À paraître en octobre 2013 :

NOTE DE L’AUTEUR

Comme le temps passe vite. Je me revois, il y a de cela un an à peine, assise ici, dans ce même bureau que je trouvais étriqué. Je me sentais à l’étroit, j’étouffais, et j’avais peur que les mots désertent ma pensée. Puis un matin, il y a eu Emma, Victoire et Alexandrine qui m’y attendaient et les murs de la pièce se sont ouverts sur l’univers de ces trois femmes que je ne connaissais pas encore. L’horizon était subitement sans limite et l’envie de me lancer dans une nouvelle aventure en leur compagnie est vite devenue irrépressible. J’ai oublié l’étroitesse des lieux pour découvrir un monde fait de labeur et d’amour, d’espoir et de déception, de peur et de générosité, de rires et de larmes. J’ai humé avec gourmandise l’odeur du varech qui me chatouillait les narines et j’ai senti la moiteur des embruns sur ma peau en même temps que ces trois jeunes femmes. Puis, à vol d’oiseau, j’ai rejoint James à Montréal, une métropole bien différente de celle que l’on connaît aujourd’hui. J’ai pris le tramway « hippomobile » avec lui, — quelle drôle de chose ! —, et j’ai admiré les maisons de style victorien dans des quartiers trop chics pour qu’on puisse ne serait-ce qu’espérer s’y installer un jour. James et moi en avons ri ensemble. Un peu plus tard, il m’a présenté ses amis, sa logeuse et plus tard, sa douce amie Lysbeth.

Et petit à petit, tous les autres personnages se sont greffés à eux.

J’ai respiré bruyamment devant l’entêtement de Matthieu et j’ai souri devant le gros bon sens de Mamie. J’ai eu peur avec Clovis et j’ai pleuré avec Alexandrine. Je me suis réchauffée au feu de la forge d’Albert et je peux vous assurer que les gâteaux de Victoire sentent vraiment très bon. Malheureusement, elle ne m’a pas encore invitée à y goûter. J’espère qu’elle le fera un jour.

Voilà de quoi a été fait le cours de mes journées, depuis l’été dernier, un pied ancré dans le terroir du dix-neuvième siècle avec mes personnages et l’autre pataugeant dans l’eau de la rivière qui s’est invitée sans permission à faire un détour par notre sous-sol en plein mois de février !

Comme on dit : c’est la vie !

Il y a la mienne, bien sûr, qui doit sûrement teinter mes écrits d’une certaine façon. Il y a aussi celle de tous ces nouveaux personnages que j’ai appris à aimer. J’ai remis le manuscrit du premier tome vendredi dernier et sans délai, je me remets à l’écriture du deuxième dès ce matin. Vous l’ai-je dit ? Il y aura quatre tomes dans cette série et je vous assure que c’est avec le plus grand des plaisirs que j’ai retrouvé tout ce beau monde dans mon bureau, dès l’aube de ce petit lundi de printemps encore frisquet.

James m’y attendait, un large sourire illuminant son regard d’azur. J’ai l’impression qu’il a une bonne nouvelle à m’annoncer et je crois savoir ce que c’est. Pourtant, malgré la curiosité de voir si j’ai bien deviné, je vais lui demander de patienter encore un peu. Avant de faire un saut dans le temps qui nous projettera en 1898, j’aimerais m’attarder à l’automne de 1893, pour retrouver Emma. Son inquiétude m’a bouleversée et j’ai envie de l’accompagner jusqu’au bout de cette grossesse dont elle se serait bien passée.

En ce moment, je me tiens donc dans le corridor de sa maison. Les plus jeunes se préparent à partir pour l’école, on les entend à la cuisine, et les plus vieux sont déjà aux champs avec leur père. Le temps des récoltes est commencé. Quant à Lionel, il a regagné le collège pour une dernière année. Gilberte est à la cuisine avec Mamie, et moi je m’apprête à frapper à la porte d’Emma. C’est que le temps doit lui sembler fort long, maintenant qu’elle n’a plus le droit de descendre à la cuisine. En effet, même ce petit plaisir quotidien lui a été retiré depuis la fin du mois d’août. Alors j’ai décidé de lui tenir compagnie et si le cœur vous en dit, il ne vous reste plus qu’à vous joindre à moi.