré, nous dilapidons maintenant le capital de minerais métalliques et de combustibles fossiles accumulés dans la croûte terrestre au cours de centaines de millions d’années. Combien de temps cette consommation extravagante pourra-t-elle durer ? Les estimations varient. Mais tout le monde est d’accord que ce sera moins de quelques siècles ou au plus quelques millénaires, les hommes auront réduit à toute allure leur capital…362. »

 

A l’automne 1962, Huxley effectue son dernier voyage en Angleterre et revenant sur les lieux de son enfance, il constate qu’il n’y a plus d’oiseaux dans les haies. Les chenilles dont se nourrissent les rossignols ont été tuées par les pesticides, et au travers eux la poésie anglaise aussi. Ils ne chanteront donc plus au printemps. Huxley sait pourquoi, il a lu Le Printemps silencieux de Rachel Carson qui vient juste d’être publié au mois de septembre.

Il est très conscient des dangers du nucléaire et même de ceux du nucléaire civil. Lors d’une conférence devant l’Académie des sciences de New York en 1956 il en soulève les dangers :

 

« Si elle ne nous détruit pas, l’énergie nucléaire ne fera que nous donner davantage de ce que nous avons déjà – de l’énergie à bon marché, avec ses corollaires : plus de gadgets, des projets d’irrigation plus vastes et des transports plus efficaces. Elle nous donnera ces choses à un coût très élevé – l’accroissement de radiations nocives avec son cortège de mutations néfastes et de pollution permanente des réserves génétiques de l’homme363. »

 

Dans ses notes retraçant sa visite du laboratoire animal de Los Alamos en mai 1962, il est frappé par les différences constatées entre deux lignées de trente-trois générations de souris, l’une exposées aux radiations et l’autre non : la première a un poids 25 % inférieur, une fécondité diminuée de moitié et montre une espérance de vie plus courte, une moindre résistance et des mutations génétiques récessives et s’accumulant364. Huxley n’avait pas toujours eu un jugement aussi tranché sur le nucléaire et en 1948365, il avait estimé que la fission nucléaire permettrait, en exposant des graines aux rayons gamma, d’obtenir des mutations sans précédent dont la majorité seront nuisibles mais dont quelques-unes permettront d’obtenir des variétés plus productives ou plus résistantes à des parasites ou à des conditions climatiques plus difficiles. Il y voyait aussi au terme d’une vingtaine d’années la possibilité d’une énergie à très bon marché. Néanmoins, investir dans cette direction lui semblait un choix douteux : dans les 20 ans à venir, la population aura augmenté de 400 millions d’habitants et peut-être le nucléaire pourrait être utilisé militairement par un idéaliste, un patriote ou un fou. Il avait compris que le nucléaire civil et le nucléaire militaire sont indissociables. Et Huxley n’était pas dogmatique : il se renseignait beaucoup avant de prendre position, absorbait les nouvelles données et pouvait modifier sa position si elles le justifiaient.

En 1948, il constate que la crise économique et la crise politique sont au premier plan des préoccupations des conférences internationales et des médias et sont traitées par les chefs d’État dans une optique de rapports de forces et non de coopération. Pendant ce temps, l’autre crise, la crise démographique et écologique (ce sont ses termes mêmes, dès cette époque) est négligée par les médias et par les principaux responsables politiques qui laissent ces questions comme celles de l’alimentation et de la santé à des délégations subalternes366. Il est rare d’entendre cette présentation des choses à l’époque et aujourd’hui encore les questions de santé, d’environnement, d’éducation, si elles sont reconnues, n’ont pas le poids politique des questions économiques, commerciales ou de rivalités entre les puissances. Elles sont considérées comme des coûts qui grèvent les richesses produites par l’économie, à moins que l’on y aperçoive la possibilité d’ouverture de nouveaux marchés.

La question de la relation de l’homme à la nature n’est pas seulement pour Huxley un problème pratique immédiat mais aussi un problème d’éthique et de religion.

 

« Ni le christianisme, ni le judaïsme n’ont pensé la Nature comme ayant des droits dans sa relation avec l’homme… la tradition religieuse occidentale… affirme que Dieu a mis l’homme aux postes de commande et que la Nature doit lui payer un tribut. Les Grecs avaient mieux compris que les juifs et les chrétiens les dangers de l’hubris à l’égard de la nature. Le taoïsme chinois inclut la nature animée et la nature inanimée aussi bien que l’homme et… son concept d’Ordre des Choses implique la préservation de l’état d’équilibre367 ».

 

La rapidité de la croissance démographique est un facteur de l’épuisement des ressources. Crise démographique et crise écologique sont pour lui indissociables, c’est ce qu’il développe en 1948 dans un long article publié dans The World Review. Il adopte une position malthusienne, bien dans la tradition britannique, accordant à la démographie une grande part de responsabilité dans la crise économique et politique, source de chômage, de baisse des salaires et de pauvreté ainsi que d’un manque de terres pour les paysans et cause et conséquence des conflits. Une conséquence parce que le militarisme et l’orgueil nationaliste poussent à la hausse de la fécondité et à l’augmentation de la population, une cause parce que le surpeuplement favorise soit la guerre civile pour le partage de ressources insuffisantes, soit la conquête de territoires extérieurs pour étendre l’espace vital au détriment des autres peuples. Huxley en fait même un objectif premier : « les modifications dans l’état social et économique ne sont pas suffisantes, par elles-mêmes, notre première préoccupation doit être de réduire le chiffre de la population et de produire plus de vivres avec moins de dégâts au sol368 » tels que la désertification, l’érosion des pentes des montagnes dénudées, la réduction en poussière balayée par le vent de la couche arable des plaines. Il n’adopte donc pas le point de vue dit progressiste selon lequel les gains de productivité grâce aux progrès technologiques, ou les modifications du régime de propriété des terres (à l’époque, on songe surtout à sa collectivisation), ou le remplacement des dirigeants politiques dans les pays victimes de la famine par des dirigeants formés à Moscou, pourraient permettre de nourrir une population qui augmente de 200 millions tous les dix ans et atteindra les huit milliards d’habitants sur terre en 2050 (selon les prévisions de l’époque). Ces descriptions de l’état de la planète sont devenues des antiennes aujourd’hui. Il s’agissait de propos beaucoup plus rares à cette époque. Une politique concertée à l’échelle internationale, pour à la fois protéger les sols, réduire la croissance démographique et parer aux menaces de famine ou de sous-alimentation, devrait être mise en œuvre mais, là encore, le principal ennemi sera l’idolâtrie nationaliste figée dans ses dogmes et aveugle par ses obsessions aux problèmes réels. Huxley ne désespère pas néanmoins que les effets positifs de la coopération entre pays, d’abord technologique puis économique, puisse à terme favoriser ce qu’il appelle le patriotisme mondial.

Huxley ne rompt pas avec ses conceptions « biologisantes » : il accorde toujours une grande importance au déterminant génétique relativement au déterminant culturel. Le constat du caractère différencié des taux de croissance de la population entre les zones riches et les zones pauvres lui fait craindre, le taux de fécondité baissant plus rapidement dans les couches les plus éduquées et les plus intelligentes que dans le reste de la société, une détérioration de la qualité des individus qui pourrait mettre en cause le fonctionnement de la démocratie. D’où la nécessité « de nouveaux types d’éducation, conçus afin de tirer parti au mieux du matériel humain en voie de détérioration369 ». L’expression ici n’est pas des mieux choisies mais il ne semble plus néanmoins désespérer, comme dans les années 20, de l’éducation pour former les citoyens. Cette remarque n’est pas toutefois dépourvue de toute pertinence au regard de notre actualité puisque nous constatons qu’après deux ou trois générations de présence sur le sol français de certaines populations immigrées pauvres, nous n’avons toujours pas su mettre en œuvre ces « nouveaux types d’éducation » qui permettraient leur intégration dans le cadre de la démocratie libérale.

Le temps nous est compté pour modifier « le comportement politique ordinaire » du fait des puissances de destruction qui sont mises entre les mains de dirigeants eux-mêmes malades de l’idéologie nationaliste. En août 1961, à la conférence de Copenhague, à laquelle Huxley participe, est abordée la question de savoir si la psychologie peut « contribuer à l’apaisement des tensions internationales, à la solution des conflits, au maintien de la paix ». Beaucoup de « propositions humaines et raisonnables » sont présentées et en particulier dans le discours d’ouverture du Professeur Osgood. Mais Huxley doute qu’elles soient acceptées malgré leur nécessité et leur urgence du fait de l’entrée dans l’ère atomique. L’élite politico-militaire des quelques dizaines de personnes qui prennent les décisions fondamentales en la matière reste enfermée dans des « traditions politiques et philosophiques qui... dans le passé ont invariablement conduit à la guerre ».

Et, pour ne rien arranger, face aux changements technologiques, démographiques et donc aussi sociaux très rapides, les sociétés ont des réactions de repli et d’agressivité fossilisées en dogmes de plus en plus inadaptés. La psychologie appliquée ne peut donc à elle seule constituer une réponse suffisante et Huxley reprend ici une de ses propositions de méthode, en matière de réforme politique, déjà formulée dans La Fin et les Moyens : un problème pour être résolu doit être attaqué simultanément sur plusieurs fronts. Ainsi la question du comportement politique doit être traitée :

 

« sur le front sémantique (car c’est une affaire de langage mal employé et de croyances admises sans examen), sur le front de l’organisation (car il implique le fait brut du pouvoir et les problèmes de son contrôle), sur le front philosophique (car notre comportement est dans une certaine mesure influencé par notre vision de la nature humaine), sur le front biologique (car sous les problèmes politiques on trouve les problèmes de l’explosion démographique et de la distribution inégale des ressources)370. »

 

Huxley n’hésite pas à essayer de faire prendre conscience de leur propre comportement aux chercheurs en armement. En mai 1962, il donne une conférence sur l’expérience visionnaire devant les scientifiques du centre de Los Alamos où, depuis 1943 avec le projet Manhattan, avait été développé tout l’arsenal nucléaire américain. Il exhorte ces brillants cerveaux à s’intéresser à « l’autre monde de l’esprit, impénétrable et incommensurable… et d’établir des ponts entre la poésie, la chimie et le mysticisme371 » et au passage il pourfend les dépenses militaires. En août 1962, il visite l’usine de Los Angeles qui fabrique les capsules Apollo pour aller sur la lune et les derniers missiles sur lesquels les ingénieurs travaillent. Isherwood, qui l’accompagne, le décrit écoutant, la tête légèrement penchée, distant, pâle comme un fantôme, les cadres de l’entreprise égrenant des retentissants « la grande mission de l’homme » et « son destin dans l’Espace » mais n’ayant visiblement pas compris de ce dont il les avait entretenus372. Dans une lettre à Osmond, il déplore ces millions dépensés mais surtout ce dévouement et cette intelligence mis au service de cette vaste paranoïa collective, alors que trois milliards d’hommes, pour un tiers d’entre eux affamés ou mal nourris, seront, en l’espace de moins de 40 ans, 6 milliards373


336  Huxley (Aldous), Letters, op. cit. p 521, lettre à P. Dumaine du 23 avril 1945.

337  Huxley (Aldous), Letters, op. cit. p 521, lettre à P. Dumaine du 23 avril 1945.

338  Bedford (Sybille), Volume 2, op. cit. 178-179.

339  Bedford (Sybille), Volume 2, op. cit. p 298-299.

340  Bedford (Sybille), Volume 2, op. cit. p 259-260.

341  Bedford (Sybille), Volume 2, op. cit. p 209-210.

342  Bedford (Sybille), Volume 2, op. cit. extrait de Tomorrow and Tomorrow and Tomorrow, p 210.

343  Bedford (Sybille), Volume 2, op. cit. p 211.

344  Huxley (Aldous), L’Eternité retrouvée, Paris, Plon, 1946, p 80-87.

345  Bedford (Sybille), Volume 2, op. cit. p 250-252.

346  Bedford (Sybille), Volume 2, p 266.

347  Huxley (Aldous), Moksha, op. cit. p 202-214.

348  Huxley (Aldous), Littérature et Science, op. cit. p 24.

349  Huxley (Aldous), Ibid., p 8.

350  Huxley (Aldous), Ibid., p 96.

351  Huxley (Aldous), Ibid., p 36.

352  Huxley (Aldous), Ibid., p 119.

353  Huxley (Aldous), Ibid., p 123.

354  William Sheldon, chercheur américain en psychologie, a élaboré au cours des années 1930 un système de classification des tempéraments humains à partir de critères psychophysiques qui lui ont permis de définir trois grands types dont chaque individu est un mélange plus ou moins équilibré. Ces trois grands types sont le viscérotonique au physique endomorphe et à la sociabilité affirmée, le somatotonique au physique mésomorphe et tourné vers l’activité et le cérébrotonique au physique ectomorphe et un haut degré de sensibilité. Huxley revient à plusieurs reprises sur cette grille de lecture des comportements humains dont il fait grand cas.

355  Huxley (Aldous), Le Ciel et l’Enfer, op.cit. p 89.

356  Huxley (Aldous), Marina di Vezza, op.cit. p 385.

357  Huxley (Aldous), Ibid., p 380.

358  Huxley (Aldous), Ibid., p 383-384.

359  Bedford (Sybille), Volume 2, op. cit. p 241.

360  Huxley (Aldous), Letters, op. cit. p 645, lettre du 20 mai 1952 à Julian Huxley.

361  Huxley (Aldous), Temps Futurs, op. cit. p 149 à 152.

362  Dunaway (David King), op. cit. p 355, extrait de Tomorrow and tomorrow and tomorrow.

363  Huxley (Aldous), Moksha, op. cit. p 162.

364  Huxley (Laura), op. cit. p 200.

365  Huxley (Aldous), Thèmes et Variations, op. cit. p 297.

366  Huxley (Aldous), ibid., p 263-305, La double Crise.

367  Bedford (Sybille), Volume 2, op. cit. p 90.

368  Huxley (Aldous), Thèmes et Variations, op. cit. p 280.

369  Huxley (Aldous), Ibid., p 273.

370  Huxley (Aldous), Moksha, op. cit. p 258-260.

371  Huxley (Laura), op. cit. p 200.

372  Huxley (Laura), op. cit. p 200.

373  Huxley (Aldous), Letters, op. cit. p 936, lettre à H. Osmond du 19 août 1962.