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Au bord du ciel : les aurores boréales
France
Quand il fait mauvais, qu’une chape de nuages pèse sur la banquise, la visibilité est nulle. Une telle absence de repère est étrange. On vacille, on tombe, car on n’a pas appris, sous nos latitudes, à marcher sans fixer une ligne d’horizon. Le silence est parfois si complet que seul le bourdonnement du sang devient perceptible. Quand il fait beau…
Dans la nuit polaire vibre une sérénité dissoute au jour. Le ciel est pur et froid, une voûte étoilée recouvre la terre. C’est extraordinaire parce que moi, toute petite, j’ai l’impression de toucher les étoiles. Mais ce qui est le plus fabuleux, ce sont les aurores boréales, phénomènes physiques liés à de colossales éruptions solaires. Celles-ci projettent des flots de particules dans la haute couche de l’atmo-sphère terrestre, à 800 km d’altitude ; au contact de cette couche une réaction électronique se produit, dégageant des rais de lumière verte, parfois rouge-violet. Ces faisceaux sont attirés par le magnétisme des pôles ; c’est pourquoi les aurores sont surtout visibles à leur proximité. Malgré le froid, Éric passe ainsi des heures dehors pour les contempler, et tente d’immortaliser ces instants avec son appareil photo pour partager ses émotions.
Les nuages peuvent vite filer sous le vent, ce sont des nuages qui passent au fond de l’horizon. Les aurores boréales sont comme un vent magnifié, de vastes tourbillons de lumière verte qui prennent le ciel, ébranlent et emportent tout le ciel, aussi loin que le regard puisse porter. C’est au-delà du beau, et je suis dedans. Rien d’autre ne m’environne ; seule la banquise, à perte de vue, recouverte de neige. Une partie du tout. Dans cet univers blanc et glacé, rien ne bouge, sauf le ciel tout entier. D’immenses volutes dansant, tournoyant dans un mouvement qui le fait palpiter. Il n’y a rien sur Terre qui soit aussi démesuré. Je respire. Depuis la première aurore boréale que je vis au Groenland, il y a quinze ans, je ne m’en suis pas lassée. Et c’est encore différent depuis le bateau, où je songe : « Que c’est beau ! » comme à un spectacle. Les mots semblent se détacher dans le ciel où se joue le ballet vert. Moi, minuscule et fragile être vivant, je regarde. Je suis au centre, je fais tout à coup partie de l’Univers. Qu’est-ce, sinon être heureux ?